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La France rend hommage aux combattants africains

Publié le lundi 16 août 2004 à 15h57min

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C. Bambara,
décoré hier

Soixante ans après le débarquement allié en Provence, la France a rendu un hommage appuyé dimanche aux combattants africains de l’opération "Dragoon", en faisant un geste particulier de réconciliation avec l’Algérie.

Devant les 16 chefs d’Etat et de gouvernement invités, dont le président algérien Abdelaziz Bouteflika et le roi du Maroc Mohammed VI, et les 21 anciens combattants, stoïques sous le soleil de plomb, qu’il venait d’élever au rang de chevalier de la Légion d’honneur, Jacques Chirac a exprimé la "gratitude infinie" et la "reconnaissance éternelle" des Français à l’égard des "combattants de cette épopée héroïque".

Le président français s’exprimait devant un pupitre placé au centre de la piste d’envol du porte-avions "Charles-de-Gaulle", au mouillage dans la rade des Vignettes, à Toulon. Escorté par le bâtiment de soutien "Jules-Verne", le "Charles-de-Gaulle" était régulièrement survolé par des hélicoptères, alors que les forces de l’ordre sillonnaient la zone en canots pneumatiques.

"Les fils de vos nations ont associé leurs noms à la légende militaire de la France. Ils ont à jamais mêlé leur sang au nôtre", a lancé le président français. "Chasseurs d’Afrique, goumiers, tabors, spahis, tirailleurs, zouaves : (...) ils ont été les inlassables artisans de la victoire".

Le président français a fait un geste particulier à l’égard de l’Algérie, en décernant "à titre exceptionnel et unique", la croix de la Légion d’honneur à la ville d’Alger, "capitale de la France combattante" pendant la guerre, en présence du président algérien Abdelaziz Bouteflika.

Alger a été le siège des institutions provisoires de la République entre 1943 et 1944. C’est la cinquième ville étrangère à recevoir cette distinction.

"C’est à Alger, sièges des institutions de la France combattante, que se reconstituaient, sur l’autre rive de la Méditerranée, face à la métropole occupée, les armes de la France", a rappelé M. Chirac. "Ce rôle si crucial et si singulier méritait à l’évidence d’être reconnu", a-t-il estimé.

Après la Libération, la France et l’Algérie n’avaient pourtant pas tardé à se déchirer, au cours d’une guerre d’indépendance qui s’est achevée en 1962 avec les accords d’Evian. Mais depuis la visite d’Etat de Jacques Chirac en mars 2003, l’heure est à la réconciliation, un traité d’amitié étant même en préparation pour 2005.

Reste que toutes les blessures ne sont pas encore refermées : l’invitation du président Bouteflika aux célébrations du Débarquement de Provence a suscité des protestations parmi les harkis, ces anciens supplétifs de l’armée française que le président algérien avait qualifiés de "collabos" en 2000. Une soixantaine de députés UMP, menés par Claude Goasguen, s’étaient ainsi faits l’écho de cette irritation dans une lettre ouverte.

Après les festivités du "Jour J" en Normandie, les autorités françaises voulaient surtout honorer dimanche les combattants africains, même si la Grande-Bretagne et les Etats-Unis étaient représentés à un niveau ministériel subalterne. Il est vrai que le sacrifice de ces hommes avaient parfois été oublié par le passé.

Ce n’est ainsi que récemment que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a décidé de réévaluer les pensions accordées aux 80.000 anciens combattants des anciennes colonies, qui avaient été gelées ("cristallisées"). Plus de 120 millions d’euros ont été inscrits en 2004 au budget à cet effet et les pensions réévaluées sont effectivement versées depuis avril dernier.

Ces combats "ont scellé entre nous un lien indissoluble", a réaffirmé dimanche Jacques Chirac.

Après le passage des troupes en revue par le chef de l’Etat, les invités ont assisté à un défilé aérien, puis à une revue navale : 25 bâtiments -dont un américain, deux anglais, trois algériens, un marocain et un tunisien- sont passés à quelques mètres du porte-avions, leur équipage au grand complet en "position de bande", c’est-à-dire alignés au garde à vous. "Vive la République !", ont scandé les marins de la frégate "Duquesne", qui a ouvert la revue en tirant 21 coups de canon. Deux sous-marins nucléaires d’attaque l’ont clôturée.

Les avions de la patrouille de France a ensuite fait une démonstration, dessinant notamment un coeur en rouge et bleu dans le ciel.

AP

P.-S.

Le Discours de Jacques Chirac à Toulon

Sire,

Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Mesdames et Messieurs,

Voici soixante ans, au prix de sacrifices immenses, les forces de la Liberté poursuivaient leur assaut pour briser la machine de mort et de haine qui, au mépris des valeurs essentielles de l’humanité, avait entrepris d’asservir l’Europe.

Après l’Afrique du Nord, la Sicile, la Corse, la Normandie, ici même, en Provence, le 15 août 1944, s’engageait une nouvelle étape de cette lutte sans merci qui devait décider du destin de nos Nations.

Aux ordres des Généraux Patch et de Lattre de Tassigny, galvanisés par des chefs exceptionnels, des milliers et des milliers de combattants prenaient pied sur les plages et ouvraient un nouveau front majeur dans le dispositif ennemi.

Alors même que le front de l’Ouest exigeait d’eux des efforts prodigieux et que les combats se poursuivaient en Italie, Américains et Britanniques décidaient d’engager des forces supplémentaires sur ce théâtre d’opérations et en acceptaient le prix.

La mémoire des soldats alliés qui tombèrent sous le feu de l’ennemi a été honorée, hier et ce matin, à Draguignan, à La Motte-Le Muy, au Dramont, à Cavalaire.

Messieurs les représentants des Etats-Unis et du Royaume-Uni, comme je l’ai dit le 6 juin dernier à Arromanches, en présence de Sa Majesté la Reine ELIZABETH II et du Président BUSH, la France n’oubliera jamais le sang versé par vos enfants pour sa liberté.

En cette journée du 15 août 1944, pour toutes les Françaises, pour tous les Français, quelle joie, profonde, intense, inoubliable, quelle fierté que de voir l’armée de la France combattante engagée, aux côtés de ses alliés, dans le combat pour la libération de notre sol !

Comme le Général de Gaulle, Chef de la France libre, l’avait voulu, nos soldats étaient à nouveau au rendez-vous de l’Histoire. Un idéal commun les transcendait. Des valeurs essentielles les rassemblaient : la Liberté, l’Egalité, la Fraternité.

La liberté. Elle guidait ces combattants, comme elle animait ceux qui venaient de percer le front en Normandie, mais aussi les Résistants de l’intérieur, qui sortaient enfin au grand jour et apportaient aux forces débarquées un concours déterminant.

L’égalité. Elle était, dans l’épreuve du feu, la marque même de leur destin. Egalité face à la peur, aux souffrances, à la mort. Egalité aussi dans l’honneur et dans la gloire.

Une gloire conquise en Tunisie, dès 1942, puis en Sicile et en Corse, premier département métropolitain libéré. Une gloire confirmée, et avec quelle abnégation, quelle ténacité, tout au long de la terrible campagne d’Italie. Une gloire qui ne cesserait plus de les suivre et d’éclairer de ses feux la marche qui allait les conduire du Rhône au Rhin et jusqu’au Danube.

Le 8 mai 1945, à Berlin, derrière le général de LATTRE de TASSIGNY assis à la table des vainqueurs, c’est toute la cohorte de ces héros dont le sacrifice et le courage se voyaient reconnus et honorés.

La fraternité enfin. Celle des armes, qui soudait dans un même élan, sous le drapeau français, ces combattants de toutes origines qui composaient la 1ère Armée, officiers, sous-officiers, soldats des prestigieuses 1ère Division Française Libre du Général BROSSET, 3ème Division d’Infanterie Algérienne du Général de MONSABERT, 2ème Division d’Infanterie Marocaine du Général DODY, 4ème Division Marocaine de Montagne du Général SEVEZ et 9ème Division d’Infanterie Coloniale du Général MAGNAN.

Ces valeureux soldats venaient de la métropole et de tous les horizons de l’Outre-Mer français. Jeunes de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, fils de l’Afrique occidentale ou de l’Afrique équatoriale, de Madagascar ou de l’Océan indien, de l’Asie, de l’Amérique ou des Territoires du Pacifique, tous se sont magnifiquement illustrés dans les combats de notre Libération. Ils paieront un très lourd tribut à la victoire.

Chasseurs d’Afrique, goumiers, tabors, spahis, tirailleurs, zouaves... leurs noms résonnent pour toujours avec éclat dans nos mémoires. Combattants exemplaires, souvent héritiers de traditions guerrières immémoriales, admirables de courage, d’audace et de loyauté, ils ont été les inlassables artisans de la victoire.

Sire, Messieurs les Présidents et Hauts représentants de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie, de la Mauritanie, du Sénégal, du Mali, du Niger, du Tchad, du Burkina Faso, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire, du Togo, du Bénin, du Cameroun, du Gabon, du Congo, de la République Centrafricaine, de Madagascar, des Comores, de Djibouti, les fils de vos nations ont associé leurs noms à la légende militaire de la France. Ils ont à jamais mêlé leur sang au nôtre.

A la Libération, le général de Gaulle a conféré la croix de Compagnon de la Libération au Sultan Mohammed Ben Youssef, futur Mohammed V.

Permettez-moi, Sire, de citer les mots que prononça votre illustre grand-père aux heures les plus sombres de notre histoire.

Je le cite : « …Jusqu’à ce que l’étendard de la France et de ses alliés soit couronné de gloire, nous lui devons un concours sans réserve, ne lui marchander aucune de nos ressources et ne reculer devant aucun sacrifice… ».

Monsieur le Président de la République algérienne, c’est à Alger, siège des institutions de la France combattante, que se reconstituaient, sur l’autre rive de la Méditerranée, face à la métropole occupée, les armes de la France.

Le puissant effort de reconstruction, conduit depuis Alger avec le concours matériel de nos alliés, allait donner cette troupe admirable, puisant aux grandes traditions de l’armée française, où se fondront, dans un même creuset, tous les enfants de la métropole et de l’Empire.

Ce rôle si crucial et si singulier d’Alger méritait , à l’évidence, d’être reconnu. C’est pourquoi j’ai décidé, à titre exceptionnel et unique, de conférer aujourd’hui à la ville d’Alger, en tant que capitale de la France combattante, la croix de la Légion d’Honneur.

Sire,

Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes rassemblés pour rendre hommage à tous les combattants de cette épopée héroïque.

Aux anciens combattants présents aujourd’hui, j’exprime, au nom de la France, au nom de chaque Française et de chaque Français, le témoignage de notre gratitude infinie. Beaucoup de vos frères d’armes sont tombés au champ d’honneur, ici même, en Provence, et sur tant d’autres théâtres. Leur souvenir ne vous a jamais quittés et je sais qu’il vous accompagne aujourd’hui. Ils ont droit à notre respect et surtout à notre reconnaissance éternelle. En cet instant, nous nous recueillons dans la mémoire de chacun d’entre eux avec une profonde émotion et un immense respect.

Depuis le 15 août 1944, le vent de l’Histoire a continué de souffler. Dans les années qui suivirent, les nations, dont beaucoup d’entre vous étaient originaires, accédèrent à l’indépendance. Et pourtant, comme en atteste la ferveur manifestée à l’occasion de ces journées du souvenir, ces heures tragiques et glorieuses partagées dans les épreuves et la douleur restent dans nos mémoires et dans nos cœurs. Elles ont scellé entre nous un lien indissoluble.

Cette lutte que nous avons menée ensemble pour la liberté exprimait une vision de l’homme et du monde qui nous est commune. Une vision bâtie sur des valeurs et des principes universels, au nom desquels nous avons combattu côte à côte. Une vision respectueuse aussi de nos différences, de l’infinie diversité des hommes, des cultures, des religions, des civilisations. Une vision qui reconnaît à chacune et à chacun un droit égal à la dignité.

J’ai, pour ma part, la conviction profonde que cette conception des rapports entre les hommes, fondée sur le respect de notre diversité, s’est renforcée dans notre fraternité d’armes. Elle est le socle de l’amitié profonde qui nous unit. Elle constitue l’héritage le plus précieux légué par ces héros que nous honorons aujourd’hui.

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