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Constitutions africaines : L’UA cherche une potion contre la “tripatouillite” aiguë

Publié le mercredi 3 février 2010 à 01h04min

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Rideaux sur le 14e Sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine (UA) qui s’est déroulé du 31 janvier au 2 février 2010 à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. Cette réunion des dirigeants du continent noir a passé en revue les questions brûlantes de l’heure : L’avenir du Soudan un an avant le référendum sur l’indépendance du Sud, la guerre civile en Somalie, la situation dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), la transition en Guinée et la crise malgache.

Cette dernière patate chaude a fait aussi l’objet d’empoignades quand les pays d’Afrique australe se sont succédé au micro d’un huis clos pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme de la complaisance de la part du président de la Commission de l’UA, Jean-Ping, à l’égard du nouvel homme fort de Madagascar, Andry Rajoelina. Ce dernier, à titre d’exemple, n’a-t-il pas impunément foulé aux pieds les Accords de Maputo en rompant le dialogue politique avec l’opposition pour se lancer dans une course effrénée vers l’organisation unilatérale d’élections législatives ?

Pour l’en dissuader donc, les délégués de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) veulent que l’Union africaine durcisse le ton en prenant des mesures coercitives contre Andry TGV. Un ultimatum sous quinzaine lui a été donné dans ce sens. Mais durcissement pour durcissement, l’épée de Damoclès menace également désormais tous les présidents de l’Union, du moins tous ceux qui sont gagnés par le virus de la “tripatouillite” constitutionnelle.

En effet, l’une des recommandations pertinentes de ce jamboree politique aura été l’idée lumineuse émise d’exclure de l’organisation tous les dirigeants qui recourent au charcutage de leur Loi fondamentale pour se maintenir au pouvoir ad vitam aeternam.

Le simple fait d’évoquer ce sujet est, en soi, une révolution au sein de cette auguste assemblée des leaders politiques de l’Afrique où nombre de ceux qui siègent sont aux affaires depuis plus d’une décennie. Vous voulez des noms ? Paul Biya (28 ans), le beau Blaise Compaoré (23 ans), Idris Itno Deby (20 ans), pour ne pas citer les Hosni Moubarak, Ben Ali, Omar El-Béchir, Mouamar Kaddhafi, ces dinosaures nord-africains. L’UA a donc touché du doigt l’une des plaies béantes de la démocratie africaine : le non-respect de la Loi fondamentale quand elle limite le mandat présidentiel.

A quelques exceptions près, notamment les cas d’école du Mali et du Bénin, la plupart des dirigeants politiques en exercice ont taillé la constitution à la dimension de leurs ambitions. Certains comme Bouteflika en Algérie et plus près du Burkina, Mamadou Tandja au Niger, ont récemment réussi l’exercice, contre vents et marées ; dans d’autres Etats comme le nôtre, certains rêvent, éveillés de sauter le verrou constitutionnel.

Si ce n’est pas un tripatouillage de la Constitution, on nous sert une succession dynastique, comme au Togo et au Gabon, à l’issue d’une présidentielle violemment contestée, ce qui n’empêche pas qu’en Libye et en Egypte Moammar Khaddafi et Hosni Moubarak se préparent à passer le témoin à leurs rejetons respectifs.

Pourtant, l’histoire récente de l’Afrique a fini de convaincre que les longs règnes n’apportent pas toujours aux populations le développement espéré. Bien au contraire, ils se terminent souvent par d’interminables guerres de succession comme l’ex-Zaïre de Mobutu et la Côte d’Ivoire d’Houphouët nous ont donné des exemples sanglants.

Cela dit, même si cette idée de sanctionner les tripatouilleurs venait à être adoptée, il faut craindre pour son application. En effet, on se rappelle le sommet d’Alger en 1999 où fut adopté le fameux protocole mettant au ban de l’OUA les régimes issus de coups d’Etat. La suite, on la connaît. Des putchs ont été perpétrés, des condamnations prononcées mais au détour d’une élection organisée à la hâte, celui qui était hors-la-loi quelques mois plus tôt seulement est accueilli en héros à la tribune de l’Union.

Au regard de ce passif, on peut légitimement s’interroger sur ce que l’UA peut réellement faire face à cette récurrente question des tripatouillages constitutionnels. Car à supposer que l’UA tienne ferme sa fatwa d’exclure les tripatouilleurs, il y a le risque qu’elle se retrouve assiégée avec moins d’une dizaine de chefs d’Etat tant ils sont nombreux, ceux qui rêvent d’un pouvoir à vie, fût-ce par héritiers interposés.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga

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