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Le règne de Naaba SAAGA et le recrutement militaire

Publié le mercredi 3 février 2010 à 01h03min

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Les responsables coutumiers que l’administration coloniale qualifie de " bons chefs " sont toujours les pions des administrateurs coloniaux. Concernant les recrutements militaires, l’exemple le plus typique dans toute la colonie de la Haute-Volta est le rôle joué par Naaba KOM II empereur des Mossi : le 15 septembre 1939, il mettait à la disposition de l’administrateur BELLIEU ses fils " pour servir la France ". Ce geste eût pour conséquence immédiate, 1377 engagements volontaires.

Un fait similaire apparaît à Garango à partir des années 1930 avec Naaba SAAGA au pouvoir depuis 1928. Fils de la famille régnante, Naaba SAAGA est un ancien combattant, un sergent de l’armée française. A sa libération, il obtient comme " tout bon militaire " un emploi de réserve ; celui de percepteur des taxes au marché de Pouytenga. A la mort de Naaba KOUGRI (1925-1928), Naaba SAAGA est imposé comme chef de canton par l’administrateur commandant le cercle de Tenkodogo contrairement à la tradition.

Le responsable de l’administration trouve en lui un précieux auxiliaire, un intermédiaire idéal entre l’administration et les colonisés ; cette situation lui a d’ailleurs valu une rapide promotion sociale.
Naaba SAAGA prend des initiatives personnelles pour dynamiser le système de recrutement :

- celui-ci mène des campagnes de propagande à travers les villages du canton. Cet ancien combattant se présentant lui-même comme un exemple, était le vrai prototype des agents auxiliaires de l’administration coloniale.

- L’armée est conçue pour redresser les " bandits sociaux ". Les grands délinquants, les voleurs, les indisciplinés sont envoyés au service militaire et ne regagnent la société qu’après une carrière complète de redressement moral.

- Dans le but de résoudre le problème épineux de l’impôt de capitation, Naaba SAAGA montre aux masses paysannes les avantages du service militaire : tout militaire et sa famille sont exemptés de cet impôt. Les revenus salariaux suffisent aux jeunes soldats pour venir en aide à leurs parents.

- Outre ces mesures favorables, Naaba SAAGA prend des sanctions contre tous les opposants au service militaire : les conscrits absents sont remplacés immédiatement par un des membres de leur famille. Le chef impose aussi le supplice du fouet au père du conscrit absent en guise de leçon.

Naaba SAAGA a incontestablement joué un grand rôle dans la dynamique de recrutement militaire à Garango. Cette dynamique s’accompagne d’un bouleversement de l’ordre social où les membres de la famille régnante sont plus exemptés du service militaire. Un esprit de volontariat se développe au sein des masses paysannes. Mais, cet aspect de volontariat ne supprime pas les doutes et les craintes des conscrits quant aux conséquences du service militaire. Des réactions hostiles persistent toujours à la veille et même après la seconde guerre mondiale.

La contribution à l’effort de guerre (1930-1945)

Le 31 décembre 1939, soixante quatre (64) conscrits ont été recrutés dans le cercle de Tenkodogo dont douze (12) ressortissants du canton de Garango soit 18,75 % de l’effectif total.

Ce recrutement est sans contexte un succès pour l’administration coloniale. Le tableau qui suit donne quelques résultats positifs qui ont retenu notre attention.

Les résultats

Tableau récapitulatif d’une décennie de recrutement militaire dans le cercle de Tenkodogo

Au regard de ce tableau quelques remarques s’imposent :

1- Sur un effectif total de 2 100 recrues du cercle de Tenkodogo le canton de Garango a fourni, 676 recrues soit plus de 32% du chiffre global. Le cercle en 1922 regroupe vingt quatre (24) cantons, dont celui de Garango. Le chiffre est très éloquent à l’effort de guerre. 2- L’esprit de volontariat qui s’est développé dans la mentalité des Bisa durant cette décennie explique ce nombre. Le vieux NOMBRE Fidèle qui a terminé son service militaire colonial avec le grade de lieutenant et qui a dit que lors de son engagement en 1937, de tous les appelés de Garango présentés à Tenkodogo, plus de la moitié des éléments aptes se sont portés volontaire. Le décret de 1912 accorde une grande bienveillance aux volontaires.

3- Le rôle de Naaba SAAGA est déterminant dans la conversion des mentalités. Nous pouvons affirmer que dans le cercle de Tenkodogo, le canton de Garango est considéré comme une source du recrutement militaire.
Cependant, ces différentes campagnes de recrutement militaire ont eu des conséquences sur la société.

Conséquences du recrutement militaire
Le recrutement militaire engendre des bouleversements dans l’ordre ancien de la société.

La Société

Les recrutements entraînent des départs de populations actives dans des contrées lointaines. Ces départs de populations sont aussi une des raisons d’une migration dans la société africaine. Si les anciens combattants sont retournés dans leur village d’origine, d’autres se sont installés dans les grands centres urbains, le commandant NOMBRE Fidèle dont nous parlions ci-dessus et tant d’autres de sa génération n’ont-ils pas élu domicile à Ouaga, Bobo, et ailleurs ? Le canton de Garango ne fait pas exception à la règle.
Le recrutement nominatif de la population de ce canton en 1951 nous donne le chiffre de 13 243 habitants au total. Durant la dernière décennie près de 676 hommes ont été recrutés et envoyés hors du territoire. Ces chiffres représentent une migration de plus de 6%. Enfin, notons que les méfaits issus des recrutements militaires sont une des causes explicatives des bouleversements des structures traditionnelles de cette société. Mais les causes essentielles de ces bouleversements proviennent du système colonial dans son ensemble.

L’économie

Le système de production traditionnelle de Garango avait besoin de la couche la plus active de sa population. Mais le départ des recrues s’accompagne d’une perte de cette potentialité humaine. Ceux qui partent séjournent plusieurs années hors du " terroir " et certains ne reviennent plus : soit parce qu’ils sont morts lors des campagnes militaires, soit parce qu’ils se sont installés dans les grands centres urbains. Un déséquilibre apparaît entre les besoins alimentaires de la population et les ressources disponibles.
C’est pourquoi le vieux BAMBARA Christophe disait :
" Même l’argent rapporté par les anciens combattants ne suffisait pas pour acheter le mil nécessaire de l’année ".
s Cependant, cet argent a servi à résoudre de nombreux problèmes : la dot pour les mariages, les dépenses de prestige. Dans ces circonstances quels seront la place et le rôle des Anciens Combattants dans la société Bisa de Garango ?

Source : TRAORE Saïdou Siniguesba, in Le recrutement militaire et les anciens combattants du canton de Garango de 1912 à 1958.

Par Bendré

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Vos commentaires

  • Le 3 février 2010 à 11:40, par Machiavel En réponse à : Le règne de Naaba SAAGA et le recrutement militaire

    Très bon article du point de vue de son contenu mais mauvais pour la méthode historique. Il commence par un jugement ce qui est contraire à une démarche historique qui se veut une présentation objective des faits. Présentez-nous ces Naba qui ont régné sur leurs royautés (et non empire) et les modes de recrutement. Quant à être bon ou mauvais, cela relève du jugement des humains. Il faut peut être se dire que ces hommes pensaient faire du bien à leur société maintenant, le problème est de savoir si l’histoire leur a donné raison ou tord. Quant aux termes, il faut bien se méfier des mots. Il n’a pas existé et il n’existe pas d’empire moaaga. Il n’a existé que des royautés au nombre de 19 en guerre perpétuelle jusqu’à l’arrivée de la colonne dont on connaît la suite. De grâce, les travaux les plus complets sur ce sujet sont ceux de Dominique Nakanabo et de Michel Izar. Merci tout de même pour votre pierre à l’édification de l’histoire des Moose, un pan de histoire de l’Afrique et de l’histoire des Hommes.

    • Le 3 février 2010 à 21:18, par Bendnaaba En réponse à : Le règne de Naaba SAAGA et le recrutement militaire

      il y a eu bien sur un empire Moossé et reparti en 4 Royaumes par la suite de l’evolution par des conflits de succession. au debut de l’histoire Moaga le combat pour l’expansion du Moogho etait une cause commune pour les Nakoomsés mais le controle de certains gouverneurs Naabissés envoyés dans certains regions creait des problemes et se transformait par la suite en royaume indépendant ou autonome voilà ce ki a transformé l’empire des Moossés en royauté

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