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Promotion de l’élevage : Le Dr Ly prescrit l’héroïsme

Publié le mardi 2 février 2010 à 03h15min

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Dr Ly Boubacar. Depuis 20 ans, ce nom était intimement lié à l’APESS (Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en savane). Eh bien, aujourd’hui, avec d’anciens membres de cette structure qui lui sont restés fidèles, il vient de mettre en place une association dénommée Leebal Maroobe, qui signifie dans la langue du terroir (le Fulfuldé), « Héroïsme d’éleveur ». Le vaste programme de ce nouveau bébé en croissance a été déroulé le lundi 25 janvier 2010 à Dori à travers une Assemblée générale qui a duré quatre jours.

En ce début de journée du 25 janvier 2010, le chef-lieu de la région du Sahel s’est réveillé. Il est environ 10 heures et la nonchalance matinale a maintenant quitté les habitants de Dori. Dans l’enceinte de l’endroit encore appelé « siège de l’APESS » et dont l’architecture allie tradition et modernité, une ambiance particulière règne.

Les accueillants sont aux petits soins pour les « étrangers » du jour venus pour la première grande rencontre de l’association Leebal Maroobe. Après les salamalecs d’usage, ils sont aussitôt conduits vers le grand hangar chichement décoré où aura lieu la réunion.

Une fois installés, les visiteurs sentent sous leurs pieds le doux crissement du sable fin du désert. A ce rendez-vous, ont répondu présents des éleveurs du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Sans oublier des invités de marque que sont les responsables de l’administration, les notabilités coutumières dans la région, le Larlé-Naaba Tigré, ce ministre du Moro-Naaba et député à l’Assemblée nationale venu de Ouagadougou, sans bien sûr oublier l’écrivain d’origine guinéenne et prix Renaudot 2008, Tierno Monénembo, arrivé spécialement de Paris.

Naturellement, le discours le plus attendu était celui du Dr Boubacar Ly, un personnage quelque peu atypique et anticonformiste mais dont l’argumentaire laisse souvent le sceptique pantois. Il y est pour beaucoup dans la naissance de la nouvelle association mais revendique le modeste titre de conseiller-accompagnateur dans le nouveau bureau.

Après s’être excusé pour ses propos qualifiés souvent de renversants, il a tenu ses hôtes en haleine en introduisant ses propos en ces termes : « L’élaboration de la politique facilitante de l’élevage n’est pas faite par les éleveurs mais plutôt par ceux qui ne sont pas qualifiés, outillés et légitimés pour le faire.

Ce sont les techniciens, alors qu’ils devraient proposer des améliorations ; les coopérants, alors qu’ils devraient aider financièrement ; les experts internationaux, alors qu’ils devraient donner des informations sur les expériences et les anticipations dans le domaine de l’élevage dans le monde ». Comme on le constate à travers cette entrée en matière, c’est pour ceux qui le connaissent, du Dr Ly tout craché.

Et de poursuivre en regrettant que l’élevage soit élaboré par ceux qui ne devraient pas le faire et qui se focalisent sur l’activité et non sur l’acteur. Pour le sage de Dori, il faudra plutôt mettre l’accent sur l’investissement et surtout l’équilibre psychique, avec en sus une forte dose d’héroïsme.

Celui dont le psychisme n’atteint pas l’intensité d’être héroïque dans ce qu’il fait et dans ce qu’il est ne se développera pas mais ne fera que s’accommoder, a ensuite fait remarquer le principal orateur du jour, avant d’assener cette sagesse qui résonnera longtemps dans les oreilles :

« Le peureux perd toujours, le courageux encaisse toujours, l’audacieux passe toujours, le téméraire surpasse toujours ». Avec pareil style verbal, inutile de préciser que les auditeurs étaient tout ouïe. A commencer par le Larlé-Naaba Tigré, ministre du Mogho-Naba, député à l’Assemblée nationale et grand producteur de fourrage devant l’Eternel qui, visiblement, épousait la philosophie de la nouvelle structure et comme pour donner raison à son hôte a enfoncé le clou à travers la sentence suivante :

« Le peureux meurt tous les jours, le courageux meurt une seule fois ». Constat aura été fait par tous ceux qui étaient présents à cette assemblée que la ligne directrice de Leebal Maroobe intègre un savant mélange de développement personnel, de spiritualité, de cosmogonie et de techniques agricoles saines. L’élevage pour ses membres, ce n’est donc pas seulement plus de viande et plus de lait, mais une symbiose parfaite entre l’activité et l’acteur.

En atteste le symbole du mouvement, représenté par un cavalier éleveur monté sur un cheval ailé qui vole au-dessus d’un troupeau de bovins vers une étoile qui brille et illumine tout dans le monde.

Pour revenir sur terre, il est à noter que le nouveau projet comporte cinq volets que sont la recherche-action-application sur la maîtrise des changements climatiques, la sécurisation de l’activité d’élevage, la conduite de l’activité qui rend l’animal productif tous les jours et toute l’année, la recherche-action-application sur les valeurs culturelles identitaires valorisantes et l’invitation permanente à une conduite héroïque dans tout ce que l’on entreprend.

Issa K. Barry


Dr Boubacar Ly : « Si si si ! J’encourage le nomadisme »

Aujourd’hui, le divorce est consommé avec l’APESS et il est question d’une autre organisation. Que s’est-il passé ?

• Vous savez, dans la vie, on ne maîtrise rien. Même lorsque l’on sait où on va et comment l’on y va, il y a des surprises inattendues en cours de chemin. Une situation incroyable est donc arrivée à l’APESS et nous avons estimé qu’il fallait qu’on s’en écarte. Sur 25 membres du bureau exécutif du pôle Centre constitué principalement du Mali, du Niger et du Burkina, 20 ont donc décidé de prendre une nouvelle direction en créant Leebal Maroobe.

Si ce n’est indiscret, quels étaient les motifs de vos divergences ?

• Je crois que c’était une question de susceptibilités. C’est tout ! Pour certains, je pense à une convoitise matérielle ou de leadership.

Maintenant que le gaapal (1) est tiré, il reste à le boire. Quelle sera donc la philosophie qui sous-tend la création de la nouvelle association ?

• Toute structure a son mécanisme de fonctionnement. Si le carburant est bon, la machine fonctionne à merveille et développe ses potentialités. La nouvelle association est basée sur cette réalité. Nous avons identifié des carburants humains qui sont au nombre de trois et qui sont à même de faire bien carburer celui qui les fait siens. D’abord, il y a les valeurs culturelles identitaires. Ensuite citons la beauté. Tout ce qui existe et s’anime cherche à être beau ; tous les jours, toute l’année. Enfin, il y a l’héroïsme. Chacun voudrait être le brave des braves. Il le réussit ou ne le réussit pas mais, c’est son souhait interne.

En vous écoutant, d’aucuns pourraient vous accuser de mettre beaucoup de spiritualité dans l’élevage

• Ceux qui seraient tentés de me faire ce reproche sont tout simplement des ignorants. La spiritualité est bel et bien contenue dans l’élevage. Vous savez par ailleurs que tout ce qui est projection est déjà une spiritualité dans laquelle la probabilité, la providence et le mystère interviennent. Donc, il vaut mieux les connaître, les apprécier et négocier avec eux plutôt que de vouloir les ignorer.

Quels sont les objectifs de Leebal Maroobe ?

• Notre ambition, c’est de connaître ce que le Blanc ne connaît pas et le lui apprendre. Ça donne quelque part une idée de notre bienveillance et de notre ouverture. Vous savez, l’Afrique n’est pas connue. Ce qui est écrit de ce continent par les Européens n’est qu’une infime partie. Et parmi ceux qui connaissent l’Afrique, figurent en bonne place les éleveurs qui sont présents partout et au secret de tout.

Dans vos discours il se dégage comme impression que la mission des partenaires à l’élevage, notamment les techniciens, a été galvaudée. Ne remplissent-ils pas bien leur mission ?

• Ils sont compétents. Malheureusement, ils exécutent une mission qui n’est écrite ni par eux, ni par les éleveurs et qui n’est donc pas la leur. Ils devraient plutôt faire connaître aux éleveurs les options technologiques qui s’offrent à eux au lieu de vouloir repenser l’activité. Les fondements de l’élevage appartiennent aux éleveurs, d’autant plus qu’ils ne sont pas des ignorants. Bien qu’ils n’aient pas été à l’école, ils sont très instruits.

Les conflits agriculteurs-éleveurs sont aujourd’hui très fréquents. Qu’en pensez-vous ?

• Vous savez, ce sont des conflits qui existent depuis des millénaires. A la seule différence qu’actuellement, ils sont amplifiés et intensifiés en violence par l’intervention de l’administration.

Quelque part, n’y a-t-il pas aussi une part de responsabilité des éleveurs qui, visiblement refusent l’élevage moderne ?

• Si les techniciens étaient honnêtes, ils reconnaîtraient que l’élevage intensif qu’il propose aux éleveurs dans leur propre berceau n’est pas rentable et est très polluant. Alors pourquoi en Afrique proposer cette méthode contestée ailleurs ? En France, tous les fermiers ayant des vaches qui donnent 30 à 40 litres de lait sont subventionnés (environ 47%) sinon ils ne tiennent pas. Aux Etats-Unis, la subvention est de l’ordre de 85%. J’ai travaillé dans ces régions en tant que vétérinaire et je connais. Ils sont subventionnées et surendettés.

Quelque part, n’encouragez-vous pas le pastoralisme ou le nomadisme ?

• Si si si ! Je l’encourage. Le problème n’est pas de sédentariser les gens mais de les sécuriser, pas de les fixer. S’il fallait sédentariser, pourquoi ne ferait-on pas de même avec les fonctionnaires ? Pourquoi les affecte-t-on ? S’il fallait sédentariser, pourquoi l’activité du commerce n’est pas sédentarisée ? La vie est dans le mouvement. La sédentarisation n’a jamais rien donné. Au contraire, elle rend extrêmement vulnérables les activités et les acteurs. Alors, je ne vois pas pourquoi j’encouragerais ce mode de vie qui amoindrit.

I.K. Barry

Note : 1 - Boisson à base de petit mil et typique de la région du Sahel

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 2 février 2010 à 18:34, par Mouss-Bill En réponse à : Promotion de l’élevage : Le Dr Ly prescrit l’héroïsme

    haahaa poullo gorko a haali ngonnga dey aahaa moon hannda douroo.Haandata maaral.

  • Le 2 février 2010 à 22:06, par MBOYE En réponse à : Promotion de l’élevage : Le Dr Ly prescrit l’héroïsme

    je dirais bravo au Docteur LY. Car il a relevé le défis. L’APESS était devenue très politisée ; et quand il dit que c’était devenu une bagarre de leadership où d’aucuns venaient pour le matériel et l’argent, c’est vrai. C’est le Dr Ly qui a fait l’APESS. Comment peut on comprendre qu’on la lui retire sa structure ? Les gens sont jaloux et le milieu est difficile. Courage à toi digne fils du Sahel. Nous allons adhérer à Leebal Maroobe.

  • Le 11 août 2011 à 18:32, par poullo En réponse à : Promotion de l’élevage : Le Dr Ly prescrit l’héroïsme

    Dr Ly dites nous ce qui a vraiment motivé votre départ d’APESS ? Si vous créez une autre organisation, n’est ce pas une division des éléveurs ?

  • Le 30 juin 2013 à 14:14, par Zimulinda En réponse à : Promotion de l’élevage : Le Dr Ly prescrit l’héroïsme

    Sincerement l’Afrique est mal parti. Quelle mouche vous a t-elle pique alors que du Rwanda ont preconise de visiter les eleveurs de L’Apess et syuivre le Dr. Ly comme parrain des eleveurs pastoralistes et autres ? Quoi qu’il arrive il reste toujours un exemple a suivre. Je cherche un contact permanent avec lui. C’est un Africain tel qu’on en cherche.

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