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De l’enfer haïtien à celui burkinabè, vivre au paradis dépend de nous

Publié le lundi 1er février 2010 à 00h19min

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Le paradis n’est pas au dessus, ni l’enfer en dessous de nous. Les deux existent sur terre. Il tient à nous de vivre dans l’un ou l’autre. Et si l’on choisit l’enfer, il va de soi que l’homme paraîtra faible et misérable lorsque la nature s’acharne contre lui. L’être humain peut œuvrer à mettre fin, non pas aux calamites naturelles, car elles sont inévitables, mais à sa souffrance du fait qu’il dispose de l’intelligence nécessaire pour atténuer l’adversité de la nature. Comme l’a si bien dit notre défunt président, Thomas Sankara, "il faut oser inventer l’avenir" afin de garantir le paradis. Cette invention se trouve dans la capacité humaine à anticiper, à se responsabiliser, à être indépendant et autonome.

L’Afrique est une fois de plus, mise à l’index, à travers la catastrophe qui a détruit la capitale haïtienne le 12 janvier dernier. Nombreux sont les médias occidentaux qui font référence à Haïti non pas comme le pays des esclaves venus de notre continent, mais comme un pays dont la souffrance est la copie conforme de ceux existant sur le berceau de l’humanité et qui ont à jamais besoin de l’Occident pour se sortir de misère.

Déluge de douleur. Les séquelles du tremblement de terre en Haïti sont insupportables. Selon les Nations Unies : trois millions de personnes sont touchées. Trois cent mille sont sans abris. Pour le moment, soixante dix mille cadavres ont été enterrés dans des fosses communes. Le nombre total de morts est estimé à plus de 200 000. En fait, seul Dieu sait le nombre exact des victimes.
Des visages boursouflés. Des crânes désossés. Des cris de douleurs et de détresse. Le désespoir de parents entendant le dernier soupir de leurs proches piégés sous les décombres et incapables de les sauver déchirent le cœur de celle ou celui qui, grâce à la télévision et internet, est si proche et en même temps si loin de cette douleur car ne pouvant rien faire sinon que de compatir. Des milliers de cadavres jetés à même les ruelles.

Et dans ce désordre, des pilleurs donnent une autre facette du pays. Ce déluge, en boucle sur CNN, MNSBC, FOX news, etc., passe 24 heures par jour et ce depuis, le 12 janvier. L’émotion est à son comble, l’insupportable misère, exploitée par ces médias, heurte, mais c’est la triste réalité.
Les différents médias occidentaux sont amnésiques ou font semblant de l’être. Ils oublient de mentionner que Haïti n’était pas seulement que la première nation Black comme le disent les Américains, mais, la seconde république indépendante après les Etats-Unis. En outre, la quasi totalité des médias ne mentionnent pas que le pays n’a pas toujours été si miséreux.

Au 18e siècle, Haïti, l’une des colonies les plus riches en production de canne à sucre fournissait à la France un quart de ses richesses. Cette richesse était le fruit du travail de plus de 700 000 esclaves d’origine africaine. Ces esclaves constituaient 85% de la population de l’île. Leur combat pour la liberté leur apporta l’indépendance en 1804. Puis, les grandes puissances occidentales ; la France, la Grande Bretagne, l’Espagne, les Etats-Unis, etc. qui n’ont jamais pardonné à des esclaves de s’être révoltés et d’avoir obtenu l’indépendance, leur imposèrent de dures conditions de vie à travers guerres de conquêtes et de reconquêtes, ré-esclavages, dédommagements financiers, et surtout dirigeants pantins agissant pour leurs comptes. Tout cet ensemble a fini par produire l’Haïti d’aujourd’hui, attirant la pitié du monde sur lui. L’Haïti au chevet duquel sont accourus, en premier, les Etats-Unis, la plus grande puissance du monde.

Un sapeur-pompier pyromane. Les Etats-Unis, ce sapeur pompier d’aujourd’hui, a été longtemps l’un des pyromanes qui ont mis sens dessous dessus Haïti. Occupant le pays de 1915 à 1934, l’administrateur américain avait le pouvoir de veto sur toutes les décisions gouvernementales haïtiennes. L’économie était dans ses mains. 40% des recettes de l’Etat haïtien étaient sous son contrôle. La violence américaine à travers les corvées concernant la construction des routes, les traitements inégaux entre Noirs, Mulâtres et Blancs, la confiscation des ressources du pays, etc. poussèrent les Haïtiens à la révolte et l’occupant américain n’hésita pas à faire usage des armes.

Cette situation n’anéantit en rien, le courage des Haïtiens. Finalement, les troupes américaines quittèrent l’île en 1934, mais ont maintenu leur contrôle sur les sources d’entrées de devises notamment les douanes jusqu’en 1946.
De cette date à 1956, les militaires haïtiens essayèrent d’assurer tant bien que mal la transition. De 1957 à 1986, avec la bénédiction et l’aide des Etats-Unis vinrent François Duvalier dit "Papa Doc" et son fils, Jean-Claude dit "Baby Doc" parce qu’il a accédé au pouvoir à l’âge de 19 ans, au décès de son père. Les Duvalier semèrent la terreur en réprimant toute opposition.

En 1967 par exemple, plus de 2000 opposants subirent la colère meurtrière de Duvalier père. En 1990, Baby Doc forcé de quitter le pouvoir s’exila en France. La situation des Haïtiens n’émeut en rien les Américains. Ceux fuyant et la misère et la dictature, si capturés dans les eaux internationales parce que voulant se rendre aux Etats-Unis, sont immédiatement rapatriés en Haïti. Or les Cubains, eux, sont escortés et ramenés sur le sol américain. Mieux, ils bénéficient du "political asylum".
L’espoir a semblé naître pour les Haïtiens avec, en 1990, l’élection du charismatique prête et avocat des pauvres, Jean-Bertrand Aristide. Mais, il est renversé par le général Raoul Cédras, soutenu par les Etats-Unis.

Rétabli de force dans ses fonctions par le gouvernement de Bill Clinton en 1995, Jean-Bertrand Aristide finit par démissionner en 2004. En 2006, de nouvelles élections permettent d’élire René Préval qui depuis lors dirige le pays. Mais avec le tremblement de terre, il affirme ne pas savoir où dormir : son palais a été détruit. Chose inimaginable dans un pays développé.
Pire encore, le pays n’a plus de gouvernement. Et même s’il en avait un, qu’aurait t-il pu faire pour sa population ? Pas grand-chose. Les pistes, que l’on prend pour des routes, sont bloquées par les décombres et empêchent de dispatcher l’aide internationale.

Un tsunami de révolte

Hormis les situations de catastrophe, la compassion humaine devrait s’exprimer en tout temps. Surtout être le leitmotiv de nos dirigeants, comme au moment de la seconde guerre mondiale qui a ravagé l’Asie et l’Occident. Le Japon, l’Allemagne ont pu se reconstruire grâce à cette solidarité internationale. D’autres Etats ont bénéficié du Plan Marshal. Mais cela n’a pas suffit. L’élite responsable était consciente et œuvrait pour le bonheur de son peuple.

Ce remède, évidemment à la portée de toute élite, exige une dose de volonté, d’engagement. Et Thomas Sankara s’en est procuré et en a usé. D’ailleurs, il disait et ce évidemment en faisant référence aux dirigeants africains : "On ne décide pas de devenir chef de l’Etat ; on décide d’en finir avec telle ou telle forme de brimade, d’exploitation, de domination. C’est tout…Vivre africains, c’est la seule façon de vivre libres et dignes". Puis, de renchérir en direction des Africains que nous sommes : "On ne peut rien faire tant qu’on n’impose pas aux mentalités des schémas de rigueur…

Il nous faut travailler à décoloniser les mentalités, et réaliser le bonheur à la limite des sacrifices auxquels nous devons consentir... Je souhaite que la conviction gagne tous les autres pour que ce qui semble être aujourd’hui des sacrifices devienne pour eux des actes normaux. " Joignant l’acte à la parole, de 1983 à 1987 parti de zéro, Sankara devient un héros et le Burkina moralement intègre, alimentairement indépendant, économique autonome et productive, la population beaucoup plus instruite et en meilleure santé, les dépenses budgétivores de l’Etat bannies, les corrompus et corrupteurs sommés de rendre compte, les infrastructures plus modernes. Et bien sûr, les relations avec l’Occident n’étaient plus au beau fixe car le cordon de la dépendance avait été coupé par Sankara. Selon ce dernier, la main tendue crée une culture de la dette et de la dépendance.

Certes, toutes les reformes sankaristes n’ont pas réussi, mais les avancées ont été sans pareil dans l’histoire du Burkina et même de l’Afrique. Malheureusement, cet homme qui a donné de l’espoir à de nombreux Africains et qui continue de faire leur fierté a été assassiné parce qu’il a osé déroger à la règle qui veut qu’une ex-colonie soit toujours dépendante, qu’un pays pauvre ne s’épanouisse pas par la force et l’intelligence de ses enfants. Le pire, c’est que ce digne fils a été assassiné par ses frères. Et il n’est nullement étonnant de voir une pluie noyer Ouagadougou et les autorités politiques supplier la communauté internationale de leur venir en aide.

Si certains fils œuvrent pour le malheur de leur population, mettant en premier plan la satisfaction de leurs intérêts personnels pourquoi donc nos malheurs doivent ils être le souci de l’Occident ? Belle opportunité pour eux de crier que sans eux, nous ne pouvons pas exister, nous ne pouvons pas panser nos plaies. Comme le dit l’adage, un peuple a les dirigeants qu’il mérite. Et je dirai qu’une population, de par ses actes, vit la situation qu’elle mérite si toute volonté de rechercher le meilleur, de combattre et de vaincre l’adversité qu’elle soit humaine et ou naturelle fait défaut. Bien que la situation soit chaotique en Haïti, tout comme dans de nombreux pays africains, je crois fermement que demain sera meilleur pour nous si Dieu bénit nos dirigeants afin qu’ils prennent conscience de leur responsabilité envers leurs peuples. Mais plus encore, que cette tragédie qui vient d’anéantir Port-au-Prince et celle qui a eu lieu au Burkina Faso en septembre dernier nous donnent la force, en tant que individu et peuple aspirant au bonheur de construire notre paradis sur terre. Et cela a un prix : imposer notre volonté à des dirigeants inconséquents ou parfois inconscients.

Par Ramata Soré

L’Événement

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