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Visite dans un village d’or : Le malaise caché des femmes et des enfants

Publié le lundi 1er février 2010 à 00h19min

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Avec 120 villages et 227 conseillers, la commune de Kampti, dans le Poni, serait la plus grande commune du Burkina. Située dans cette partie du pays où l’or brille de mille feux, tout n’est cependant pas reluisant. La vie d’orpailleur ressemble plutôt à une vie de prisonnier, loin des siens et assoiffé de liberté (ici on dirait assoiffé d’or). La conquête effrénée du métal jaune met en difficulté la cohésion de la cellule familiale. L’éparpillement des membres de la famille laisse percevoir un malaise chez les femmes et les enfants résignés à vivres mal gré ou bon gré, la séparation ou l’adversité dans les sites d’orpaillage.

Bantara, un village dans le Sud-ouest du Burkina, est connu pour être un sol de fortune. Un village presque artificiel s’est érigé dans cette localité située à 18Km de la commune rurale de Kampti et à 68Km de Gaoua. Sur cette terre difficilement accessible à cause de ses sentiers tortueux grouille un monde divers uni par une seule chose : la quête du trésor. Le comptoir d’or de Bantara reçoit des personnes de tous les âges et des deux sexes. Le comptoir est comme le village des orpailleurs. C’est un endroit très animé qui fait office de marché et où les orpailleurs et leurs visiteurs trouvent tout ou presque pour leurs besoins en services comme en consommation.

Le comptoir se situe à quelques 5Km des puits d’or qui ne sont accessibles qu’à pied. Les orpailleurs s’y rendent pour ramener au comptoir, les mottes de terre où est incrusté le précieux métal et qu’il faut concasser à l’aide de marteau, passer ensuite au moulin avant de mouiller la terre obtenue et la laver en filtrant (photo ci-contre), jusqu’à la perception des pépites. Un travail fastidieux qui exige donc plusieurs étapes.
Les enfants et les femmes constituent une part importante de la population qui s’adonne à cette activité. Des enfants, dont l’âge varie entre quatre et douze ans, y travaillent soit avec leurs parents, soit au service d’employeurs ou simplement à leurs propres comptes. Souley et Amadou Ouédraogo, respectivement âgés de quatre et onze ans travaillent dans le site avec leur père installé depuis cinq ans comme tailleur au niveau du comptoir. Les enfants ne vont pas à l’école.

L’aîné se souvient à peine de son passage sur les bancs qu’il a abandonnés depuis le cours préparatoire. Son petit frère aura peut-être encore moins de chances, leur père était indécis à la question de savoir s’il enverrait Souley à l’école. L’arrivée des enfants sur le site a créé une opportunité pour leur père qui s’est converti en creuseur d’or, abandonnant la machine à coudre aux deux enfants. Cette petite famille de trois personnes, la mère de famille était absente, et un père relativement âgé (ou vieilli par la pénibilité des tâches), mène une vie analogue à la plupart des familles installées sur cette terre d’aventure. La tâche quotidienne des deux frères consiste à faire tourner la machine à coudre, ce qui leur apporte aussi quelques pièces d’argent. Le père, lui, descend dans les entrailles de la terre à la poursuite de filons cachés. Une autre enfant, une élève celle-là, Sib Oho qu’elle se nomme, passait aussi sa journée sur le comptoir, ce jeudi 17 décembre. Ce jour sans classes, elle suppléait sa maman au marché des orpailleurs pour vendre des tubercules. A côté de la marchandise de sa mère, elle vendait également de l’eau à son propre compte. L’eau est une denrée rare pour les orpailleurs qui en utilisent moins pour la boisson que pour laver la terre.

La bassine d’eau se vend autour de 750F et ce prix peut passer au double, voire plus en fonction de la demande et de la disponibilité de l’eau. Les enfants, élèves ou non, exercent ou sont préposés à exercer toutes sorte de métier sur le site pour peu qu’ils soient rémunérés. Palé Sié est lui en classe de CE2. Il partage sa semaine entre son école et le site d’or. Toutes les fois qu’il n’a pas cours, il court au comptoir d’orpaillage. Il y passe la journée jusqu’à 18h. Avec sa bouteille dans les bras, il vend une de ces boissons les plus consommées sur le site, le "koutoukou". Ce ne sont pas de grandes recettes, a-t-il dit, mais il avait l’air satisfait de ce qu’il fait. Son village et son école sont à 10Km environ du comptoir de Bantara et c’est avec la bénédiction de ses parents, dit-il, qu’il mène son "commerce" sur le site.

Les enfants dont les parents vivent dans les sites d’or font le choix entre deux situations. Si au moins l’une ou l’autre situation ne leur est pas imposée, certains choissent d’habiter le hameau du site avec leurs parents alors que d’autres préfèrent ou subissent la séparation parentale en restant à la maison. La plupart des personnes qui travaillent dans l’or, les creuseurs surtout, viennent de régions éloignées et même des pays étrangers. Suivant leurs traditions, les autochtones du Sud-ouest ne travaillent pas l’or.

Dans nombre de situations difficiles, la condition des femmes n’est généralement pas différente de celle des enfants. La règle est de subir et c’est la situation de Mariam Traoré. Depuis plus de cinq ans, elle et son mari travaillent dans le site d’or de Bantara. Le couple est seul dans ces lieux " pas du tout facile ", de l’aveu de la femme. Une fois par an, son mari et elle rentrent à Bobo pour voir leur famille et surtout leurs deux enfants qui sont inscrits à l’école. En dehors de ce voyage annuel, son mari peut partir à Bobo plusieurs autres fois au cours de l’année, généralement pour apporter de l’argent à la famille, une chance qui n’est pas donnée à la femme. La seule chose que les femmes ne font pas sur le site, c’est le creusage, avoue Mariam. Les autres tâches sont pour elles, jusqu’à l’obtention du métal jaune.

Comme la plupart des femmes qui accompagnent leurs époux dans ces lieux, Mariam transporte, concasse, lave, filtre, … Contrairement au couple Traoré, Yacouba Kabidago s’est installé à Bantara seul depuis un an et demi. Il estime que le site d’orpaillage n’est pas propice à la femme et c’est pour quoi il a laissé son épouse à la maison (Tenkodogo) malgré le souhait de cette dernière de venir avec lui. D’autres personnes ont déclaré que le site d’orpaillage n’est pas vivable pour une femme, mais certaines s’y sont habituées malgré tout. Mariam Traoré, qui commence à s’habituer nous a confié qu’elle se préparait pour faire "le show" le 31 décembre dans le hameau du site.

- NB : La visite a été l’initiative du Réseau d’Initiatives de Journalistes (RIJ) avec son partenaire le Service allemand de développement (DED).


La violence décroît, la dégradation environnementale progresse

Les sites d’orpaillage sont perçus comme des jungles. Ce sont des endroits où le droit et la raison prospèrent peu. Pour vivre ou survivre, il faut recourir à la force ou à la ruse. Cette atmosphère a quelque peu disparu selon les témoignages de plusieurs orpailleurs. C’est la présence des forces de l’ordre qui a permis d’adoucir les tempéraments, mais des indociles il en existe si bien que la hantise est toujours présente et même que parfois la violence se concrétise. Si la violence de plus en plus disparaît des sites, l’autre problème majeur, à savoir la pollution, elle demeure. Les maires de Gaoua, Jean Baptiste Kambou et de Kampti, Sié Alexis Kambou ont tous deux affirmé le danger écologique qu’occasionne l’orpaillage dans la région. "C’est un désastre écologique", selon le maire de Gaoua, qui appelle les autorités à mettre de l’ordre. Cela est préjudiciable pour la région. Les maires regrettent l’attitude des autorités nationales qui ne les impliquent pas dans l’attribution des titres d’exploitation. La commune perçoit seulement cinquante mille (50 000) franc par puit alors que certains responsables ministériels seraient mêmes propriétaires de puits d’or dans la région. La conséquence, la région enregistre une faible retombée économique alors que la dégradation de l’environnement prend de l’ampleur.


De la fermeture des sites d’or pendant la saison pluvieuse

Il est difficile de visiter un site d’orpaillage, sans évoquer les drames successifs enregistrés dans les sites d’or. On peut rappeler seulement la mort de 34 orpailleurs en août 2008 surpris par les eaux de pluies alors qu’ils étaient dans les puits d’or de Konkéra dans le Noubiel (Sud-ouest). Ces puits qui se transforment en tombes, lorsque les pluies tombent, ont fait la preuve que l’activité d’orpaillage n’est pas compatible avec les temps pluvieux. Malgré un décret déjà vieux de plusieurs années et maintes fois rappelé, la fermeture des puits d’or pendant la saison des pluies n’est jamais totalement observée. Certains orpailleurs pensent qu’on ne peut pas fermer complètement les sites d’or pendant la saison des pluies. Tout un village, ce village artificiel dont nous parlions plus haut, vit directement de cette activité sans compter avec les personnes à leur charge.

Si certains suspendent leurs activités d’orpaillage pour aller cultiver pendant la saison pluvieuse, d’autres par contre voyagent de site en site pour déjouer la vigilance des forces de l’ordre. Un meunier qui a fait l’expérience de l’orpaillage au Ghana nous a confié qu’il travaillait dans ce pays voisin pendant la saison sèche et revenait travailler au Burkina pendant la saison pluvieuse parce qu’au Ghana, les puits se ferment strictement une fois que les pluies tombent. Il indique que même au Burkina, il leur est souvent interdit de creuser mais ils arrivent à "s’entendre" avec les policiers. Ces derniers d’ailleurs, une fois que les pluies tombent, ne sont plus permanents sur les sites. Ils y effectuent quelques contrôles espacés, ce qui laisse aux orpailleurs la possibilité de descendre toujours dans les trous.

Par Boukari Ouoba

L’Événement

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