LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Accès des opposants aux médias publics : Un abcès africain qu’il faut crever

Publié le jeudi 28 janvier 2010 à 00h48min

PARTAGER :                          

La Jeunesse du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (JRHDP) (1) a déferlé le 26 janvier 2010 dans les rues d’Abidjan pour manifester son mécontentement contre ce qu’elle appelle la caporalisation de la Radiotélévision ivoirienne (RTI) par les partis et les associations acquis au président Laurent Gbagbo.

Dans un message adressé aux responsables de ce média public, les jeunes de l’opposition ont exigé, d’une part, la suppression pure et simple des différents reportages et autres émissions consacrés à ce qu’ils considèrent comme une campagne électorale déguisée du chef de l’Etat et, d’autre part, l’accès équitable et équilibré de tous les partis politiques aux organes étatiques.

Toutefois, cette manifestation, qui a mobilisé du monde, s’est déroulée dans le calme. Il n’y a eu ni heurts ni débordements. Signe encourageant des temps qui changent car par le passé, un tel rassemblement ne pouvait que dégénérer en casses et courses-poursuites entre manifestants et forces de l’ordre. En exprimant cette fois son ras-le-bol dans le calme et la dignité, l’opposition a voulu, sans doute, montrer par là qu’elle est responsable et citoyenne. Du coup, ses doléances ont plus de chances de prospérer.

De fait, la question de la quasi-monopolisation de la RTI par le clan présidentiel allait tôt ou tard se poser. Et c’est un nœud gordien qu’il faut impérativement trancher dans la sérénité surtout dans le contexte d’une Côte d’Ivoire qui s’efforce de sortir d’une profonde crise.

A l’hebdomadaire Jeune Afrique qui, lui, faisait cas de cette haute mainmise du Front populaire ivoirien (FPI, parti au pouvoir) sur la RTI, Laurent Gbagbo avait rétorqué que ces opposants le faisaient rire sur cette question puisque, soutient-il, du temps où ceux-ci étaient aux affaires, lui Gbagbo et ses partisans ne pouvaient même pas avoir un filet dans la presse d’Etat ou un off sur les antennes de la télévision nationale.

Interprétation : l’opposition devrait s’estimer suffisamment heureuse de n’être pas totalement interdite d’antenne ou de petit écran. Une lecture qu’on peut certes comprendre de la part d’un opposant historique qui a tant bavé sous les précédents régimes mais qu’on ne saurait partager puisque les temps ont changé.

Il est vrai qu’en tant que président, surtout dans une période pré-électorale, toute médiatisation de Laurent Gbagbo, candidat à sa propre succession, prend les allures d’une campagne ouverte. Mais ce qui peut être retenu contre les médias publics, c’est que ceux d’en face considèrent comme un traitement partisan et dithyrambique en faveur du sortant.

A la vérité, ce que l’opposition ivoirienne reproche à Laurent Gbagbo, bien d’autres oppositions africaines pourraient le reprendre à leur compte. Qu’on se trouve en période électorale ou non, ceux qui ne sont pas aux affaires ont du mal à accéder aux faveurs des médias publics et souvent le traitement réservé à leurs événements se fait a minima.

Bien sûr, dans nos contextes où bien des responsables aiment aller au-devant des désirs du chef, l’ordre ne vient pas toujours d’en haut : certains journalistes, si ce ne sont les médias eux-mêmes, ont toujours du mal à se départir des réflexes panurgiques du temps des régimes d’exception ou des partis uniques où l’opposant politique n’était pas traité comme un adversaire mais plutôt un ennemi à abattre.

Ce geste citoyen posé mardi dernier par les jeunes houphouétistes interpelle donc tous les Etats du continents et invite leurs différents dirigeants à plus de tolérance et d’ouverture d’esprit pour permettre à l’opposition d’exister non seulement légalement mais aussi médiatiquement.

Il y va de leurs propres intérêts, car la roue tourne comme on dit et qui se trouve au pouvoir peut se retrouver de l’autre côté. Un Henri Konan Bédié dont les jeunes partisans ont manifesté l’autre jour est suffisamment illustratif de ce mouvement de balancier de l’Histoire.

San Evariste Barro


Note : (1) Le JRHDP est la branche des jeunes du RHDP composée des partis opposés à la politique de Laurent Gbagbo et qui revendiquent les idéaux du président Félix Houphouët-Boigny. Il s’agit du PDCI-RDA (Parti démocratique de Côte d’Ivoire, Rassemblement démocratique africain), du RDR (Rassemblement des républicains), du MFA (Mouvement des forces de l’avenir) et de l’UDPCI (Union pour la Démocratie et pour la Paix en Côte d’Ivoire)

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 28 janvier 2010 à 10:14, par Nguandè En réponse à : Accès des opposants aux médias publics : Un abcès africain qu’il faut crever

    Excellent article ! La situation est d’autant triste en Côte d’Ivoire que M. Gbagbo montre qu’il est incapable d’appliquer sa propre politique de refondation qui veut que les choses se fassent différemment du temps de ses prédécesseurs, pour montrer l’idéal de démocratie pour lequel il a tant lutté pendant toutes ces années. Le drame, c’est qu’il adopte presque tout le temps cette même position sur d’autres questions tout aussi cruciales comme la corruption qu’il qualifie de cyclique. Aujourd’hui c’est son groupe, demain, ce sera un autre, et le cycle continue. Finalement, on comprend maintenant qu’il n’a pas lutté pour la démocratie, mais pour son propre accès au pouvoir puisqu’il fait même pire que ceux qu’il a combattus hier, alors que tous les citoyens paient des taxes sur leur facture d’électricité pour alimenter le budget de la TV, alors que les temps ont changé, etc. Quel espoir peut-on nourrir pour la démocratie en Côte d’Ivoire avec une telle mentalité au plus haut sommet de l’Etat et avec un homme comme le Président Gbagbo qui avait suscité tant d’enthousiasme ? C’est vraiment dommage....

  • Le 28 janvier 2010 à 10:54, par Gbapleu En réponse à : Accès des opposants aux médias publics : Un abcès africain qu’il faut crever

    Ils ont marché pour selon leur dire libérer la télévision nationale ( RTI ) . Et ils ont marché à Abidjan . C’est bien . nous voulons les voir marcher aussi sur Bouaké pour liberer la télévison qu’y occupent leurs partisants rébelles . Sur les écrans de cette télé ils ne font que passer des images de sacrifices humains et la place est reservée aux Dozo .
    Donc les nostalgiques Houphouëtistes savent aussi marcher ? Nous les regardons sans rien dire .
    Ce qui est vrai , ces tribalistes voulaient recréer un scénario à la guinéenne et peine perdue pour eux ce ne fut pas le cas . Pourquoi n’avaient-ils pas marché pour l’unification , lorsque la Côte d’Ivoire étaiet divisée en deux ? Bedié , parle aussi lui de liberté des médiats d’Etat ? Uhm...le ridicule ne tue vraiment pas ! N’était-ce pas lui qui avait emprisonné des journalistes pro RDR ? lui qui avait lancé un mandat d’arrêt international pour faire capturer Alassane Ouattara , celui-là même qu’il appelle aujourd’hui son frère et allié ? Allons-y doucement car nous sommes pressés . On vous demande la démission de Mambé de la CEI et vous deplacez la question . Gbap.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?