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MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

Publié le mercredi 27 janvier 2010 à 00h47min

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Pour ses positions sur l’article 37 de la Constitution (notamment sa révision), le député Mahama Sawadogo en prend pour son grade. C’est du moins ce que l’on peut dire à la lecture du texte ci-dessous dans lequel l’auteur démonte un à un les arguments révisionnistes de l’"honorable analyste de l’Assemblée nationale."

"Ce sont les conditions matérielles qui déterminent la conscience. Pas le contraire". Ainsi parlait et écrivait un penseur émérite de l’histoire relativement récente de l’humanité. A y regarder de très près, les récentes sorties médiatiques et tonitruantes (affaire Salif Diallo, Forum sur l’Alternance de Zéphirin Diabré, la possible relecture de la Constitution y compris son article 37, etc.) qui ont alimenté et continuent d’alimenter les débats dans les médias, les services, les quartiers et les gargotes de notre pays n’échappent pas, quant au fond, à cette pertinente affirmation. Mais pour cette présente contribution au débat, nous nous pencherons uniquement sur l’article 37 et l’argumentaire de l’honorable député Mahama Sawadogo en faveur de sa révision, notamment dans le sens de la non-limitation du mandat présidentiel.

En guise d’avant-propos, je me dois de faire un aveu : j’admire l’honorable député Mahama Sawadogo – notez bien que je ne suis pas un passionné de lui ! – je l’admire seulement pour son courage aux débats car, quoiqu’on en dise ou quoiqu’on en pense, grâce à tout ce qu’il raconte, il s’est objectivement illustré comme étant au-dessus du lot dans sa propre famille politique et, je dirais même plus, au-dessus des lots (mouvanciers et opposants toutes nuances confondues). Cet aveu fait, venons-en à notre sujet en rappelant tout d’abord que c’est sans doute pour la première fois dans l’histoire de notre pays qu’est née une nouvelle race de "passionnés" : les "passionnés" d’un homme, Blaise Compaoré (ABC, Mamies, Tanties, Tontons, Jeunes, FEDAP/BC, et même parfois en singleton, des individus tels que Emile Kaboré.)

C’est donc un droit suprême pour l’honorable député Mahama Sawadogo de s’inscrire librement dans cette liste, passionné qu’il est lui aussi, de l’article 37, notamment de sa relecture dans le sens de sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel, donc quant au fond, un passionné de Blaise Compaoré. Ses dernières sorties à la TNB et dans "Le Pays" n°4526 du jeudi 7 janvier 2010, le prouvent amplement. L’homme a été très clair, pour ne pas dire trop clair sur le sujet. On pourrait même se demander pourquoi les mesures disciplinaires du parti majoritaire, appliquées avec diligence et extrême rigueur à l’ambassadeur Salif Diallo, ne s’appliquent pas à lui au regard de la délicatesse du sujet, ainsi que des enjeux et dangers que comporte son traitement hasardeux. A moins que cela n’ait été déjà débattu et tranché en toute discipline au sein du parti, débat à l’issue duquel l’honorable député a peut-être été commis pour battre le tam-tam et tâter le pouls ! Examinons donc son argumentaire apparemment savant, car bâti sous forme d’"angles", dont l’honorable Mahama tente de s’en servir pour obscurcir l’horizon national :

1. De l’"angle juridique"

Estimant qu’au terme de l’article 165 de la Constitution, une éventuelle révision de l’article 37 ne remet en cause, ni la nature et la forme républicaine de l’Etat, ni le système multipartite, encore moins l’intégrité du territoire national, l’honorable Mahama se dépêche de conclure : "Ainsi, rien n’interdit sa révision. Rien n’oblige non plus à le réviser". Une telle conclusion me semble non seulement lapidaire, mais aussi sans objet quant au fond, puisque, sauf erreur ou omission de ma part, je n’ai à aucun moment entendu parler d’interdiction concernant la révision de l’article 37. Il est question ici, Monsieur le Député, de remise en cause ou non d’un pacte politique et social et d’un engagement consensuel voulus ou imposés par un contexte national particulier de l’histoire récente de notre pays.

Toute analyse qui tente d’occulter ce contexte-là est à mon avis, je ne dirais pas irresponsable, mais à tous points de vue hasardeux et même dangereux. Du reste, même s’il s’agissait d’interdiction, il eût été plus sage, honorable député, de dire : ce n’est pas interdit, mais ce n’est pas non plus conseillé ou recommandé. A ce propos d’ailleurs, je vous donnerais en réflexion ces propos – ô combien philosophiques, d’un vieux sage de chez nous et je le cite : "Ce qui est interdit ou prohibé, n’est en réalité ni interdit, ni prohibé. C’est quelqu’un qui meurt. Ça ne dépasse pas cela (1)". Et c’est justement parce qu’on n’est jamais si sûr que ce "quelqu’un qui meurt" ne sera pas finalement soi-même, que les interdits sont si respectés dans nos contrées et villages.

2. De l’"angle politique"

Estimant ensuite que la limitation du nombre de mandats présidentiels n’est à son avis, ni compatible avec les principes fondamentaux de la démocratie, ni compatible avec la souveraineté du peuple dans le libre choix de ses gouvernants, encore moins avec la liberté de candidature, l’honorable Mahama se dépêche ici aussi de conclure : "… Manifestement, la réponse est non, car à un moment donné on dénie au peuple sa souveraineté et on empêche la liberté de candidature. Ainsi, au plan politique, la révision de l’article 37 dans le sens de la suppression de la limitation du nombre de mandats est une mesure qui participe du renforcement de la démocratie".

L’on voit bien que, comme je l’ai dit plus haut, l’honorable analyste de l’Assemblée a été trop clair ici, en affirmant sans sourciller, que la suppression de la limitation des mandats, participe du renforcement de la démocratie (souligné par moi). Honorable député, après une telle conclusion de votre part, pensez-vous sincèrement, avoir mené une guerre juste contre l’ambassadeur Salif Diallo sur sa dénonciation de la "monarchisation du pouvoir" ? Bref, j’observe là aussi que l’honorable analyste de l’hémicycle, sans doute aveuglé par ses passions du moment et les énormes avantages associés, feint d’oublier les réformes politiques et institutionnelles, voulues ou imposées par le même contexte national particulier qui les ont engendrées. Alors, honorable député, de telles conclusions, une fois de plus hasardeuses et dangereuses, ne constituent-elles pas de votre part, un appel du pied pour le retour à ce type de contexte ? Mais comme on le dit souvent, chasser le naturel, il revient au galop.

3. De l’"angle éthique"

Sur ce troisième et dernier "angle" de l’honorable analyste de l’Assemblée, ce dernier se sert d’une question à double réponse. La question est celle-là : "Est-il raisonnable de limiter le nombre de mandats présidentiels afin d’empêcher qu’un citoyen ne reste très longtemps au pouvoir ?". La double réponse est la suivante : "oui et non". Que c’est intelligent comme pirouette, confortable comme position. C’est ce qu’on appelle en physique, je m’en souviens vaguement, l’"équilibre indifférent". En somme, aucun risque ici, d’être la cible de qui que ce soit, puisque la question ne peut être tranchée car, selon lui, "les partisans de chaque réponse disposent d’arguments plus ou moins objectifs ou plus ou moins subjectifs qui ne peuvent pas être appréciés correctement à travers une simple démarche intellectuelle" (par exemple la vôtre, ci-dessus déclinée sous les angles juridique et politique !). Mais tenez-vous bien cette censure qui, selon lui, ne permet pas de trancher, s’appliquerait à tout le monde sauf à l’honorable Mahama "himself", puisqu’il tranche sans ambages et pour son propre compte la question en ces termes : "… supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels permet d’anticiper sur des situations exceptionnelles qui pourraient nécessiter la poursuite d’une mandature dans l’intérêt supérieur de la nation …". Suivez ici mon regard vers le Niger. Une telle conclusion est franchement malheureuse. En effet, honorable député, ici, il n’y a de mon point de vue, ni éthique, ni même simple élégance. Personnellement je n’y vois que de l’opportunisme politique.

4. Quelques généralités à présent

Au récent débat télévisé portant sur le bilan politique de l’année écoulée et ayant eu comme invités les honorables députés Mahama Sawadogo du CDP et maître Bénéwendé Stanislas Sankara de l’UNIR/PS, il a été entre autres, question de "rapport de forces", référence faite ce jour-là, à la sortie hautement médiatisée de l’ambassadeur Salif Diallo. Problème de temps imparti ou effet de surprise, j’ai eu en tout cas comme sentiment, que les deux hommes en désaccord ce jour-là sur la question, n’ont pas épuisé le sujet, notamment sur la nature (réelle ou supposée) du rapport de forces ainsi que sur l’usage que l’on peut ou que l’on doit en faire. Aussi, si je devais contribuer à ce débat singulier, je dirais à peu près ceci : j’ignore le sens profond que l’ambassadeur a voulu donner à cette notion de rapport de forces dans sa désormais célèbre interview.

Mais je sais au moins, qu’un homme comme Salif Diallo, au regard du minimum d’encadrement reçu par lui de la part de ses aînés, ne parle pas souvent au hasard. S’agissant maintenant de l’interprétation que notre analyste de l’hémicycle en fait, à savoir "la capacité de mobilisation du CDP au sein de notre peuple", je peux affirmer que Salif Diallo lui-même ne se fait pas trop d’illusions sur les fondements réels ou supposés de cette capacité de mobilisation, et c’est sans doute pour cela, qu’il a voulu attirer l’attention de qui de droit. Voyez-vous, en effet, honorable député, dans un pays de grande misère comme le nôtre, un simple bon riz gras vous fabrique des militants. C’est seulement au moindre coup dur, au premier couac, que vous vous rendez rapidement compte, qu’en lieu et place de militants conscients de leur rôle au sein et en dehors du parti, vous n’avez en fait, ni plus ni moins, que de simples mangeurs de riz. C’est pourquoi il est sage et prudent d’être quelque part moins rassuré que vous l’étiez ce jour-là sur le plateau de la télévision nationale.

5. En guise de conclusion

Il faut à présent conclure. Au total, l’inquiétude de notre peuple et de sa couche politiquement consciente aujourd’hui, n’est pas en tant que tel liée à la violation d’un interdit qui empêcherait la révision de la Constitution et en particulier de son article 37. L’inquiétude, honorable député, réside dans l’incompréhension générale que pourrait provoquer une telle révision au sein de l’opinion et, par conséquent, dans les effets secondaires imprévisibles que cette démarche frondeuse pourrait engendrer. C’est pourquoi, à la question en titre : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller" j’ose pour ma part donner en l’assumant, la réponse suivante : le citoyen Mahama, sur ce sujet particulier, s’illustre parfaitement comme un mauvais conseiller car, ses "observations" faites dans le quotidien sus-cité, sont manifestement lourdes de dangers. Du reste, dans sa démarche on perçoit aisément que la limitation du mandat présidentiel cache mal sa propre peur d’une autre possible limitation. Par exemple, celle des mandats législatifs à l’Assemblée. Pourquoi pas ? Le moins qu’on puisse dire pour terminer, c’est que son parcours jusque-là sans faute dans cette institution pourrait avoir pu faire naître en lui, ces "lumineuses idées" qui nous sont régulièrement et généreusement servies par lui. Alors, je répète : ce sont les conditions matérielles qui déterminent la conscience. Pas le contraire.

O. Frank

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 27 janvier 2010 à 11:14, par TITI_P En réponse à : MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

    BEL ARTICLE MON FRERE. Je suis ravi de savoir que la matière grise au FASO s’exprime sans complexe. "ce sont les conditions materielles qui determinent la conscience" resumé illustratif d’une situation au quotidien.
    Allez me prouver le contraire.

  • Le 27 janvier 2010 à 12:28, par Plapei En réponse à : MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

    Félicitation monsieur le journaliste. On voit que vous avez vu clair dans son jeu. Merci d’être toujours présent pour aider les pauvres citoyens que nous sommes à voir clair dans leur jeu. Ces politiciens sont capable de tout rien que pour protéjer leurs intérêts. Bon courage !

  • Le 27 janvier 2010 à 14:48, par Ali En réponse à : MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

    Bravo. Une analyse de bonne facture.
    Juste rappeler la désormais célèbre phrase de Barack Obama en terre africaine de la Démocratie, au Ghana :"Les présidents qui passent le temps à modifier la Constitution pour s’éterniser au pouvoir n’entreront pas dans l’histoire".A bon entendeur...

  • Le 27 janvier 2010 à 18:14, par Le sage En réponse à : MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

    Bravo cher ami. Votre analyse, en plus de sa clarté, est tout simplement une replique à la hauteur des billets qui nous livrent l’honorable député Mahama Sawadogo. Je voudrais dire tout simplement que DIEU SAUVE LE BURKINA FASO d’une révision de son article 37. Que la sagesse habite le PF et que règne la paix dans notre pays, débarassé de toute souillure de sa constition notamment de son artciel 37. Bien dit se sont les conditions matéreilles qui déterminent la conscience d’une personne. Ce n’est pas l’honorable député qui nous dira le contraire.
    Juste rappeler à tous, notre pays s’appelle le BURKINA FASO et non le BURKINA tout court, faisons l’effort de faire suivre chaque fois le mot FASO à la suite du mot BURKINA. Merci beaucoup mes chers compatriotes, Burkinabè et faisons bloc pour contre toute véilleté de révision de notre article 37

  • Le 27 janvier 2010 à 22:30, par Rak En réponse à : MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

    N’importe quoi !!! quand on a rien a dire on se tait ...!!! je pense que le depute Mahama SAWADOGO a bel et bien raison la democratie ne commençe pas par l’exclusion !!! meme si le president pouvait se presenter 100 fois qu’il le fasse il a le droit et est un citoyen comme tout autre . si parmi nous quelqu’un de bien bonnes moralites peut le defier par les urnes il sera le bienvenu ...!!!

    • Le 28 janvier 2010 à 01:28 En réponse à : MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

      "l’être de conscience est un être pour lequel il question dans son être de son être" Si toi Rak cerne effecyivement cette pensée, tu reviseras ta position.

    • Le 28 janvier 2010 à 10:41 En réponse à : MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

      Mon frère, il ne faut pas régarder les 1000f et autres qu’on te donne par moment qu’il faut dire que le député Mahama SAWADOGO a bel et bien raison ! le faite de beaucoup durer au pouvoir est la source principale des crises et du désordre.nous allons déployer tous nos éfforts pour contrer ce désordre. L’article 37 de la constitution est intouchable. Celui qui va l’éssayer va le regretter sinistrement.

    • Le 28 janvier 2010 à 12:25, par un citoyen En réponse à : MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

      Je ne sais pas quel est votre âge mais c’est domage que vous pensez qu’on fait des élections au BURKINA FASO.

      Les vraies élections dans ce pays datent de 1978. Encore que tout n’a pas été clair mais ce n’est pas à comparer avec la mascarade que nous vivons depuis 1991.

      L’occident n’a pas fait comme ça pour être un exemple pour nous aujourd’hui et tous les africains veulent aller y vivre.

      Cherhez à savoir la limitation du mandat présidentiel en FRANCE ou aux USA date de quand et ils n’ont jamais modifié leur article.

      Alors que pour nous ça n’a même pas été appliqué même UNE SEULE FOIS et on veut modifier.

      Vous LECHEREZ TOUJOURS et TOUJOURS les bottes.

      A quand un ministre BLANC au BURKINA FASO ?

      A quand un Président BLANC au BURKINA FASO ?

      Réfléchissez encore Monsieur, car ce ne sont pas des gens comme Monsieur MAHAMA SAWADOGO qui vont nous sortir de l’obscurité.

  • Le 28 janvier 2010 à 01:20 En réponse à : MAHAMA SAWADOGO ET L’ARTICLE 37 : "Analyste politique éclairé ou simple mauvais conseiller ?"

    Cher Rak.
    Bravo à Vous ! A tout point de vue, vous n’êtes pas un intellectuel. Surement un de ces nouveaux riches. Ce message est adressé aux personnes qui ont la matière grise. Alors bouclez-là, votre sale gueule de merde !
    Pardon, je me suis un peu emporté. Vous me laissez pas le choix pauvre loque politique.
    Désolé.

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