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REVISION DU CODE ELECTORAL DU BURKINA FASO : La transparence piégée

Publié le mercredi 27 janvier 2010 à 00h47min

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Au pays des hommes intègres, la présidentielle de novembre approche à grands pas. Dans les états-majors des partis politiques, l’heure est aux affinages des procédés et méthodes en vue de l’emporter. Si ce n’est pas encore la grande effervescence qui précède immédiatement le jour du scrutin, les Burkinabè sentent cependant que l’heure en est proche.

L’Assemblée nationale n’est pas en reste. Elle vient de voter une nouvelle loi qui porte modification de celle du 3 juillet 2001, et a pour finalité de régir le scrutin. Dans sa substance, la nouvelle loi commande que pour justifier son identité, l’électeur produise l’une des pièces autorisées : passeport, carte nationale d’identité burkinabè (CNIB), carte d’identité militaire. Mais plus loin, elle accepte "qu’à titre transitoire, pour l’établissement des listes électorales en vue du scrutin présidentiel de 2010, l’extrait d’acte de naissance, le jugement supplétif ou déclaratif tenant lieu d’acte de naissance sont admis à charge pour l’électeur de se faire établir une carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) avant la publication de la liste électorale." Mais de toute évidence, la clause pose problème.

La disposition signifie en clair que celui qui ne dispose pas d’une carte nationale a la possibilité de se faire enregistrer, en faisant usage des documents sus-cités, même s’il faut admettre le caractère extraordinaire de la disposition. Cette mesure, on a obligation de la comprendre. Ils sont des millions, les Burkinabè qui ont plus de 18 ans. Et l’établissement des nouvelles cartes d’identité nationale ne se fait pas en un tournemain. A ce jour, ce sont des millions de citoyens de ce pays qui ne disposent pas encore du précieux document, même si le coût demandé pour son établissement a été revu à la baisse. Et rien n’indique, à l’allure où vont les choses, que tous ceux qui sont légitimement en droit de l’obtenir seront en mesure d’en disposer pour le scrutin de la présidentielle de novembre.

D’où question. Pourquoi favoriser des ersatz lorsqu’il existe une saine solution ? Il importe de tout mettre en œuvre pour que tous ceux qui désirent aller aux urnes disposent du précieux document. Comment ? En y mettant les moyens.

Pourquoi ? Parce qu’il est désormais un secret de polichinelle que permettre une multitude de documents pour l’inscription des électeurs est un véritable cheval de Troie qui ouvre la voie à toutes les formes de fraudes possibles et imaginables. La fraude étant le poison de quasiment tous les scrutins du continent noir, il faut se doter de toutes les dispositions susceptibles de la combattre déjà en amont. La fiabilité du scrutin de novembre en dépend, et grandement.

En un mot, il est impérieux de tout mettre en œuvre pour l’établissement de ces fameuses et bien précieuses cartes nationales d’identité. En ce moment, il faut le reconnaître, l’Office national d’identification est à la bourre. Normal, l’entreprise est immense. Mais on demeure convaincu que manque une certaine volonté politique qui vole au secours de tous et sauve la situation. Pourquoi ne pourrait-on pas par exemple, multiplier davantage les centres d’établissement des Cnib ?

On peut toujours rétorquer en brandissant évidemment la facture dissuasive de pareille initiative. Mais s’il faut parler sous, il convient de reconnaître que la fiabilité d’un scrutin a un prix. Et qu’il vaut mieux le payer avant plutôt qu’après les élections. Car, à supposer que les Burkinabè veuillent d’un scrutin clair, transparent et fiable , - et il serait sage qu’ils le désirent ainsi - il leur faut nécessairement barrer la route à tout ce qui pourrait s’apparenter à une quelconque forme de légèreté facile susceptible de galvauder tout un processus et qui, partant, remettrait en cause la légitimité d’un scrutin dont tout le monde est persuadé désormais de l’importance, au regard des enjeux qu’il comporte.

Le combat contre la fraude est une lutte intransigeante, mais nécessaire. Pour la simple raison que la transparence d’un scrutin, outre qu’elle honore le pays qui l’organise, légitime l’élu qui en sort vainqueur, et permet à tout un peuple d’aborder de nouvelles perspectives dans la sérénité que lui offre la paix sociale. On aurait tort de la prendre pour un oripeau inutile que l’on envisage si le cœur vous en dit ou que l’on rejette pour la simple raison qu’on n’en a pas envie. Le Burkina Faso peut trouver, dans le scrutin présidentiel qui se profile, une excellente occasion de répondre, à son niveau, à une interrogation qui se pose au continent tout entier : à quoi servent en réalité, les élections en Afrique ? Le désir d’élections saines et fiables est-il vraiment ce que recherchent les nations africaines lorsqu’elles préparent et décident d’aller à des scrutins ?

Déjà que les écueils ne manquent nullement pour la bonne tenue d’élections libres et pleinement démocratiques sur le continent noir, refuser de prendre les mesures idoines pour en protéger les paramètres maîtrisables, ressemblerait fort à une intention délibérée d’étouffer dans l’œuf toute possibilité de gagner en bonne gouvernance, en saine démocratie et partant, en développement conséquent, dans un climat social apaisé. Des nations africaines ont récemment fait la preuve que l’entreprise, si elle est ardue, n’en est cependant pas une chimère. C’est la nation burkinabè qui se trouve alors interpellée. Il lui faut relever le défi de la bonne tenue de la présidentielle à venir. Ne serait-ce que pour mériter davantage le nom que déjà elle porte : la patrie des hommes intègres.

"Le Pays"

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