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Dadis à Ouaga : A qui profite le show médiatique ?

Publié le vendredi 22 janvier 2010 à 00h48min

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Alors que le monde médiatique était privé du Dadis-show depuis plus d’un mois, voilà que le « miraculé de Conakry » est apparu dans la soirée du mardi 12 janvier à Ouagadougou. On imagine que nos confrères des grandes chaînes de radios et de télévisions occidentales avaient dû faire des pieds et des mains pour obtenir des informations sur la santé du Capitaine admis dans une clinique de Rabat au Maroc. Malgré son long séjour hospitalier, rien n’avait filtré de ce qu’il avait pu recevoir comme soins, des personnes qui étaient à son chevet.

On imagine que le cordon sécuritaire était infranchissable. Le secret a été bien gardé. Ça a été difficile pour les paparazzis et autres chasseurs de scoops des médias marocains et d’ailleurs. Les portes étaient apparemment fermées pour tout le monde, aux médias locaux comme aux puissants groupes qui ont généralement des micros même dans les murs et derrière les portes les plus capitonnées. Mais entre Rabat et Ouaga, les consignes de secret (ou de sécurité, c’est selon) n’ont visiblement pas été les mêmes. Si le capitaine convalescent a été débarqué quasi clandestinement à la Base aérienne 511 de Ouagadougou, sans tapis rouge, son arrivée n’est pas passée inaperçue. Y aurait-il eu fuite ? Mystère et boule de gonré.

En revanche, le reportage diffusé dès le 13 janvier sur la très introduite Radio France internationale semble avoir surpris les autorités burkinabè. Une certaine logique aurait voulu que la présence du miraculé guinéen soit d’abord rendu publique par des « voix plus autorisées » au niveau de la présidence du Faso ou encore du Service d’information du gouvernement (SIG). Mais hélas. Une fois encore, c’est sur une radio étrangère (même si elle émet en FM à Ouaga) que les Burkinabè vont apprendre la présence de cet hôte spécial qu’est le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte militaire au pouvoir en Guinée.

Dans l’après-midi du mercredi 13 décembre, le Service d’information du gouvernement et le ministère des Affaires étrangères vont tenter de sauver la face. D’abord, par un laconique communiqué de presse qui indique que Dadis est à Ouaga « pour poursuivre sa convalescence... ». Une information largement en deçà du scoop de RFI qui a même l’avantage de révéler, en substance, que le capitaine Camara aurait été surpris d’atterrir à Ouaga. Dès lors, ils ameutent la presse nationale pour un soi-disant « point de presse sur l’actualité des dernières heures ».
Mais ce ne fut qu’un rendez-vous manqué, pour ne pas dire un faux rendez-vous, comme on pouvait du reste s’en douter.

C’est au ministère des Affaires étrangères que la plupart des confrères apprendront l’annulation du fameux point de presse pour la raison non moins floue de « l’arrivée du général Sékouba Konaté, ministre de la Défense et président par intérim de la Guinée ». Comme si cette visite n’était pas prévisible. En fait, tous les arguments, même les plus farfelus, sont bons pour tourner les journalistes en rond et en ridicules. C’est malheureusement à ce jeu que le SIG et la direction de la communication et de la presse du ministère des Affaires étrangères ont été associés. Mais cela était encore loin d’être le scénario le plus cocasse.

A en croire notre confrère « Le Pays » dans sa livraison du vendredi 15 janvier, « Les prises de vue étaient interdites à l’arrivée du président intérimaire guinéen, Sékouba Konaté ». On est où, là ? C’est à croire que la médiation dans la crise guinéenne est devenue brusquement officieuse. La presse était non grata. Et il y avait de quoi frustrer les confrères qui ont fait le déplacement de l’aéroport, juste dans le souci d’informer l’opinion nationale. Que voulait-on donc cacher et à qui ?

La suite des événements a montré qu’un scénario de dévoilement était bel et bien prévu. En fait, on voulait que la presse nationale voie uniquement ce qu’on voulait qu’elle voie. Eh oui ! C’est malheureusement cela le triste sort des médias locaux, à chaque fois qu’il y a un événement stratégiquement important sous les tropiques. Les scoops sont réservés aux médias pompeusement qualifiés d’internationaux, alors que les autres doivent se contenter des mises en scène qu’on veut bien leur servir. Nos présidents, ministres et leurs conseillers ne sont-ils pas plus prompts à s’exhiber sur les chaînes étrangères qu’à communiquer à l’intérieur ?! Comment peut-on obtenir, dans ces conditions, des informations de première main, si personne ne veut les donner ? Ou encore si des forces de sécurité généralement trop zélées vous empêchent de faire votre travail ?
Certes, le comité de gestion de la médiation n’avait pas intérêt à jeter Dadis en pâture à la presse. Surtout pas dans l’état dans lequel il était. Mais de là à faire un black-out sur son arrivée, il y avait un pas de trop. Cela n’a, du reste, servi à rien, puisque c’est seulement la presse locale qui n’était pas dans le coup. Certes, les vannes d’images ont été ouvertes par la suite sur la Télévision nationale du Burkina. On a même eu droit à la diffusion d’un reportage réalisé par les Forces armées guinéennes sur un entretien pathétique entre le capitaine Moussa Dadis Camara et le général Sékouba Konaté et auquel a assisté le chef d’état-major particulier de la présidence du Faso, le colonel-major Gilbert Diendéré.

Tout cela montre bien qu’on avait besoin d’un show médiatique pour célébrer la conclusion de l’accord de Ouagadougou. Seulement, tout cela a donné l’impression d’un film trop beau pour convaincre. Finalement, le Dadis-show qui a été servi en fin de semaine dernière à Ouagadougou ressemble plutôt à un scénario bien monté. Ceci explique, peut-être, pourquoi on voulait tenir la horde des paparazzis le plus loin possible.
En attendant de savoir qui va récolter les vrais dividendes de tout ça, il faut craindre que les agitations médiatiques qui ont suivi la signature de cet autre « accord de Ouagadougou » ne poussent pas à « vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ». Comme l’illustrent bien la médiation togolaise et la facilitation ivoirienne.

F. Quophy

Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 22 janvier 2010 à 09:33, par Kipare En réponse à : Dadis à Ouaga : A qui profite le show médiatique ?

    Messieurs de la presse !
    Un peu de tenue quand meme !
    Ca c’est le prototype meme d’un "non article". A l’Universite, tu aurais pu presenter ca pour que tous sachent ce que c’est qu’un non article.
    Retenez une bonne fois pour toute que la vie n’est facile pour personne ici bas.
    On vous cacherait des choses et on ne vous laisserait voir que ce qu’on veut ! mais ca c’est le propre et la nature humaine ! Tu nous appelle peut etre quand tu vas dans les chambres noires de Simon ?
    je peux comprendre pourquoi le gouvernement etait tatillon, et vous aussi j’en suis sur ! Un peu d’effort. un president qu’on embarque de sa convalescence, qu’on debarque a ouaga malgre lui, tonitruant comme dadis, pour un pays dont on est le mediateur et tjrs en difficultes, sans compter les pressions americaine et farncaise : auriez vous ameute la presse vous ?
    la question c’est comment RFI l’a su et pas vous ! il faut travailler a savoir : ca n’a pas arrange forcement le gouvernement non plus que RFI le sache ! elle l’a su, c’est tout ! Soit par la france, soit par des autorites burkinabes pour echange(peut etre) d’un article clement un jour ? J’en sais rien. votre tache c’est de savoir comment justement ! Embauchez Dalila si c’est la voie du succes : les Samsons ne manquent pas dans l’armee ou dans l’entourage de Blaise !

  • Le 22 janvier 2010 à 09:53 En réponse à : Dadis à Ouaga : A qui profite le show médiatique ?

    Si RFI a eu la primeur de l’information avant meme les media locaux ; c’est que le VRAI MEDIATEUR est de l’autre coté ; Suivez mon regard....
    salut.

  • Le 22 janvier 2010 à 10:13, par King of Abomey En réponse à : Dadis à Ouaga : A qui profite le show médiatique ?

    Mon cher Quophy, je relis ce que tu as écrits :

    "Une certaine logique aurait voulu que la présence du miraculé guinéen soit d’abord rendu publique par des « voix plus autorisées » au niveau de la présidence du Faso ou encore du Service d’information du gouvernement (SIG".

    1. Entre-nous (initiés), est ce que HABERMAS aurait apprécié une telle imprudence ?

    2. JJ attendrait maintenant que des "voix autorisées" affirment quelque chose, pour que ce soit... VRAI ?

    Ces lignes ont du être écrites un peu rapidement. N’est ce pas disciple de Harbermas ?

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