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Relogement des sinistrés : Les huttes ont remplacé les tentes

Publié le vendredi 22 janvier 2010 à 00h48min

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De nombreuses familles victimes des inondations du 1er septembre ont commencé à rejoindre leur parcelle sur les sites de Yagma. Malheureusement, la zone n’est pas encore viabilisée. Il manque de tout sur ce site situé à quelques 20km au nord de Ouagadougou.

Derrière l’église catholique de Yagma, une grande tente militaire est dressée. Quelques gendarmes sont assis devant la tente. Des centaines de sacs de ciment sont entreposés juste à côté. A quelques mètres de là, de l’autre côté de la nouvelle voie, des centaines de personnes se sont attroupées par groupe autour des hangars faits de seccos. C’est ici que la première vague des sinistrés du 1er septembre reçoivent leurs matériaux de construction. Le processus est engagé depuis plusieurs semaines. C’est par groupe que les sinistrés se sont organisés ici pour ériger des hangars et garder leur ciment, en attendant les moyens pour rejoindre leurs parcelles qui se trouvent à quelques centaines de mètres de là. Ces moyens tardent à venir.

Très vite, l’endroit s’est transformé en un lieu de marché. Ce n’est pas ce que les autorités avaient prévu. Chaque sinistré a reçu 30 sacs de ciment et une somme de 50. 000F comme aide à la construction. 20 tôles ont été aussi promises. Cette promesse, les intéressés attendent sa concrétisation. C’est avec surprise donc qu’ils ont appris qu’ils doivent rejoindre leur parcelle. Nous sommes au 31 décembre 2009, délai fixé par les autorités aux sinistrés pour quitter les lieux. Charrettes, motos, vélos…, tous les moyens sont utilisés ce matin pour amener le ciment sur les parcelles par les familles. Chefs de famille, femmes et enfants sont tous à la tâche. Les quelques voies qui mènent à la trame d’accueil ne sont pas encore bien praticables. Sur cet endroit définitif pour le relogement des sinistrés, les huttes faites de seccos ont remplacé les tentes construites sur les sites intermédiaires.

Chacun se débrouille désormais

Des centaines de ces huttes s’étalent à perte de vue dans les champs de mil. Pas un seul mûr n’est encore sorti de terre. Prosper et sa femme sont à l’œuvre depuis le matin pour l’érection de leur hutte sur leur parcelle. Madame creuse les trous pendant que Prosper implante les bois. Il faut se dépêcher pour avoir un espace pour dormir et garder le ciment. Un matelas, quelques ustensiles de cuisine, des vêtements, un vélo. … sont déposés à côté. C’est ce qui reste à la famille après le passage des eaux dans leur domicile à Lalnoag-Yiri. Prosper et sa famille passeront le Réveillon à la belle étoile pour garder leur ciment et respecter le mot d’ordre des autorités. Ce sera sa première nuit sur sa propre parcelle même si ce quadragénaire ne sait pas encore comment la mettre en valeur. " Nous avons eu les parcelles avec un soutien de 50 000f. Mais vous savez qu’on avait tellement de problèmes que cet argent a été dépensé pour autre chose peut-être plus urgent. Beaucoup n’ont plus rien et mettront du temps pour pouvoir construire une maison", confie-t-il. L’homme ne reste pourtant pas les bras croisés.

Il a déjà creusé avec sa femme une fondation dans la perspective de la construction d’une maison de 20 tôles. "Franchement, j’avoue que j’ai fait la fondation, mais je n’ai rien comme moyen pour débuter quoi que ce soit. Je l’ai fait pour me donner du courage", explique le chef de ménage. C’est avec ce courage et les mains nues que Prosper affronte la nouvelle année et compte avoir son propre logement. Sur le site, des centaines de familles se battent comme Prosper pour ériger un semblant de logis sur les parcelles de 230m2. Chaque famille se bat comme elle peut avec désormais ses propres moyens pour survivre. Vincent a dû renvoyer sa femme et les enfants après une première nuit passée sur le site. "Il fait très froid. Les seccos ne peuvent pas protéger contre le froid. La Croix rouge a distribué des tentes à certaines familles, mais la plupart n’en ont pas bénéficié. J’ai préféré envoyer ma famille au village parce qu’il n y a rien ici." Rien n’a été préparé sur le site en dehors des bornes fixées et les quelques voies en ouverture autour du site.

Il manque le minimum pour survivre

L’une des principales difficultés pour les habitants de ce nouveau quartier demeure l’eau. C’est autour d’un seul forage que les centaines de familles se retrouvent chaque jour pour trouver de l’eau à boire. Les femmes doivent attendre plusieurs heures pour espérer avoir quelques 20 litres d’eau. La zone n’est pas encore viabilisée. On ne sait pas quel moment le réseau de l’ONEA arrosera ce nouveau quartier. Même chose pour la SONABEL dont les travaux ont au moins commencé.

Pas de centre de santé. Pas d’école pour le moment qui va accueillir les nombreux enfants des familles sinistrées. Selon le responsable du site intermédiaire de Loumbila venu à Yagma pour s’imprégner des réalités, de nombreux enfants vont quitter l’école si une solution n’est pas trouvée très vite pour résoudre le problème des élèves. Chaque famille doit se débrouiller toute seule maintenant. 4 janvier 2010, nous sommes à la veille de la reprise des classes. Vincent ne sait pas encore où iront ses deux enfants. Il leur faut un vélo pour aller à l’école. Vincent n’en a pas pour lui-même d’abord. Le seul vélo de la famille a été emporté par les eaux le 1er septembre. Il n’est pas non plus sûr que ses enfants seront acceptés dans cette école. Malgré l’assurance donnée par les autorités, certains parents peinent à trouver de la place pour leurs enfants dans les établissements publics. "Quand on va dans les écoles pour inscrire les enfants, les responsables d’établissements reconnaissent qu’ils doivent recevoir les enfants, mais ils nous disent que malheureusement il n’y pas de place" explique un parent.

La question de l’éducation des enfants est l’une des préoccupations majeures des familles sinistrées. Alfred a trouvé la solution pour ne pas se créer de nouveaux problèmes. "J’ai trois enfants qui sont à l’école. Le 1er est en classe de 5e et son oncle a accepté qu’il termine l’année avec lui à Ouagadougou. Je ne peux pas lui dire de prendre tous les trois. Pour les deux autres qui sont encore à l’école primaire, ils vont suspendre pour cette année en attendant que je leur trouve une école l’année prochaine ", se résigne Alfred. La cohabitation avec les autochtones qui vivent non loin de là ne se passe pas sans problème. Ce 4 janvier, le chef du village a convoqué les nouveaux venus pour signaler la perte d’une des pierres sacrées du village sur la colline. Ensemble, nouveaux arrivants et autochtones ont fouillé les agrégats que les familles ramassent dans la perspective de leur construction. Heureusement après quelques heures de recherche, la pierre est retrouvée. La vie sur le nouveau site s’organise difficilement.

Certains avouent que les conditions de vie dans les sites intermédiaires sont nettement meilleures que dans le site définitif. C’est ce que pense cette dame qui vit avec son enfant de 5 ans sous le hangar. "Sur les sites, on était un peu pris en charge. Ici tout est arrêté. Pourtant, les gens ont tout perdu et n’ont plus rien pour survivre et construire une maison. Il fait froid, il n’y a pas d’eau, pas de dispensaire. Nous n’avons que nos quatre bornes et nos trente sacs de ciment ici. ", déclare-t-elle. Le chemin est visiblement encore long pour ces nombreuses familles et le combat qu’elles ont engagé se durcit pendant que leurs armes ne cessent de s’user.

Moussa Zongo

L’Événement

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