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Zéphirin Diabré : "On est parfois déçu par la qualité du débat politique en Afrique"

Publié le vendredi 13 août 2004 à 08h13min

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Zéphirin Diabré

En vacances au Burkina, Zéphirin Diabré, l’Administrateur associé (c’est-à-dire le directeur général adjoint) du Programme des Nations unies pour le développement, a rendu mercredi une visite de courtoisie à notre directeur de publication. Ça tombait bien puisque le rapport 2004 sur le développement humain durable, qui place notre pays à la 175e place sur 177, venait de sortir.

Qu’est-ce qui nous vaut l’honneur de cette visite à l’Observateur paalga ?

• Je suis venu rendre une visite de courtoisie à M. Edouard Ouédraogo à l’occasion de mon passage au pays pour les vacances

Vous arrivez quelques semaines après la publication du rapport du PNUD sur le développement humain durable, où le Burkina est classé 175e/177. En tant que Burkinabè et Administrateur associé du PNUD, quel est votre commentaire sur cette place qu’occupe le Burkina ?

• Le rapport sur le développement humain établit un classement sur la base de critères bien précis. Pour le Burkina Faso comme pour tous les autres pays, ce rapport n’est rien d’autre qu’une interpellation constante à faire des efforts en matière d’éducation, de santé, etc. Je dois préciser que même si le rapport est produit sous l’égide du PNUD, c’est le fruit du travail d’une équipe internationale indépendante.

Cette équipe a reçu les pleins pouvoirs de notre part et la direction du PNUD n’intervient jamais pour influencer son travail. Certains pays estiment parfois que le classement ne reflète pas leur situation réelle. Lorsque c’est le cas, nous les invitons à entreprendre les démarches appropriées pour voir si les statistiques qui ont été utilisées sont celles qui décrivent vraiment leur situation. Le PNUD ne produit pas de statistiques. C’est un principe fondamental que nous avons arrêté au moment de la création du rapport. Nous utilisons les statistiques qui sont produites par les agences spécialisées du système des Nations unies.

Par exemple, en matière d’éducation, ce sont les statistiques officielles de l’UNESCO qui font foi. En matière de santé, la référence, c’est l’OMS. Pour les statistiques économiques, la référence, c’est la Banque mondiale. Le PNUD n’est pas autorisé à prendre directement une information statistique auprès d’un Etat. Et c’est d’ailleurs mieux ainsi. Vous imaginez un peu ce que cela aurait pu entraîner comme possibilité de manipulation ?

Au Burkina, il y a une polémique à chaque publication du rapport. Y a-t-il vraiment lieu de polémiquer ?

• Je ne sais pas s’il y a lieu de polémiquer. Ce que je sais, c’est que dans tous les pays du monde, la publication du rapport donne lieu à des débats houleux. C’est la preuve que le rapport s’est imposé de nos jours comme une référence incontournable dans le débat sur le développement. Et je suis fier qu’à côté de mon collègue administrateur, Mark Malloch Brown, l’action de réforme que nous avons menée depuis 6 ans ait contribué à asseoir la crédibilité du rapport et à renforcer celle de toute l’organisation.

Pour en revenir au Burkina, si le gouvernement estime que les informations qui sont utilisées pour calculer son classement sont erronées ou pas actualisées, il lui appartient de faire rectifier les choses au niveau des institutions spécialisées que j’ai mentionnées plus haut. Alors, l’équipe du rapport pourra les prendre en compte.

Est-ce que vous avez des recettes à nous proposer pour sortir notre pays des profondeurs du classement ?

• Je n’ai pas cette compétence. Il y a ici des femmes et des hommes qui conduisent l’action gouvernementale autour du Président du Faso, et ce sont des gens très compétents. Je ne crois pas être en mesure de leur indiquer des recettes.

Où en est-on avec l’Institut Afrique Moderne (IAM) que vous avez mis sur pied il y a peu ?

• C’est un institut que nous avons créé avec quelques amis burkinabè et étrangers pour essayer d’apporter une contribution modeste à la réflexion sur les questions du développement du Burkina et de l’Afrique. On est parfois un peu déçu par la qualité du débat public dans les pays africains. Pour moi, le vrai problème de nos pays, c’est comment sortir nos populations de la pauvreté. Comment faire pour que chaque enfant qui naît aille à l’école, soit bien formé, trouve un emploi à la fin de ses études, puisse se soigner et soigner sa famille, participe à la vie de sa société, vive dans un environnement sain, etc.

Donc je me dis que ces questions doivent être le cœur même du débat public. C’est comme cela que les autres pays se sont faits. L’institut va essayer modestement de créer un cadre ou s’affronteront les différentes idées pour trouver des solutions à ces questions. L’équipe intérimaire a déjà obtenu le récépissé. Elle s’attelle à mettre en place un minimum d’équipements. Elle est en discussion sur le programme des deux prochaines années et elle envisage des activités pour 2005.

On a appris que vous travaillez aussi pour l’Union pour un mouvement populaire (UMP) en France. Vous confirmez ? Et de quoi s’agit-il en fait ?

• Ce n’est pas tout a fait cela. Je suis membre de la Fondation pour l’innovation politique. C’est une fondation dont l’ambition est de contribuer à faire évoluer le débat politique en France et dans le monde. Il est vrai que cette fondation a été mise en place par des personnalités proches de l’UMP, et qu’elle se réclame des idées libérales et républicaines.

Mais elle est tout a fait indépendante des partis politiques. En France il y a plusieurs fondations de cette nature ; je pense par exemple à la Fondation Jean Jaurès, qui est proche du parti socialiste. Vous voyez que même là-bas, il y a des gens qui estiment que le débat politique ne vole pas très haut et qu’il faut un véritable débat d’idée. Je me sens honoré que les promoteurs de la fondation aient pensé que je peux apporter quelque chose. Et dans la mesure où mon calendrier le permettra, je ferai l’effort de prendre part à leurs travaux.

Propos recueillis par San Evariste Barro
Observateur Paalga

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