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ACCORDS DE OUAGA SUR LA GUINEE : Les Forces vives face à leurs responsabilités

Publié le lundi 18 janvier 2010 à 03h51min

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Ce n’était pas si évident et très peu de gens l’en auraient cru capable : Dadis Camara s’est finalement effacé au profit du général Sékouba Konaté, pour la paix en Guinée. Un coup double pour l’ex-chef de la junte qui contribue à renforcer la cohésion au sein du CNDD tout en plaçant les Forces vives devant leurs responsabilités. Les accords signés le week-end dernier à Ouagadougou constituent en même temps un succès mémorable pour le facilitateur Blaise Compaoré. Le capitaine Dadis Camara a donc joué la carte du patriotisme, comme "Le Pays" le lui demandait d’ailleurs dans son édition du week-end. Physiquement éprouvé lors des négociations de Ouagadougou, Dadis Camara a lancé un appel à ses compatriotes, les invitant à plus de "loyauté, fidélité et sincérité" à l’égard du peuple guinéen.

Affirmant que "c’est le destin qui fait que nous sommes là", il a soutenu que "personne n’a intérêt à la division de la Guinée". Par conséquent, il a invité ses compatriotes à se souder pour « bâtir notre nation ». La facilitation burkinabè que certains avaient vite mise hors-jeu, enregistre de ce fait un grand coup dans la sous-région, ce qui conforte son image et fortifie son leadership. Un succès assurément réconfortant pour Blaise Compaoré qui a sans aucun doute, bénéficié d’un coup de pouce du sort. Il reçoit l’hommage des représentants de la communauté internationale. Parmi ceux-ci, le chef de l’Etat du Liberia, Mme Johnson SIRLEAF et M. Chambas, président de la Commission de la CEDEAO, qui avaient fait le déplacement de Ouagadougou. Mme Ellen Johnson SIRLEAF a insisté sur le succès de cette médiation qui la réconforte. Cela, d’autant que son pays, voisin de la Guinée, a connu les affres de la guerre civile et souhaite ardemment que la paix se consolide dans cette partie du monde qui a beaucoup souffert. L’Union africaine, les Nations unies et la France ont également appuyé les accords signés à Ouagadougou.

Dans le camp guinéen, parmi ceux qui se sont félicités des Accords de Ouagadougou, on compte le capitaine Dadis Camara qui a qualifié le président Compaoré de « grand médiateur, homme expérimenté qui a su effectivement calmer les gens ». Les accords ont aussi obtenu les faveurs de certains opposants guinéens dont Seydou Dalien Diallo, considéré comme l’un des plus critiques à l’égard de la gestion du CNDD. La providence était assurément dans le camp de la médiation. Il aura fallu en effet cette tentative d’assassinat sur la personne du chef de la junte, son évacuation pour traitement au Maroc, puis son escale impromptue à Ouagadougou où il poursuivra sa convalescence. Le capitaine Dadis Camara évitera donc de rentrer à Conakry où l’on ignore toujours où se cache le lieutenant Toumba, son propre aide de camp, auteur de la tentative d’assassinat. Ce dernier, aura donc malgré lui, contribué d’une manière ou d’une autre, à redresser le destin de la Guinée.

Il faut également souligner la satisfaction et le geste héroïque du général Sékouba Konaté. Le nouveau patron de la junte n’avait pas hésité à mettre tout de suite son poste de président en jeu. Le rôle central joué par ce dernier, aura inéluctablement pesé sur la suite des événements en Guinée.

Ces accord offrent à la Guinée une chance de repartir de plus belle, surtout aux Forces vives qui ont désormais la balle dans leur camp. Elles qui avaient montré de l’intérêt dans la désignation du général Sékouba Konaté comme successeur du capitaine Dadis Camara à la tête du CNDD et donc de l’appareil d’Etat. A présent, il leur faut trouver des hommes et femmes capables de conduire la transition à bon port. Il est souhaitable que ces accords ne soient pas torpillés sur le terrain par l’inconstance des acteurs politiques. S’agissant de la durée de la transition, le délai de six mois semble bien raisonnable. Différents facteurs ont sans doute été pris en compte. Il y a tout d’abord la saison des pluies connue comme étant ravageuse en Guinée. Vient ensuite la configuration du paysage politique. En effet, le pays vit dans une relative liberté et depuis l’ère Conté, des acquis existent. Il conviendra simplement de les revisiter et de les peaufiner : légalisation et fonctionnement des partis politiques, commission électorale, textes de loi et listes des électeurs, etc. Un canevas de travail bien ficelé peut s’obtenir dans les délais prevus sans perdre du temps. Enfin, le Burkina Faso prépare sa propre élection présidentielle. Il va de soi que le facilitateur qui se prépare à sa propre succession, ait besoin à son tour, qu’on lui…facilite la tâche en le libérant au plus tôt afin qu’il puisse s’occuper de ses propres oignons.

Les frères et sœurs de Guinée doivent courageusement s’atteler à l’essentiel. Ayant jusque-là fait preuve de retenue, il leur faut continuer à œuvrer de manière à consolider l’estime de tous ceux qui, dans l’ombre ou à ciel ouvert, militent pour qu’ils bâtissent leur pays dans la paix et la souveraineté.

Le plus important est donc fait. Dadis ne constitue plus un danger pour la Guinée. Il cesse de demeurer encombrant pour les uns et les autres. En faisant lui aussi preuve de réalisme et de patriotisme, il offre de meilleures perspectives à la Guinée. Malgré lui, et d’une certaine façon, il aura vaincu la boulimie du pouvoir qui obscurcit la lanterne de nombre de dirigeants africains. Un renoncement qui pourrait peser dans la balance, lorsque viendra le jour du jugement des actes posés durant sa gestion par la junte au pouvoir en Guinée. Reste aux Forces vives de savoir mesurer l’importance de leur rôle et de s’attacher à désigner au plus vite ceux qui, en leur nom, vont aider à forger l’avenir de la Guinée. Car, comme l’a souligné le capitaine Dadis Camara à la signature des Accords de Ouagadougou, « un homme meurt, une nation demeure ».

"Le Pays"

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