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Si Norbert savait, si Marcel pouvait...

Publié le vendredi 8 janvier 2010 à 02h16min

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Chut, n’en dites rien, le secret est désormais dans la tombe ! Ou alors au ciel, où les âmes de Norbert et de Marcel devisent gaiement, après avoir conclu la paix des braves entre présumé bourreau et supplicié ? Va savoir...

Seul inculpé dans l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en rade de Sapouy, le 13 décembre 1998, l’adjudant Marcel Kafando est mort de sa belle mort, le 23 décembre 2009. « Dès suites d’une longue maladie », précise-t-on. Juste à l’avant-veille de Noël, où on se préparait, ici-bas, à accueillir l’enfant Jésus. Feu Marcel Kafando figurait, faut-il le rappeler, au nombre des « six suspects sérieux » désignés par la Commission d’enquête indépendante (CEI) mise en place pour élucider le quadruple meurtre de Sapouy, qui coûta la vie à Norbert Zongo et à trois de ses compagnons. Et c’est en 2001 qu’il a été inculpé pour « assassinat » et « incendie volontaire », avant de bénéficier, en 2006, d’un non-lieu, au motif que le seul témoin clé à charge, Jean Racine Yaméogo, s’est rétracté. Trois ans après, la mort lui offre un « non-lieu éternel ».

Si l’on parle encore du décès de cet adjudant, c’est surtout parce que la vérité sur les exécutants et les commanditaires de cet ignoble assassinat ne sont toujours pas connus. Du moins, justice a conclu à un non-lieu dans cette affaire, qui empoisonne insidieusement la vie sociopolitique du Burkina depuis onze ans. Jugé, avec d’autres militaires, et condamné, en août 2000, à 20 ans de prison par un tribunal militaire de Ouagadougou, qui l’avait reconnu coupable d’avoir « séquestré et torturé à mort » David Ouédraogo, chauffeur du frère du président du Faso, sur lequel enquêtait Norbert Zongo, l’adjudant Kafando n’avait toujours pas reconnu sa part de responsabilité dans le drame de Sapouy avant de monter aux cieux.
Le fait est que, même si elles ont quelque peu faibli avec le temps, la quête de vérité et de justice sur cette affaire reste présente. Plusieurs organisations continuent de faire pression pour transcender le « non-lieu » prononcé dans ce dossier.

Et, chaque année - et cela n’a pas raté le 13 décembre dernier - des mouvements divers perturbent notamment les activités scolaires à Ouagadougou. Ainsi, pour le Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques (CODM/PP), « la mort de Marcel Kafando n’affecte en rien la procédure judiciaire dans l’affaire Norbert Zongo ».
En effet, un communiqué publié le 24 décembre 2009 par ce collectif, à l’avant-garde de la lutte contre l’impunité et résolu à faire la lumière sur cette page sombre des droits humains et de la liberté de presse au « pays des Hommes intègres », clame encore son « Non à l’enterrement du dossier Norbert Zongo ».

Même si l’action publique est éteinte à l’égard de Marcel Kafando, qui bénéficiait déjà d’un « non-lieu complaisant », précise le communiqué du CODM/PP, il est clair qu’il n’aurait pas pu agir tout seul dans l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons. C’est pourquoi, réclame le Collectif, « les poursuites devraient également être engagées contre “X”, c’est-à-dire contre personnes inconnues ».
On ne sait pas où conduira cette guerre des ombres. En attendant, Norbert Zongo, qui ne savait pas qu’une mort atroce l’attendait du côté de Sapouy, et Marcel Kafando ont certainement beaucoup de choses à se raconter dans l’au-delà. Et s’il le pouvait, le Marcel, coupable ou non, il enverrait sûrement sa vérité d’outre-tombe. Mais la saura-t-on jamais ? Et connaîtra-t-on enfin la vérité dans cette affaire ?

Journal du Jeudi

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