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L’urgence d’un sursaut judiciaire

Publié le mardi 5 janvier 2010 à 03h12min

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Depuis le retour à une vie politique constitutionnelle en 1991, l’institution judiciaire s’est révélée au fil des ans, comme le maillon faible des pouvoirs censés incarner le bon fonctionnement de notre démocratie. Elle est le talon d’Achille de tous les gouvernements qui se sont succédés depuis Youssouf Ouédraogo jusqu’à l’actuel premier ministre Tertius Zongo.

Bien sûr, on peut s’interroger sur la pertinence de certains choix économiques et budgétaires à impulser le développement et à combattre efficacement la pauvreté au Burkina Faso, regretter l’hyper domination du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) sur les autres forces politiques représentées à l’Assemblée nationale et qui fausse le jeu démocratique, tout comme on peut déplorer la fragilité des entreprises médiatiques qui expose les journalistes à toutes sortes de tentations.
Mais cahin-caha, l’exécutif gouverne, le parlement légifère et la presse joue son rôle en faisant régulièrement l’écho de pratiques malsaines dans les arrière-cours des services publics et privés. On ne peut, hélas pas en dire autant s’agissant du troisième pouvoir.

La justice a littéralement foutu le camp au Pays des hommes intègres sans que l’on perçoive des signes encourageants de changement dans un futur plus ou moins proche. Autant notre justice est d’une remarquable célérité à frapper les petites gens ayant commis des larcins, les Makaya comme on dit au Gabon- comme cet instituteur radié de la fonction publique, suspecté d’avoir vendu des fournitures scolaires destinés à ses élèves- autant elle affiche une complaisante lenteur, pour ne pas dire plus, à demander des comptes aux gens d’en haut qui prennent régulièrement des libertés avec la loi. Depuis une quinzaine d’années, on chercherait un procès exemplaire impliquant une personnalité membre ou proche des cercles de décisions et sa condamnation, qu’on en trouverait pas. Dieu seul sait pourtant si le nombre de malfrats à cols blancs, en tout cas, des personnes sur lesquelles planent de sérieuses présomptions de malversations financières, a considérablement augmenté ces dernières années.

Il suffit tout simplement d’ouvrir n’importe quel rapport soit du Comité national d’éthique, de la Haute autorité de lutte contre la corruption, de l’inspection d’Etat ou de la Cour des comptes pour découvrir que l’égalité de tous devant la loi proclamée à longueur de discours n’est qu’une entourloupe. On a l’étrange sentiment que la justice burkinabè fonctionne à la carte, sinon comment comprendre que rien, absolument rien, n’ait été entrepris pour traduire devant les tribunaux des individus dont la gestion du patrimoine public a été sévèrement épinglée par la Cour des comptes ? Au même moment, des maires sont révoqués de leurs fonctions pour mauvaise gestion sans qu’un procès ait solidement établi leur culpabilité. Cette impunité dont bénéficient des citoyens de première classe doit cesser, car elle sape l’enracinement de l’état de droit et apparaît comme une incitation au vice.

Pour les présumés coupables comme pour l’opinion publique, le procès est en tout point salutaire : c’est l’occasion pour celui que le verdict médiatique et populaire a déjà condamné de retrouver son honneur, et pour le citoyen ordinaire, le sentiment que la justice est la même pour tous. L’ex président de la cour constitutionnel Idrissa Traoré, n’a t-il pas plus à gagner à comparaitre devant un tribunal qu’à passer pour le reste de sa vie aux yeux de l’opinion nationale et internationale comme celui qui a puisé, sans justificatifs, près de 57 millions de FCFA dans la caisse de l’institution dont il avait la charge ? Dans la cour d’un établissement français, les camarades d’une élève se faisaient un plaisir de lui rappeler que son père, qui était un président d’un pays africain « n’est qu’un voleur » parce que son nom avait été cité dans des affaires de détournement de biens publics.

La condamnation vise, faut-il le rappeler, d’une part, à sanctionner le coupable pour manquement à la loi et d’autre part, à dissuader d’éventuels fautifs. Dans une société policée, faut-il également le rappeler, il y a ceux qui respectent la loi parce qu’ils ont compris que c’est le seul moyen de garantir la liberté dans la paix, mais ils ne sont pas nombreux, et il y a ceux qui respectent la loi de peur d’être sanctionnés, ce sont, hélas les nombreux. L’impunité est corruptrice des valeurs du vivre ensemble et à terme, pourrait engendrer une société de justiciers.
Faut-il espérer ou désespérer de la justice burkinabè ? En ce début d’année, souhaitons plutôt qu’elle retrouve ce qu’elle n’aurait jamais cessé d’être : républicaine, juste et équitable

Joachim Vokouma, Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 5 janvier 2010 à 10:24, par donmozoun En réponse à : L’urgence d’un sursaut judiciaire

    Bien dit ! c’est inadmissible que la procédure judiciaire existe uniquement pour les petits délinquants alors que qu’elle est inexistante pour les grands délinquants. Comment pouvons nous nous flatter à longueur de journée que la démocratie avance bien dans le pays alors qu’une des roues est en panne ! Certains états, à l’instar du Cameroun et du Gabon, ont pris leurs responsabilités (même si c’est quelque fois pour se règler des comptes politiques) pour trainer devant la justice leurs grands déliquants. Je crois qu’à cette allure, il arrivera un moment (quand le vent changera de direction) que toute une bonne partie de la génération des dirigeants actuels se retrouve face à la justice pour rendre des comptes sur des crimes qu’ils auraient commis. de toute façon, la route de l’histoire tourne et nous rattrapera tous. Que ceux qui sont malins, fassent rapidement leur crise cardique !

    • Le 5 janvier 2010 à 17:27, par Paris Rawa En réponse à : L’urgence d’un sursaut judiciaire

      Avec tout cela, le Président du Faso trouve moyen parler encore dans ses discours de paix sociale, alors que l’impunité et l’injustice font gronder la colère des petites gens. Tout le monde sait comment les révoltes populaires arrivent : la masse silencieuse supporte l’insupportable jusqu’à explosion. Qu’on n’oublie pas trop vite les émeutes dites de la faim : il avait suffit d’un petit rien pour qu’éclate la poudrière dans une propagation incontrôlée et difficilement contrôlable !

      Qui veut et va sauver le Burkina de ses démons ?

  • Le 5 janvier 2010 à 10:51, par Icare En réponse à : L’urgence d’un sursaut judiciaire

    Sur un plan journalistique, votre article fini en queue de poisson alors que vous aviez bien commencé....

    Sinon, et sur le fond, ce peuple n’a que la justice qu’il mérite : celle des gens couchés et applatis de peur et de manque d’initiatives.

    Bonne année à tous, particulièrement à ceux qui prennent encore le risque de dire haut et fort ce que tous savent et taisent !

    Ad multos anos !

  • Le 6 janvier 2010 à 00:09 En réponse à : L’urgence d’un sursaut judiciaire

    MERCI Monsieur VOKOUMA JOACHIM

    Pour cette analyse de la situation.... vous êtes sur le bon chemin.

    Car dans le cas D’espèce concernant Idrissa Traoré ex président du conseil constitutionnel ( que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam) on sent une cabale et un complot.....que l’on arrive pas forcement à comprendre(mystère du pouvoir)

    Tous les journalistes pour le moment et cela sur plusieurs affaires du même type, ont oublié le sacrosaint principe de la vérification ( thèse-antithèse-synthèse)avant toute affirmation.

    Pour un Homme de son rang je sais tout simplement qu’il y a d’autre manière de puiser ou de se faire de l’argent et non pas prendre 57 millions sans justification.....

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