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50 ANS DES INDEPENDANCES AFRICAINES : Et si nous étions restés des DOM-TOM français ?

Publié le mardi 5 janvier 2010 à 03h12min

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1960-2010. Voilà cinquante années que 14 ex-colonies françaises de l’Afrique subsaharienne accédaient à leur indépendance vis-à-vis de la France. Un événement de taille, qui mérite bien une célébration de grande envergure. Pour ce pari, rien à craindre, l’ancienne métropole s’engagera de toutes ses forces aux côtés de ses 14 ex-colonies pour assurer le succès de l’événement. Pour en avoir pris l’initiative à travers Nicolas Sarkozy, la France ne ménagera pas sa peine ni ses billes !

Du reste, Jacques Toubon, ancien ministre français et secrétaire général de l’initiative du président français, l’homme chargé de co¬or¬don¬ner les dif¬fé¬rentes ini¬tia¬tives conçues dans le cadre de cette cé¬lé¬bra¬tion qui sera com¬mé¬mo¬rée aussi bien dans l’Hexagone que dans les pays afri¬cains, a déjà entamé ses rencontres avec les dirigeants des ex-colonies concernées. Bien entendu, on imagine déjà la joie de bon nombre d’entre eux d’être les invités spéciaux de Sarkozy aux fes¬ti¬vi¬tés mar¬quant l’anni¬ver¬saire de la Ré¬vo¬lu¬tion fran¬çaise. Le 14 juillet pro¬chain est en effet, d’une certaine façon, prévu pour couronner les manifestations de ce cinquantenaire de nos indépendances. Et une fois encore, la France restera dans son rôle de reine vers laquelle se ruera une colonie d’abeilles. C’est la France qui tiendra le rôle de chef d’orchestre du gigantesque boucan qui sonnera l’ap¬pro¬fon¬dis¬se¬ment et la mo¬der¬ni¬sa¬tion de ses re¬la¬tions avec ses 14 ex-colonies.

Comme quoi, elle aura beau chasser le naturel, son sens du paternalisme reviendra au galop !

Dans la plupart des pays d’Afrique francophone comme dans l’Hexagone, on déploiera le plus de pompe possible pour donner à ces festivités un cachet spécial. Mais au-delà des flonflons de la fête, quel bilan ces pays africains peuvent-ils tirer de leurs 50 années débarrassées du joug colonial ? Qu’en ont-ils fait ? Assurément, cet anniversaire devrait être une occasion d’introspection véritable pour ces ex-colonies françaises d’Afrique subsaharienne. Une introspection qui devrait, pour autant que ces pays veuillent vraiment regarder la vérité en face, les amener à mesurer toute l’étendue de leur échec sur pratiquement tous les plans : déficit démocratique criard alors que 2010 s’annonce comme une année charnière avec des élections à l’horizon ( Togo, Burkina Faso, Côte d’Ivoire probablement, etc.) ; regain d’instabilité sur fond de coups d’Etat atypiques et sophistiqués, décollage économique toujours introuvable, etc.

Bref, en l’espace de cinq décennies, l’Afrique francophone n’aura que très peu avancé dans sa marche vers le développement et le progrès. Il n’y a rien d’étonnant à cela, la démocratie étant un précieux limon pour le développement. Pour d’aucuns, l’an 2010 sera celui de tous les enjeux dans les pays d’Afrique francophone dont les chefs d’Etat solliciteront encore les suffrages des électeurs. Mais de quels enjeux parle-t-on ? A l’évidence, tous autant qu’ils sont, sont assurés de reprendre leur chose, "leur ceinture" qu’ils ont remise en jeu, dans leur combat de boxe où le sort de l’adversaire est déjà connu : le K.O. Tout cela parce que David n’aura pas disposé de moyens conséquents pour affronter efficacement Goliath.

Face à des élections aux issues presque toujours connues, on en vient finalement à se demander à quoi servent véritablement ces scrutins, surtout quand ceux-ci se tiennent dans des pays où les ressources font déjà défaut et parmi lesquels certains peinent parfois à boucler leur budget.

Dans tous les cas, la France de Mitterrand voulait des élections. Et bien, ses ex-colonies se mettront toujours à l’oeuvre ..., à travers des mascarades qui ont achevé d’ensevelir le discours de la Baule. Un discours qui n’est plus aujourd’hui que vague réminiscence ! Dieu seul sait pourtant si ce célèbre discours aurait pu être pour ces anciennes colonies françaises, une réelle occasion de rompre ses chaînes ankylosantes qui les maintiennent dans l’immobilisme. Autre chance historique que ces pays du pré-carré français ont eu tort de laisser filer entre les doigts : les grands ensembles communautaires comme l’AOF (Afrique occidentale française) et l’AEF (Afrique équatoriale française). Ces Etats seraient toujours dans le giron français que leur peuple ne serait pas aujourd’hui à qualifier ces indépendances de grosse arnaque !

Au moins, leur statut de DOM-TOM aurait eu le mérite d’être clair, avec, en prime, tous les privilèges et avantages qu’un tel statut procure. Sans doute leur appartenance à la France aurait-elle aussi évité à ces ex-colonies d’offrir la triste image de pays où les somptuosités de la capitale déparent avec les réalités misérabilistes qui s’offrent en spectacle à seulement quelques kilomètres à l’entour. Et si tous ces 14 pays étaient restés des DOM-TOM (Départements et territoires d’outre-mer) ? Cette question n’est pas dénuée de sens, tant les pays du pré-carré français donnent l’impression d’avoir "dîné" les acquis de leurs cinq décennies d’indépendance.

Une victoire de Jean-Marie Le Pen aux élections françaises aurait aussi été une chance inouïe pour le continent noir francophone. Face à l’adversité générée par "l’obstacle" Le Pen, l’Afrique aurait été certainement amenée à s’assumer.

Quoi qu’on dise, le continent ne se développera jamais tant qu’il restera accroché aux basques de la France, et qu’il continuera à évoluer dans l’unique giron de la francophonie. Rompre en douceur le cordon ombilical avec l’ancienne métropole, c’est de cela que l’Afrique dans sa sphère francophone a besoin. Mais pour cela, il faudra beaucoup de courage de la part de nos chefs d’Etat. La célèbre boutade du président défunt Omar Ondimba Bongo, selon laquelle "la France sans l’Afrique, c’est une voiture sans carburant, et l’Afrique sans la France, c’est la voiture sans le chauffeur" doit appartenir au passé. Tout comme doit être révolue l’époque où le choix des partenaires économiques est imposé par la France. Le Rwanda a eu le courage de rompre les amarres, il ne s’en porte pas plus mal. Alors, pourquoi pas Ouagadougou, Yaoundé, Lomé, Libreville et autres ?

Evidemment, cette rupture ne sera jamais encouragée par la France. Il est peu probable également qu’elle vienne des dirigeants africains dont beaucoup se sont jusque-là comportés comme des gérants par procuration des intérêts français, en contrepartie de la stabilité de leur pouvoir et de la préservation de leur fauteuil. Cette rupture doit venir de l’Afrique elle-même, qui doit enfin savoir ce qu’elle veut et prendre enfin son destin en main. L’indépendance qu’elle a toujours eu de jure, elle peut l’avoir de facto. A condition de faire ses choix, dussent-ils être douloureux, et de les assumer pleinement. Car l’indépendance d’un pays, c’est avant tout sa capacité à faire librement ses choix et de les assumer entièrement.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 5 janvier 2010 à 15:14, par N’dabi En réponse à : 50 ANS DES INDEPENDANCES AFRICAINES : Et si nous étions restés des DOM-TOM français ?

    Sur cet article , un point me retient l’attention. C’est concernant également l’utilité des élections dans nos pays soit disant"démocratique".
    A mon avis, il faudrait que l’on trouve des modèles de gestions efficaces pour nos pays, par des élections crédibles, où l’opposant et le ténor du pouvoir partent aux urnes à armes égales. Toutefois, si cela n’est que utopie, il serais sage d’utiliser cet argent destiné à la préparation des élections, aux multitudes de priorités qui ne manquent pas dans nos pays.

  • Le 5 janvier 2010 à 17:12, par wend waoga En réponse à : 50 ANS DES INDEPENDANCES AFRICAINES : Et si nous étions restés des DOM-TOM français ?

    Article très objectif,"Le Pays" ! Quand on voit ce qui se passe aujourd’hui en matière de Démocratie en Afrique francophone,on note une grande contradiction d’avec le fameux discours de Baune ! En effet,si tel est que l’Afrique s’est dépechée d’optempérer parceque la France a exigé qu’il y ait désormais des élections démocratiques,et rompre ainsi d’avec les coups d’états,elle (l’Afrique) n’est pas allée jusqu’au bout de cette obéissance ! On a meme souvent l’impression que cette désobéissance se fait sous le regard complaisant de cette meme France qui pour encourager les élections comme seule voie "légale" d’accession au pouvoir d’état,et aussi,comme seule voie pouvant ouvrir le chemin vers le décollage économique pour un dévéloppement effectif.Bref ! un discours venant d’une Nation-mère soucieuse du dévéloppement de ses enfants ! On aurait pu dire que par crainte de répression de la part de "Maman-France",les enfants se sont mis tout de suite au travail,et meme qu’ils auraient du avoir intéret à faire à fonds ce travail-là ! Mais à quoi assistons-nous par la suite ? Les élections tronquées font désormais objet de mode ! Le tripatouillage de la Constitution,une épidémie ! La patrimonialisation du pouvoir et autres corruptions,une Institution ! Tout ca sous le regard passif des institutions internationales et le regard complaisant de "Maman-France".Face à un tel spectacle,qu’est-on amené à penser ? Qu’on a enterré le cadavre et laissé ses pieds déhors ! Que ce discours de la Baune n’était rien d’autre qu’une farce. Quand on pense que ce discours a eu lieu aux lendemains de l’assassinat BARBARE du Capitaine Thomas Sankara qui pendant quatre années les a amenés à douter de la continuité de leur emprise sur l’Afrique,on a envie,suite à ce qui se passe aujourd’hui,que le discours de Baune n’était rien d’autre qu’un moyen de casser toute possibilité d’arrivée au pouvoir d’un africaniste aussi pur et dur que Sankara,Sékou Touré,Seyni Kountché etc. Cette fete des prétendues indépendances qu’organise la France est dans les normes des choses ! L’Afrique étant pour la France comme une mamelle sous laquelle elle a la bouche grand ouverte,et les dirigeants africains étant chargés de traire ce lait qui va directement dans cette bouche,elle est normal qu’une fete soit organisée entre complices ! Là où il y aurait comble,c’est quand les africains(les vrais !)eux-meme se sentiront concernés par cette fete-là !

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