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Litige foncier à Boulmiougou : Un ingénieur pédologue dénonce le comportement du maire

Publié le mardi 5 janvier 2010 à 03h11min

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Sami Ouattara a adressé plus de 25 lettres au maire sans la moindre réponse

L’affaire oppose M. Ouattara Sami, ingénieur pédologue à la retraite, à madame Séraphine Ouédraogo, maire de Boulmiougou. Le contentieux est parti d’un lotissement effectué en 1986. Propriétaire d’un terrain acquis en 1980 sur lequel il a réalisé des investissements d’une valeur de plus d’un million de nos francs non dévalués, Sami Ouattara dénonce les manœuvres de l’autorité municipale pour couvrir un deal mafieux opéré sur son terrain, en dépit de l’avis favorable émis par la commission d’attribution et des litiges, en sa séance du 25 juin 1999. Depuis, c’est un combat de David contre Goliath qu’il livre pour recouvrer ses droits.

Du courage et de la détermination, ce n’est pas ce qui manque à monsieur Sami Ouattara. Voici près de 30 ans qu’il se bat pour avoir sa propre maison et pour en finir avec les locations. En 1980, M. Kindo Youssouf, commerçant à Sankayaré, lui propose une cour bâtie à Nonssin. L’affaire est conclue à 700 000FCFA. L’acte de vente établi, M. Sami entreprend quelques aménagements en vue des lotissements. La cour est recensée sous le N°46/C.2.8. Quand en 1986 intervint enfin le lotissement, une partie du terrain de M. Sami est touchée par une voie. Toutefois, la maisonnette ainsi que l’essentiel du terrain se retrouvent dans la parcelle 11 du lot 15, section NKB. Le voisin immédiat de M. Ouattara, Hien Nazaire, alors député à l’Assemblée des députés fut au moment des opérations, attributaire de la parcelle où se trouvait sa maison. M. Ouattara par contre a la surprise d’apprendre que la parcelle où il a investi est attribuée à un mystérieux personnage.

Ce dernier, un taximan, répondrait au nom de Pamoussa Kaboré. Curieuse situation, d’autant que personne au sein de la commission d’attribution ne peut dire quand et comment cette attribution a eu lieu. Naturellement, M. Sami qui pense avoir des prétentions légitimes sur la parcelle saisit le comité révolutionnaire de son quartier pour tirer l’affaire au clair. Les responsables de cette structure adressent des convocations aux deux prétendants pour une séance d’explication. Le jour J. tout le monde est présent, à l’exception de Pamoussa. Deux autres convocations lui seront encore adressées sans succès. M. Sami qui ne lâche pas prise finira par obtenir sa comparution devant la commission d’attribution et des litiges. Cette rencontre qui a lieu le 3 octobre 1997 révèle des surprises : M. Kaboré ne connaît pas la parcelle qu’il dit lui appartenir. Il ignore qu’elle comporte par ailleurs une maison. Autre révélation, il affirme par ailleurs détenir une autre parcelle dans la section NL du même secteur 19. On se trouve donc face à une situation où la même personne est attributaire de deux parcelles dans le même secteur.

La première, n° 11, lot 08, section NL sous le nom de Kaboré Pamoussa, la deuxième, n° 11, lot 15, section NKB sous le nom de Kaboré T. Pamoussa en litige avec M. Ouattara Sami. Précisons que les documents d’attribution dont se prévaut M. Kaboré sont des papillons donnés par le comité révolutionnaire. Ils ne constituent pas des décisions effectives d’attribution.
Pour se faire une idée exacte de la parcelle querellée, la commission a souhaité s’y rendre. Rendez-vous est pris pour le 16 octobre. Le jour J. pendant que M. Sami accompagnés de ses témoins attendaient sur le terrain, c’est M. Hien Nazaire qui viendra leur apprendre que la visite a été reportée pour le 24 octobre. A ce nouveau rendez-vous, la commission n’était pas non plus présente. Mais entre les deux dates, il s’est passé des choses.

L’irruption d’un troisième larron

Au rendez-vous du 24 octobre, ce que M. Ouattara et ses témoins retrouvent est renversant : la maisonnette qui se trouvait dans sa cour a été détruite, une clôture en parpaings a été fraîchement érigée sur le pourtour de son terrain et des travaux sont en cours d’exécution sur la parcelle.

Pour accéder à ladite parcelle, il faut désormais passer par la propriété de M. Hien Nazaire. L’affaire prend une tournure inattendue.
Comment M. Hien, député de son état à l’époque des faits, parfaitement au courant des prétentions de M. Sami, peut-il se permettre d’user de voies de fait pour annexer un terrain litigieux ? Convoqué devant la commission, M Hien affirme qu’il a reçu l’autorisation de Wagodogo Naba de clôturer le terrain au nom de son petit frère Hien Nab Francis. Ce dernier, affirmait-il, avait été recensé, mais il n’a pas été bénéficiaire de parcelle. Curieux tout de même qu’un représentant du peuple dont la vocation consiste à édicter des normes use d’un tel procédé pour se faire attribuer une parcelle lotie. Il n’ignore pas les procédures d’attribution en vigueur et encore moins la situation du terrain en question. En effet, dès la première visite des lieux, M. Sami et l’ancien propriétaire du terrain lui avaient pourtant rendu une visite de courtoisie afin de l’informer de la transaction en cours.

M. Hien a suivi les différents travaux d’aménagement effectués par M. Sami, devenu son voisin. Mieux les deux hommes sont de la même région. Il ne peut donc pas invoquer l’excuse de l’ignorance. En ce qui concerne l’allégation imputée au Wagodogo Naba, ce dernier aurait de son vivant opposé devant témoins un démenti formel, arguant que les coutumiers ne gèrent que les non lotis. Et même si c’était le cas, on est surpris de ce comportement désinvolte de la part d’un élu du peuple. Si M. Nazaire a besoin de la parcelle pour agrandir la sienne, pourquoi ne pas le dire à M. Sami et lui proposer un marché ? En tout état de cause, la commission a déclaré à la rencontre, "nulles et de nul effet", les réalisations effectuées sur la parcelle par M. Nazaire. Elle a décidé en sa séance du 25 juin d’attribuer la parcelle à M. Ouattara Sami. Mais ce qu’elle ignorait ou feignait d’ignorer, c’est que derrière M. Hien, se trouvait madame le maire himself. Kaboré Pamoussa ne serait-il alors qu’un prête-nom, un intermédiaire pour effectuer un deal ?

Des indiscrétions obtenues auprès de certains membres de la commission ont dévoilé le fond de la manœuvre : M. Kaboré n’est en fait qu’un point de transit pour effectuer une opération illicite de vente. Du reste, Mme Hien, l’épouse de Nazaire, l’aurait confirmé en interpellant M. Sami qui tentait d’arrêter des ouvriers sur le terrain : "Arrêtez de les embêter parce que mon mari a acheté la parcelle à 3 millions", aurait-elle dit en substance. La version qui implique le Wagadogo Naba n’était-elle qu’un écran de fumée pour masquer l’opération souterraine concoctée de connivence avec l’autorité municipale ? Du reste, madame le maire aurait admis plus tard que c’est bien elle qui a procédé à l’attribution de la parcelle à M. Kaboré Pamoussa. Mais nombre d’observateurs se demandent où et quand ça s’est passé ? Ignorait-elle alors que M. Kaboré était déjà attributaire d’une autre parcelle ? N’était-elle pas au courant des prétentions légitimes de M. Ouattara Sami ? Il est vrai que de tels scrupules ne sont ressentis qu’entre gens de bonne foi. Malheureusement, ici les faits ne semblaient guère troubler grand monde. M. Sami a interpellé pas moins de 25 fois par courrier madame le maire sur la situation de la parcelle.

Il prenait soin quand c’est nécessaire d’en faire ampliation au maire central. Pourquoi donc madame le maire est-elle restée constamment muette ? Dans une correspondance datée du 19 octobre 1997 (elle a été alertée sur ce qui se passait sur la parcelle avant la date du 24 octobre, jour reprogrammé pour la visite), M. Sami Ouattara interpelle madame le maire sur ce qu’il appelle des "actes de vandalisme" perpétrés dans la parcelle. Il l’y invitait en particulier à prendre d’urgence les mesures suivantes : "l’arrêt des constructions, la réhabilitation de la maisonnette détruite, la vérification de l’existence éventuelle d’une structure parallèle qui s’est attribuée les prérogatives de la commission d’attribution et de règlement des litiges sur les parcelles". Malgré l’alerte, il n’y a pas la moindre réaction de la part de madame le maire. Le rendez-vous qui avait été pris par la commission sur le site de la parcelle n’a même pas été honoré. Faut-il rappeler qu’en sa qualité de maire, elle était la présidente de cette commission ! On peut donc penser que ce qui se passe est tout à fait délibéré.

Le recours au Premier ministre

Après avoir vainement tenté de faire entendre raison à l’autorité municipale, Sami Ouattara s’est tourné vers le Premier ministre Tertius Zongo, un recours intervenu après diverses démarches : la gendarmerie de Boulmiougou, pour faire cesser le trouble, le comité révolutionnaire, du temps où les structures populaires géraient les affaires de parcelles. Le responsable socio-économique du CR est cité par M. Sami comme témoin du parcours tortueux suivi par le dossier de 1985 à nos jours. L’arbitrage du maire central a été même sollicité ; mais manifestement la solidarité entre maires a prévalu. La saisine du Premier ministre se présentait donc comme le dernier recours.

Dans sa correspondance au Premier ministre datée du 4 septembre, M. Sami sollicite son intervention dans le but, dit-il, "d’éclairer une situation qui implique négativement les autorités municipales au plus haut niveau. Dans l’état actuel des choses, explique-t-il, il n’est pas exclu que des dossiers soient dissipés ou détruits au niveau de la mairie de Boulmiougou." En réponse à la lettre de M. Sami, le Premier ministre a instruit le ministre Clément Sawadogo de prendre "toutes dispositions appropriées" pour faire suite à la requête de M. Sami. Mais comme dispositions appropriées, ce dernier s’est contenté des explications du maire central au lieu de mener ses propres investigations. Ainsi le maire de Ouagadougou a prétendu que sur "instruction de l’autorité municipale, la commission de Règlement des litiges s’est déportée sur les lieux pour vérifier sur place et n’a trouvé aucun élément de justification de sa propriété."

Et pourtant, un constat d’huissier a été établi dès le 8 décembre 1997 suite aux actes de vandalisme commis par M. Hien, lequel a servi de fondement à l’assignation en paiement de dommages et intérêts contre M. Hien Nazaire. L’affaire est même passée en jugement le 28 décembre 2005. L’action intentée par Monsieur Ouattara Sami avait été reçue en la forme par le tribunal et déclarée bien fondée quand au fond. C’est la preuve qu’il y avait bel et bien sur la parcelle des éléments de nature à justifier une propriété. Nazaire Hien a été par conséquent condamné à rembourser les frais engagés par M. Ouattara. Mais le jugement portait sur le préjudice et non sur la question de la propriété, nœud du contentieux qui oppose M. Ouattara à la maire de Boulmiougou. Il suffisait donc d’un peu d’effort pour connaître la vérité. Mais hélas, on a préféré soigner des rapports de coterie plutôt que de rechercher la vérité des faits. C’est bien dommage. Ce que souhaitait pourtant M. Ouattara, c’est un contrôle impartial suite à sa plainte qui comporte des témoignages éloquents. Affaire à suivre.

Par Germain B. Nama

L’Événement

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Vos commentaires

  • Le 5 janvier 2010 à 10:38, par Nampoga En réponse à : Litige foncier à Boulmiougou : Un ingénieur pédologue dénonce le comportement du maire

    Cette dame est un véritable danger pour le système qui ignore ou feint d’ignorer sa ’’nocivité’’. Elle est couverte par son grand patron Simon Compaoré, sinon on a du mal à comprendre que, malgré toutes ces plaintes contre elle, elle continue de bénéficier de la confiance de l’autorité communale. Il faut que le Premier ministre insiste pour faire toute la lumière sur cette affaire. Pour moins que ça, Fatimata Legma a été ’’lâchée’’. Séraphine traîne beaucoup de casseroles.Il ne faut pas que ses actes effritent l’autorité de l’État au lieu de l’asseoir. Il ne faut pas que le citoyen ait l’impression que l’État l’abandonne entre les mains de ses commis prédateurs. Cette affaire doit être pour Séraphine comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

  • Le 5 janvier 2010 à 16:07, par N’dabi En réponse à : Litige foncier à Boulmiougou : Un ingénieur pédologue dénonce le comportement du maire

    Je ne la connait pas personnellement,cependant, il semblerait qu’elle traine beaucoup de casseroles derrière elle.
    Si les choses vont ainsi au Faso, force serait de reconnaitre que ça ira de mal en pis, et cela va causer de sérieux préjudice pour les honnête citoyens lambdas de notre pays.

  • Le 5 janvier 2010 à 19:42, par Yanis En réponse à : Litige foncier à Boulmiougou : Un ingénieur pédologue dénonce le comportement du maire

    Mais nom de Dieu où est la cour des comptes ? Où se trouve la haute autorité de lutte contre la corruption ? Et le controleur général. Au nom de Dieu sauvez nous. S’il vous plait messieurs les grands types il y a lontemps que le nom de Séraphine est chanté dans beaucoup de dossiers sales. Au moins allez y jetter un coup de et dites nous LA VERITE. Si elle est fautive et que vous ne pouvez pas la juger au moins mettez la à l’écart de la mairie.

    Quels repères êtes vous entrain de laisser à nous vos enfants ?

    J’ai peur pour le Burkina de demain. J’ai peur que demain mon fils me mette un pistolet à la tempe pour avoir de quoi aller corrompre quelqu’un pour avoir un boulot.

    Sauvez-nous s’il vous plait messieurs les dirigeants.

  • Le 5 janvier 2010 à 22:08 En réponse à : Litige foncier à Boulmiougou : Un ingénieur pédologue dénonce le comportement du maire

    Mme le maire de boulmiougou ne merite vraiment pas sa place atuelle.elle l`a deja prouve mainte fois.

  • Le 7 janvier 2010 à 19:57 En réponse à : Litige foncier à Boulmiougou : Un ingénieur pédologue dénonce le comportement du maire

    C’est vraiment dommage que cette dame continue de pillier la population sans que l’Etat ne puisse l’arrêter. Des dossiers de parcelles sales, il y en a à la mairie de Boulmiougou en témoigne les documents d’attribution rejetés plusieurs fois par l’hotel de finance pour mauvais traitement (nombre de bénéficiaires supérieur au nombre de parcelles, dossiers non compréhensibles et confus...)
    Vraiment, nous sommes très fatigué de Séraphine et demandons au Premier Ministre d’ouvrir l’oeil sur les nouveaux lotissements notament celle de Soonré, de Zongo et autres.

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