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Recentrer la lutte contre la drogue

Publié le jeudi 31 décembre 2009 à 00h09min

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La drogue et l’alcool (frelaté ou pas, c’est du pareil au même), mettent à rude épreuve l’aptitude de la société burkinabè à résoudre le mal-être qu’elle engendre autrement que par l’intolérance et l’indifférence. Inaction, frustration, anxiété, isolement, recherche du plaisir, carences affectives, manque d’autorité parentale (séparation des couples), les raisons d’aller à la drogue ne manquent pas.

Dans ce contexte de la recherche d’un monde halluciné qui attire et fascine, les perspectives d’enrichissement facile et rapide font que ce trafic est devenu une activité florissante.

Il y a Ouagadougou avec sa célèbre avenue Kwamé N’Krumah où la drogue, l’alcool et les stupéfiants commencent à circuler, la nuit. Dans des sacs de filles de joie, du fond de la poche d’un dealer ou dans les coffres de voitures luxueuses. Kwamé N’Krumah était un peu l’avenue Jonckey à Cotonou au Bénin ou la rue princesse à Abidjan en Côte d’Ivoire.

Les trafiquants utilisent les filles de joie pour voiler leur activité derrière un autre trafic, cette fois humain : la prostitution. De nos jours, avec le phénomène (coupé décalé) et l’ouverture des maquis réputés dans ce genre musical, la plus belle avenue de Ouagadougou a perdu son monopole d’antan. On observe que les dealers ont adopté des animateurs (DJ) de maquis comme relais préférés et ces lieux-temples de réjouissances, sont devenus presque des paradis pour les revendeurs.

Le plus inquiétant est qu’à y voir de près c’est tout le territoire national qui se trouve envahi et déstabilisé par des substances psychotropes, des faux stimulants et autres faux médicaments de la rue. Des 45 provinces du pays, aucune n’échappe à ce péril.

La toxicomanie la plus répandue au Faso reste ce mélange explosif, fait d’alcool frelaté et de comprimés (amphétamines, barbituriques), destiné à accroître les capacités physiques. Journaliers, ouvriers, fonctionnaires angoissés, chauffeurs routiers ou de taxis, élèves et étudiants en période d’examens, paysans en partance aux champs ; ils sont nombreux à consommer ces stimulants. Dès qu’il y a accoutumance, les doses se multiplient. Les populations estiment que “si un comprimé leur fait du bien”, avec trois “c’est encore mieux”.

Cette situation n’est pourtant pas le fait du hasard. Après plus d’une décennie de mise en œuvre du programme d’ajustement structurel, la pauvreté persiste, l’activité industrielle recule pendant que l’endettement du pays semble se pérenniser. On assiste à l’effondrement du prix du coton et à la hausse de celui du pétrole. Sans oublier, ces derniers temps qui sont durs à cause de la hausse vertigineuse des prix de denrées de première nécessité. Riz, maïs, mil, lait.

Ouagadougou la capitale se gonfle avec son lot de misères, d’ennuis et de violences. Bobo-Dioulasso la seconde ville, appelée à tort capitale économique, réclame de la part des autorités plus d’égard. Quel terrain peut être plus fertile à la drogue et à l’alcool qu’un pays en proie à l’exode rural, à la regression du tissu social et du contrôle familial à mesure que progresse le désœuvrement ? Même diplômée la jeunesse se met à croire en des valeurs malpropres.

Officiellement, la lutte anti-drogue paraît comme un souci majeur des gouvernements qui se sont succédé depuis. Or, que constate-t-on ? Il faut un coup de malchance ou être lâché par les siens pour tomber dans les filets des agents de police ou de gendarmerie au Burkina Faso. On fume des “joints” à moins de cinquante mètres de nos commissariats.

Aux alentours des salles de cinéma (Tampouy, Wemtenga) des repris de justices vendent ces drogues et ces médicaments de la rue. N’importe quel nouveau venu du village fait de ce commerce, sa première activité. La lutte anti-drogue au Faso ressemble fort à une plaisanterie malsaine qui ferait rire si on ne pensait pas aux nombreuses victimes. C’est pourquoi, on est enclin à ne voir que connivence et à douter de la volonté des autorités à enrayer ce mal.

La société elle-même reste inconsciemment latente face à ce défi. Déjà en 1990, une enquête du Dr Christian Brule révélait qu’au Burkina, sur 37 élèves de la classe de 5e (12 à 14 ans), 27 enfants avaient déjà fait l’expérience de la drogue et 90 enfants de la rue sur 100 absorbaient des amphétamines ou inhalaient de la colle. Les drogues circulent au Burkina dans des conditions de sécurité quasi absolues.

Ce trafic présente toutes les caractéristiques du crime organisé transnational. Il est transfrontalier, requiert la participation de plusieurs groupes et implique plusieurs nationalités. Depuis le Mali, le Ghana, le Nigeria (via le Bénin) la drogue fait l’objet d’une ventilation avec le concours des routiers et de divers fraudeurs.

Il faudra que les autorités intensifient la lutte contre la drogue, les stupéfiants et l’alcool frelaté, sinon le Faso de demain risque d’être dangereux pour tous. Il y va de l’avenir des cinquante pour cent de notre population qui s’avère avoir moins de trente cinq ans mais aussi de celui de toute une nation qui n’aspire qu’à vivre dans un environnement sain.

Tabyam Abdoul Salam OUEDRAOGO (tabyam@hotmail.com)

Sidwaya

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