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Editorial de Sidwaya : Dieu est grand « kamba* »

Publié le lundi 28 décembre 2009 à 00h39min

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Ibrahiman Sakandé, DG des Editions Sidwaya

« Paraître ou disparaître ! » En ces termes pourrait se résumer une nouvelle servitude volontaire et collective à laquelle nous nous soumettons chaque jour un peu plus, surtout en cette période de l’année.

Le Burkinabè des villes et des campagnes, à l’exemple de tous les citoyens de ce monde, veut marquer le coup : s’habiller autrement et en mieux, manger et boire autre chose qui soit meilleure au menu quotidien, être coiffé de la coiffure qu’aucun être humain, ni aucun esprit céleste, "n’a jamais coiffé !" Comme nous, nous acceptons de gré ou de force, que nos enfants gaspillent un peu. Pour leur plaisir et notre fierté.

Chatoyants sapins de Noël chargés de cadeaux, tenues de fête brodées ou griffées, mets rares et chers, gadgets dignes des petits princes des contes de fée, etc. Ainsi essaie de paraître une minorité de Burkinabè. Ceux d’en haut.

Rien ne coûte aussi cher que ce besoin de paraître, qui révèle si bien ce qu’il prétend cacher : le malaise d’avoir à "faire" au-dessus de nos moyens, et parfois à côté de notre propre philosophie de la vie. Nous avançons happés par le moment présent qui est, lui-même, happé par le moment précédent ; et ainsi de suite jusqu’à ce que nous devenions les enfants de notre propre avidité.

De l’autre côté du rideau, il y a un autre décor et une autre scène. On y suspend tout, ou presque, à l’espoir. "Papa, je veux un vélo comme celui d’Ahmed. Jaune et démontable. Et n’oublie pas les chaussures que tu m’as promises." Le papa écoute. Il ne lève pas le regard. Seulement, il s’occupe à mettre les boutons de sa chemise. Comme l’enfant ne parle plus, il lui faut bien une réponse : "Dieu est grand, tu auras un vélo jaune, démontable, comme celui d’Ahmed."

Dans la cour voisine : "Maman, je veux une robe, un bracelet, du parfum, une jupe avec beaucoup de fleurs et le petit Jésus assis au milieu. Et puis, je veux de petits souliers roses, des boucles d’oreilles roses, « beaucoup, beaucoup » de ballons roses..." La maman aide son intarissable interlocutrice à mettre un point à sa liste de doléances et ajoute : "Dieu est grand, le Père Noël a pris bonne note…"

Un peu plus loin, rue Zangoloma : "Tonton, je veux inviter Carine, Caroline, Pascaline, Eveline, Jocelyne..." Tonton se tire habilement d’affaire : "Fiston, il y a trop de "line" dans ta liste. Corrige-la et on verra, Dieu est grand !"

Autre lieu, autre décor. Avenue Kwamé N’krumah. Devant un écran géant, une ribambelle de gamins tuent le temps à suivre l’épisode d’un feuilleton. L’un parle, en mots orduriers, de la beauté de l’actrice principale. L’autre n’a d’yeux que pour les voitures de luxe comme celles que seuls les feuilletons savent en faire voir. Le troisième sanctionne chaque belle villa qu’il voit, paradoxalement, par un juron des plus blasphématoires qui soient.

A une heure avancée de la nuit, « la grappe d’enfants » se disperse. Ils ne forment plus que des groupes de deux, trois au maximum, qui se dirigent vers des caniveaux, entre autres gîtes de fortune, pour y passer la nuit. Leur sort ressemble étrangement à celui du personnage- clé de Noël, Jésus, qui serait lui aussi né dans une crèche.

Comment ces enfants passeront-ils toutes ces fêtes de fin d’année ? Que vont-ils manger ? Avec quel vêtement défier le froid du mois de décembre ? Dieu est grand ! Ainsi, apprennent à disparaître un pan de nos compatriotes.

- kamba signifie en langue nationale moore enfants.

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 28 décembre 2009 à 05:25 En réponse à : Editorial de Sidwaya : Dieu est grand « kamba* »

    Et qui se soucie alors du sort de ces enfants dormant dans des caniveaux ? Personne biensur ! Eh oui ! Paradoxalement, on est tellement aveugles par notre nombrilisme que notre seule et unique préoccupation, demeure nous et nous seulement ! Quel triste spectacle en ces derniers jours de l’année, moments d’introspection, de remise en question de nos actions tout au long de l’année, et donc de prise de résolutions visant a nous parfaire au cours de l’année nouvelle qui se profile a l’horizon ?
    Certes, il est vrai qu’il est quasiment impossible de mettre un terme définitif au triste spectacle des enfants de rue ! Mais on peut au moins faire en sorte, comme en occident, de leur trouver gîtes et couverts ne serait-ce que pour cette période de froid. A défaut d’étendre cette action tout au long de l’année, on peut au moins soulager ces enfants de rue pendant cette période particulierement difficile de l’année. Ce n’est pas suffisant, certes. Ça ne résous pas la problématique des enfants de rue, mais ça le mérite de leur signifier qu’on n’est pas indifférents a leur condition. Cette piste de réflexion mérite, a mon avis, qu’on s’y penche quelque peu. Merci de votre attention.

  • Le 28 décembre 2009 à 09:28 En réponse à : Editorial de Sidwaya : Dieu est grand « kamba* »

    Vraiment je ne comprends pas que "ça là" soit un éditorial. C’est un constat et vous n’en donnez aucune appréciation comme s’il s’agissait là d’une information ? Où est votre ligne ?
    Sans vous demander de faire comme les autres, je propose que vos éditoriaux soient au moins des analyses où il y une introduction, un développemnt et une conclusion qui ouvre sur une perspective ou un proposition de conduite.
    Pour le cas présent je pourrais résumer votre édito comme suit : Pour les fêtes de fins d’années, chacun veut l’extraordinaire, offre ou promet l’impossible et les pauvres restent à l’écart. Tous le reste n’est que bourage. Si vous n’avez pas le temps à l’édito confiez le à un collègue, mais de grâce celà n’est point digne du DG de SIDWAYA.

  • Le 28 décembre 2009 à 11:19, par yda En réponse à : Editorial de Sidwaya : Dieu est grand « kamba* »

    bonjour.c’est assez paradoxal, la société dans laquelle nous vivons. mais il semble bien que la symbolique de la fête pousse bien des personnes à dépenser au-delà de la normale en ces périodes festives...pour les enfants de la rue, il faut le reconnaitre la situation est simplement triste. Mais rappelle toute l’injustice du monde dans lequel nous vivons où nous participons tous par nos actes à aggraver ce malaise dans notre pays..certes l’État, dans sa fonction sociale pourrait apporter un soutien substantiel à ces enfants mais en principe cela ne devrait pas dégager de notre part de responsabilité. Plus que des actes de charité ponctuels et dérisoires, nous devons tous regarder chez le voisin d’à coté et faire le choix d’être un soutien constant. mais il nous faudra mener bataille contre nos "ma...","mes...",qui ne sont que des manifestations de l’égoïsme.salut !

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