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MINISTERE DE L’ACTION SOCIALE : On attend toujours l’indemnité spéciale

Publié le lundi 21 décembre 2009 à 00h32min

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Selon l’auteur de cette lettre ouverte au Premier ministre, les agents du ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale attendent toujours l’indemnité spéciale de permanence ou d’accueil.

Excellence Monsieur le Premier ministre,

Un collègue vous suggérait en 2007 d’organiser un forum sur le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale. En attendant de revenir sur des éléments qui fondent sa suggestion, nous ferons une fois de plus l’analyse du caractère atypique d’une indemnité aussi vieille que le XXIe siècle et qui, malheureusement, est toujours au stade de notions aléatoires.

Excellence Monsieur le Premier ministre,

A l’image du rônier qui n’offre pas l’ombre à ceux qui s’abritent sous lui, le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale a été incapable de fournir des arguments entrant dans le cadre de l’application du décret n°2001-397/PRES/PM/MEF/MFPDI du 13 août 2001. Ledit décret octroie une indemnité spéciale de permanence ou d’accueil aux travailleurs sociaux des catégories A et B en poste dans les structures déconcentrées où il n’existe pas de structures d’accueil notamment en son article 26. Nos souvenirs nous font penser que vous avez été signataire dudit décret en qualité de ministre des Finances.

C’est cela qui n’a pas été maitrisé puisque le 20 novembre 2002, le ministre des Finances et du Budget adressait une correspondance au ministre en charge de l’action sociale sous le N°2002- 2147/MFB/SG/ DGB/DSO. Elle sera reçue par le destinataire à travers son cabinet le 21 novembre 2002 sous le n°077/CAB et sera par la suite transmise au secrétariat général le 21 novembre 2002 sous le numéro 2571 qui parviendra plus tard à la Direction des ressources humaines (DRH) par courrier arrivé n°1100. Dans ladite correspondance le ministre des Finances et du Budget a été on ne peut plus clair : « Par la présente, je voudrais rappeler l’esprit dans lequel les négociations gouvernement – syndicats se sont déroulées pour aboutir à une régie indemnitaire dont l’incidence financière assez lourde a dû être étalée sur 5 ans. En effet, ces négociations ont permis d’examiner un certain nombre de requêtes et d’accorder une suite favorable à certains sur la base de conditions arrêtées en commun et de simulations préalables. Les libellés de chaque disposition ont été discutés et convenus d’accord-partie.

Il n’est pas convenable qu’au moment de l’application, des remises en cause profondes surviennent. Pour me permettre d’examiner avec diligence ce projet d’arrêté et d’y apposer ma signature, je vous prie Madame le Ministre, de bien vouloir réexaminer les listes proposées à la lumière de l’article 26 et me faire part de vos observations ou d’y donner la suite qui convient ». Sans commentaire ! L’histoire se chargera un jour de nous situer. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ? Nous le saurons un jour. On ne triche pas avec un principe. Puis vint le décret n°2005-570/PRES/PM/MFB/MFPRE du 24 novembre 2005 qui reste d’ailleurs avec les termes du décret précédent. Une circulaire même datée du 13 janvier 2006 avec le n°2006 – 00017 émanant du secrétariat général du ministère de l’Action sociale sommait les directeurs régionaux de faire parvenir les listes des agents bénéficiaires au plus tard le 31 janvier 2006. Là encore, mystère. C’était la première fois que la résolution de la question semblait se préciser et nous nous rappelons que certains collègues avaient tellement cru qu’ils ont pris certains engagements qui ont vite tourné au vinaigre.

"Ecrire jusqu’au sang de nos doigts"

Excellence Monsieur le Premier ministre,

Se sentant dans une salle d’attente où ils n’attendent plus rien, des cris du cœur vont se multiplier. Mais ils ne seront jamais entendus. Mais nous nous sommes affiliés à cette philosophie qui soutient que « si vous donnez des coups de pied à une montagne, c’est vrai que vous ne pourrez pas la faire bouger mais vous pouvez au moins l’obliger à rire moins du temps à cause de l’érosion ». Ce n’est pas parce que nos cris du cœur ne sont pas entendus là où on souhaite que nous allons croiser les bras. Nous nous sommes fixé ce devoir dans une de nos correspondances d’écrire jusqu’au sang de nos doigts. Dans cette quête pour la résolution de cette question atypique nous le répétons, un collègue a saisi le Médiateur du Faso par une réclamation en date 02 août 2007. Par note n°2007 618/MADIA-FA/SG/DAGI du 10 octobre 2007, le Médiateur du Faso répondra en ne s’écartant pas de la démarche du ministère des Finances et du Budget. Morceaux choisis : « Aussi, au regard de tout ce qui précède, je vous invite à refaire une autre demande à l’adresse du ministre des Finances et du Budget en y joignant seulement la liste des agents devant vraiment bénéficier de cette indemnité ».

Excellence Monsieur le Premier ministre,

Comme il n’est pas souhaitable d’être dans une position où on vous fait laver vos mains et d’attendre un repas qui ne viendra jamais ! La dernière démarche a été celle de deux honorables députés visiblement touchés par cette situation digne de la mythologie grecque à la manière de Sisyphe. Il s’agit des honorables Fancani Niquiébo et Ly Bassirou Kormedji qui vous ont adressé une question orale. C’est le ministre de la Santé qui viendra apporter votre « réponse ». A l’image de celui qui embrasse pour mieux étouffer, elle laissait songeur. « Toutefois, nous tenons à rassurer la représentation nationale que les mesures idoines seront prises en vue de poursuivre et d’achever le traitement de ce dossier conformément aux dispositions règlementaires en vigueur, concluait-il ». Paradoxalement, d’arides arguments sont avancés dans certains milieux pour justifier l’hideuse posture de la situation mais ils sont d’une pertinence douteuse au regard de l’inaction qui a tourné à plein régime faisant de l’apologie de la démission une règle de conduite.

Excellence Monsieur le Premier ministre,

La question qui revient dans les collectivités est la suivante : « Pourquoi les travailleurs sociaux n’ont pas d’indemnités compensatrices face aux différentes obligations qu’ils rencontrent ? » Nous ne faisons pas cas de cette observation par subjectivisme. Nous croyons et pensons très sincèrement qu’en dehors de la mauvaise foi, nos autorités en savent plus sur la délicatesse du travail social. On peut guérir un corps physique ponctuellement et attendre le prochain mal. Mais on ne remet pas en bon état une âme en détresse aussi facilement. Une âme en peine ne saurait voler au secours d’une quelconque situation. Pour rendre l’homme meilleur, il faut d’abord le rendre heureux, nous rappelait en substance Jean Jacques Rousseau. Pour se sacrifier, il faut un minimum sinon cela devient du suicide. D’aucuns nous ont jeté à la figure que nos « gesticulations » dans la presse n’y feront rien et resteront comme un coup d’épée dans l’eau car le ministère suscité n’est pas un ministère d’indemnités et que la « seule » situation de l’indemnité ne peut justifier une inaction administrative. Nous n’avons pas voulu tenir compte de tels propos car nous jugeons qu’ils n’ont pas la valeur d’un bon niveau de raisonnement. On discrédite avec des propos mais on raisonne avec des arguments. Bref, avec votre permission Excellence, nous allons refermer cette parenthèse.

Excellence Monsieur le Premier ministre,

De mémoire de Burkinabè, aucune institution ministérielle n’a fermé autant ses yeux sur les questions sociales de ses travailleurs avec un tel aveu d’impuissance face à une disposition aussi claire. L’argument qui explique le blocage de la situation par le fait qu’on ait exclu Bobo-Dioulasso et Ouagadougou ainsi que les agents des catégories C doit être repensé. Dans une logique de principe, les cas situationnels ne sont plus intellectuels.

Aujourd’hui, le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale a tous les arguments pour que l’indemnité suscitée s’étende à l’ensemble des travailleurs sociaux à moins qu’il existe une mauvaise volonté manifeste quelque part. Mais en attendant, la disposition actuelle doit être appliquée. C’est une question de principe. La loi ou la règlementation est l’expression de l’extinction de nos individualités pour que nous puissions nous reconnaître dans le principe de leur application. Ce qui fait qu’on ne triche pas avec les principes. Aujourd’hui par exemple, même si on construit une structure d’accueil devant chaque domicile, les travailleurs sociaux devraient bénéficier de leurs indemnités sinon plus. Pourquoi ? On ne vous apprend rien en disant que la question sociale est une question intrinsèquement humaine, donc permanente. La dimension que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a donnée à la santé humaine en évoquant le « bien-être physique, mental et social » devrait nous interpeller à ne pas être indifférents face aux préoccupations sociales.

Cette permanence de la question humaine commande une disponibilité permanente de l’homme en général et du travailleur social en particulier car « spécialiste de l’humain, de la science de l’homme au sens plein du terme » pour reprendre une formule chère à Mc Blondel. Dans le même ordre d’idées, nous dirons qu’une situation sociale ne prévient pas. Contrairement à la conception du commun des Burkinabè, ne fait pas du travail social qui veut, mais qui peut le faire, qui est habilité à le faire. Un sac de riz à un sinistré n’est pas du travail social, c’est un présent. Pour continuer dans cette logique énoncée tantôt, il est illusoire de croire qu’un travailleur social a des heures légales de service. Il est aussi incorrect de croire que le travailleur social peut séparer son domicile de son service. Le seul fait d’être travailleur social fait de votre domicile une annexe du service social. C’est une logique et il sera intrinsèquement pervers et professionnellement diabolique d’enjamber un bébé abandonné ou de chasser de chez soi une âme en détresse qui n’a que seul repère votre domicile. C’est une réalité même si certaines visions en nient l’évidence. On ne peut pas régler une question sociale chrono à la main. On ne peut pas reporter une question sociale comme qui le ferait de la signature d’un document.

"Un manque d’organisation au MASSN"

Excellence Monsieur le Premier ministre,

Notre modeste personne ne saurait épuiser le bien-fondé de l’indemnité en question. Seulement, les travailleurs sociaux souhaiteraient être situés. Ou ils en bénéficient et on la leur octroie, ou ils n’en ont pas droit et on leur signifie ce refus. C’est un principe républicain et l’écart abyssal qui sépare le petit citoyen que nous sommes et le sommet de l’Exécutif que vous représentez fait que nous ne pouvons rien vous apprendre, mais juste vous rappeler. C’est naturel tout de même. Quand on a sa viande sur du feu, on se doit de surveiller la hauteur des flammes. Au-delà même de la question indemnitaire, la posture du ministère n’est guère enviable. Il suffit de suivre les budgets alloués annuellement au département et on reste sans parole. Ce n’est pas nous seulement qui le disons. Même le décret n°2007-480/PRES/PM/ MASSN portant adoption du document de politique nationale d’action sociale et le texte joint en annexe précise ceci : « Même croissantes, les dotations budgétaires demeurent faibles au regard des besoins et de l’ampleur des tâches à accomplir… ». Un seul exemple de cette situation contraint à l’indignation. En effet, les inspecteurs d’éducation de jeunes enfants sont contraints chaque année de cotiser pour organiser leurs conférences pédagogiques annuelles.

Excellence Monsieur le Premier ministre,

Vous conviendrez avec nous du haut de votre haute responsabilité qu’il manque une vraie organisation au niveau du département de l’Action sociale. Naturellement, là où il n’y a pas d’organisation, il faut un miracle pour réussir au grand dam du « Progrès continu pour une société d’espérance » cher au président du Faso. Nous constatons que nous sommes des agneaux immolés sur l’autel impitoyable de quelques loups qui se sont fait un pelage d’agneau pour dévorer les vrais agneaux. Mais quel espoir peut encore habiter les travailleurs sociaux ? La réponse ne peut que se trouver au niveau de votre haute responsabilité. Les travailleurs sociaux voudraient vraiment pour une fois la connaître. Lors d’une visite aux Editions "Le Pays" le vendredi 11 janvier 2008 vous aviez avancé une vision bien réaliste. En effet, vous aviez affirmé qu’on ne peut pas aider quelqu’un si on le tient à distance. Et qu’il faille reconnaître les mérites de ceux qui font un bon travail que cela plaise ou pas.

Vous aviez poursuivi en disant ceci : « Mon rôle est de partager mes convictions qui sont notamment qu’il faut mettre l’homme au centre de tout. Mais quand on le fait, il faut se préoccuper de sa dignité, il faut faire en sorte qu’il soit libre, qu’il ne se sente pas injustement brimé, que demain soit meilleur pour lui. Mais on ne peut pas le faire quand il y a la loi du fort sur le faible (…) ». Et vous continuez en disant que « c’est la mise en place d’un cadre, de mécanismes, de procédures qui fera en sorte que celui qui veut faire la force se rende compte qu’il ne peut plus le faire… ». Justement, il nous manque ce mécanisme au département de l’Action sociale et de la Solidarité nationale et c’est pour cela que l’organisation d’un forum est nécessaire. Du reste, on a coutume de dire que dans une maison, si les batteurs de mil se cachent mutuellement les poils de leurs aisselles, le mil ne sera jamais propre. Au demeurant, nous restons convaincus qu’avec votre concours quelques préoccupations des travailleurs sociaux seront examinées.

Excellence Monsieur le Premier ministre,

Nous avons exercé un devoir citoyen et nous vous remercions au passage de nous permettre de nous soumettre à un tel exercice au nom des dispositions républicaines. D’aucuns nous couvrent de tous les péchés de l’univers et il n’est pas exclu que nous essuyons quelques foudres ne serait-ce qu’en paroles. Mais l’essentiel pour nous demeure l’appréciation que vous en ferez. La poubelle de l’histoire se chargera de recueillir et de ranger les humeurs individuelles. La République est à ce prix. Que le Tout-Puissant en qui avez foi, guide vos orientations et vous assiste en tout.

Excellence Monsieur le Premier ministre,

Veuillez croire à l’expression de notre très haute considération et de notre profond respect.

Yacouba OUEDRAOGO Elève inspecteur d’éducation de jeunes enfants Ecole des cadres supérieurs en travail social / Ouagadougou

Le Pays

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