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Fistules obstétricales : 100 cas recensés en trois mois au Sahel

Publié le vendredi 18 décembre 2009 à 02h16min

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Le Sahel, au Burkina est la région où il y a une grande prévalence de cas de fistules : cent cas recensés en trois mois. Constat à Dori, à Gorom-Gorom, sur le dépistage et la prise en charge médicale d’une lésion liée le plus souvent à l’accouchement provoquant une incontinence plus chronique où la femme est incapable de contrôler l’écoulement de ses urines et/ou de ses excréments.

Quand on parle de femme "gâtée" ou maudite dans la région sanitaire du Sahel, n’allez pas chercher loin, il s’agit d’une femme victime de fistules obstétricales. La fistule est un orifice ou canal anormal donnant passage de façon continue, à un produit physiologique (urine, matière fécale) ou pathologique (pus).

La femme victime de fistules obstétricales est incapable de contrôler l’écoulement de ses urines et excréments. Elle a une communication anormale entre le vagin et la voie urinaire. Elle est toujours mouillée d’urine et dans le pire des cas, abandonnée dans la nature. La dépression due au rejet par la société fait que certaines deviennent folles. Grâce à la sensibilisation, les mentalités évoluent.

La maladie est en train d’être démystifiée. Aussi, le projet Fistule installé au Centre hospitalier régional (CHR) de Dori offre une prise en charge médicale gratuite. La porte d’entrée pour le recrutement est le centre d’accueil provisoire du projet Fistule sis à l’intérieur du CHR.

Selon le chirurgien du projet Fistule, Moussa Guiro, le centre d’accueil permet de résoudre le problème de manque de tuteur, mais aussi de faire un bilan de santé des patientes. La plupart des patientes arrivent au centre multiinfectées et malnutries. Et, c’est au niveau de ce centre qu’elles sont récupérées, au plan nutritionnel, avant la programmation pour l’intervention. A la date du 14 décembre dernier, 14 patientes avec chacune, un accompagnant, y séjournaient. La capacité d’accueil est de 23 patientes.

Le souhait du docteur est d’avoir un centre d’accueil d’au moins 50 places, afin de mieux les suivre et de les préparer aux interventions. Assise à côté de ses co-pensionnaires sous l’ombre des murs et des arbres, Fadima Hassane est une habituée du coin. Elle a déjà subi une première intervention. Mais, elle a toujours des fuites d’urines. Elle y est revenue pour une réparation. Auparavant, cette femme, aujourd’hui âgée de 49 ans, traitait son mal avec des médicaments traditionnels. Isolée et abandonnée par son mari, elle a souffert pendant 29 ans de la fistule.

En attendant la réparation, Mme Fadima est déjà une femme qui a retrouvé sa dignité et n’a pas honte de parler de son passé. A côté d’elle, Gabarou Fadima, mariée à l’âge de 17 ans, aujourd’hui âgée de 22 ans, est un peu plus chanceuse. Elle a, à ses côtés, son mari Dori Hama Biagame, il veille sur sa première femme au CHR de Dori.

"Tout a commencé après son accouchement par césarienne. Chaque fois, elle était mouillée. Au début, je pensais que c’est une malédiction. Mais avec les sensibilisations, je me suis rendu compte que c’est une maladie comme les autres et je me suis décidé à l’aider dans les soins...", raconte M. Hama. Gabarou Fadima est convoquée au bloc pour des examens.

Et le mari faisait des va-et-vient en attendant impatiemment la sortie de son épouse. Un bel exemple qui devrait faire réfléchir beaucoup d’hommes qui, au lieu de soutenir leur femme à vaincre la fistule, préfèrent simplement l’accuser de tous les noms d’oiseau pour après, l’abandonner.

Sahel, une zone de prédilection

La région sanitaire du Sahel est celle qui enregistre plus de cas de fistules. Les statistiques indiquent qu’en trois mois, une centaine de fistules a été recensée. Il est attendu plus de 1000 cas pour l’année. Les raisons avancées sont diverses. Il s’agit entre autres, du faible taux d’accouchements assistés, des médicaments, du mariage précoce et des pratiques traditionnelles néfastes.

Dans cette région, accoucher seule est un acte de bravoure, c’est une honte de crier, de pleurer lors du travail et pour éviter cela, la femme accouche de sa première grossesse, chez ses parents biologiques. Or dans la majorité des cas, la fistule résulte d’un accouchement bloqué pendant plusieurs jours sans qu’une intervention ne soit effectuée.

Face à l’ampleur du phénomène dans cette région, le ministère de la Santé et ses partenaires (coopération luxembourgeoise, OMS, UNICEF, Family care international, UNFPA...) ont mis en place le projet lutte contre les fistules. Il s’exécute dans les quatre districts sanitaires du Sahel (Djibo, Dori, Gorom-Gorom et Sebba).

Le projet a une durée de 3 ans avec un coût total de trois (3) millions d’euros. A moins d’un an d’existence, les résultats sont satisfaisants. Soixante-huit (68) malades opérées dont 60 complètement guéries et intégrées dans leur famille.

Selon M. Guiro, quatre femmes opérées présentent toujours des petites fuites. Quatre autres ont des fistules complexes. Ces dernières avaient été opérées plusieurs fois par des ONG. "Après l’examen, on s’est rendu compte qu’il était difficile de réparer ces fistules, donc on leur a proposé une dérivation, une autre technique qui fait en sorte qu’elles ne vont plus se mouiller. Elles pourront aller aux lieux publics, marché, baptêmes, mariages.

On est à 67% de succès immédiat et quand les autres seront corrigées, on atteindrait 95% de succès", a indiqué le chirurgien. En outre, les difficultés du projet se résument au manque de matériel, de bloc et de site d’accueil propre au projet. Malgré tout, le projet aidé par les associations fait son petit bonhomme de chemin.

Le dépistage, l’organisation de l’accès aux soins et la réinsertion sociale des femmes victimes de fistules obstétricales sont assurés par des associations locales recrutées par Family care international.

Restaurer l’espoir

A Dori comme à Gorom-Gorom, l’association Kholesmen et Cellal Rewbe vont de village en village pour sensibiliser les populations aux Fistules obstétricales (FO). Elles identifient les femmes suspectes de FO. Elles les orientent au CSPS le plus proche. Ensuite, elles sont conduites au CHR pour une confirmation et éventuellement, une prise en charge médicale. Les femmes dépistées positives sont régulièrement suivies.

Après traitement (2 à 3 semaines), les femmes opérées sont raccompagnées par les membres des associations dans leur famille d’origine. Les associations leur donnent un soutien affectif, social et économique. Le volet économique n’est pas totalement mis en branle. Toutefois, il est prévu des micro-crédits de 100 mille F CFA aux femmes guéries de la FO afin qu’elles puissent mener des Activités génératrices de revenus (AGR).

Les AGR sont regroupées en trois volets : embouche bovine, ovine, petit commerce et tissage de nattes. Pour la présidente de l’association Kholesmen, Hama Aïssata Diallo, les micro-crédits seront octroyés après avoir formé les femmes aux notions de gestion. La fistule est curable. La chirurgie réparatoire peut faire disparaître la légion subie.

Les présidentes de l’association Kholesmen (Dori), Hama Aïssata Diallo et de Cellal Rewbé (Gorom-Gorom) invitent les femmes atteintes de fistules dans la région du Sahel, à se faire recruter, afin de bénéficier gratuitement d’une prise en charge médicale.

Boureima SANGA

Sidwaya

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