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SOMMET FRANCE-AFRIQUE : Le choix réaliste de Moubarak

Publié le jeudi 17 décembre 2009 à 00h37min

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Omar El-Béchir

Sacré Omar El-Béchir ! A cause de lui, il n’y aura pas la grand-messe franco-africaine en février 2010 dans la ville balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh. Ces retrouvailles bisannuelles se tiendront finalement en France probablement en mai prochain. C’est ce qui a été décidé le 14 décembre dernier à l’occasion de la visite du président Moubarak dans l’Hexagone. Pour éviter que le président soudanais ne se retrouve donc à la Conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique, la patrie des droits de l’Homme a préféré l’organiser chez elle avec la certitude que le président persona non grata n’osera pas y mettre les pieds.

Ou s’il s’hasarde, ce serait à ses risques et périls. C’est finalement l’alternative qui s’est offerte à la France vu qu’apparemment El-Béchir est résolu à participer à cette grand-messe. Or, il est sous le coup d’un mandat d’arrêt lancé en son encontre en mars dernier par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Darfour.

Et il se trouve que la France ne veut pas que le président soudanais vienne à cette rencontre et reparte tranquillement. Dans le même temps, elle sait aussi qu’elle ne doit pas trop compter sur les pays africains y compris l’Egypte pour exécuter ce mandat. En effet, la plupart des chefs d’Etat ont fait chorus derrière leur homologue soudanais au sein de l’Union africaine pour dénoncer le mandat d’arrêt en question et, par conséquent, soutenir celui qu’il vise. Fort de ce soutien, Omar El-Béchir se permettait de voyager sur le continent sans jamais en être inquiété. C’est ainsi qu’il s’est rendu par exemple chez ses voisins égyptiens et éthiopiens ; des déplacements qui avaient été qualifiés à l’époque de sauts de puce. La Conférence France-Afrique se tenant en Afrique et, de surcroît dans un pays voisin du Soudan, Omar El-Béchir ne pouvait pas manquer un tel rendez-vous sauf cas de force majeure. Aussi le président égyptien aura-t-il du mal à justifier une non- invitation de son homologue même si ce dernier est devenu un pestiféré, notamment pour l’Occident depuis ce fameux mois de mars 2009.

Au nom du bon voisinage, des liens socioéconomiques très forts entre les deux pays, de la solidarité arabe doublée de celle du syndicat des chefs d’Etat, Hosni Moubarak a préféré donc refiler le sommet à la France. Un choix réaliste en somme pour ne pas sacrifier autant de valeurs. Beaucoup de chefs d’Etat africains, dans cette situation, auraient sans doute adopté la même attitude. C’est d’ailleurs ce qui explique que la France ait récupéré son sommet plutôt que de le confier à un autre pays africain pour respecter l’organisation alternée de ces sommets en Afrique et en France. En tout état de cause, on voit mal un pays africain qui accepterait d’accueillir le sommet sans vraiment être mal à l’aise vis-à-vis du cas El- Béchir. Même ceux qui n’ont pas ratifié les statuts de Rome seront gênés aux entournures de mettre au ban des Etats, à la demande de la France, un président à qui l’Union africaine apporte son soutien dans une affaire de mandat d’arrêt international.

Jusque-là Omar El-Béchir nous avait habitués à danser pour narguer la CPI, à voyager comme si de rien n’était ou bien à annuler, au dernier moment, un déplacement à un sommet (pour des raisons d’emploi de temps chargé) comme ce fut le cas à Abuja, fin octobre dernier. C’est la première fois que la participation d’un chef d’Etat à un sommet est prétexte à sa relocalisation. Des chefs d’Etat africains mis au ban ont déjà tenu à participer à un sommet sans que cela provoque un report ou une relocalisation. On se rappelle le président zimbabwéen, Robert Mugabe, froidement reçu lors d’une de ces grand-messes par Jacques Chirac. Le cas El-Béchir constitue donc un casse-tête diplomatique qui ne manquera pas de prendre en otage d’autres grandes rencontres à venir, du moins celles qui se tiendront sur le continent africain, tant qu’une solution ne sera pas trouvée.

Par Séni DABO

Le Pays

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