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Enseignement primaire : Le ministère de l’enseignement de base chante faux

Publié le mardi 15 décembre 2009 à 02h14min

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Selon l’article 6 de la loi d’orientation de l’éducation, l’enseignement de base public est gratuit. " La gratuité exclut le versement d’une somme quelconque au titre des frais d’inscription et ce, tout au long de la période de scolarisation obligatoire ". Et pour parfaire, depuis quelques années l’Etat a pris sur lui l’engagement de distribuer gratuitement les manuels et fournitures scolaires dans les écoles primaires. De telles initiatives devraient être saluées et encouragées mais la réalité du terrain désenchante plus d’un comme à Kokologo.

Kokologo 40 Km de Ouagadougou sur l’axe Ouagadougou-Bobo Dioulasso. Dans cette commune rurale de la province de Boulkiemdé, l’inspection de l’enseignement de base de la localité couvre 23 écoles publiques et 4 écoles privées. Une floraison d’écoles primaires qui à première vue donnent des motifs de satisfaction. Mais en s’intéressant aux conditions dans lesquelles élèves et enseignants exercent leur devoir, le doute envahit l’esprit quant aux rendements que ces acteurs peuvent fournir et les belles paroles des autorités en charge de l’enseignement de base. Ce mardi 1er décembre, donc vers la fin du premier trimestre, les élèves attendent toujours leurs fournitures scolaires promises par l’Etat.
A l’école publique Kokologo A, on se débrouille en attendant ces fournitures indispensables aux élèves pour apprendre et aux enseignants pour transmettre les cours. Et pourtant, il faut bien commencer les cours. Selon la directrice, Mme Kaboré Hawa : " Ce sont les parents qui se sont débrouillés pour acheter le minimum pour qu’on puisse commencer ".
A cette difficulté, il faut ajouter le manque de manuels scolaires et les effectifs pléthoriques qui ne facilitent pas le travail des enseignants.

15 livres de lecture pour 100 élèves

Mme Yaméogo Georgette, tient la classe de CP2 de 100 élèves. " Il y a le manque de livre de lecture. Avec 100 élèves je n’ai que 15 livres de lecture. Les élèves ne peuvent donc pas s’exercer hors des classes ", se désole t-elle.
En plus " il y a le manque de tables-bancs qui fait que les élèves sont assis à 4 voire 5 sur une table-banc ". Pendant les compositions, la brave enseignante est obligée de scinder la classe en deux pour mieux évaluer les élèves. Pendant que le premier groupe compose, le second attend son tour.

Dans une classe d’examen comme le CM2, les difficultés sont énormes au point qu’on en vient à se demander si les résultats de fin d’année peuvent être satisfaisants. Korogo Ahmed enseignant de la classe de CM2 nous égrène son désarroi avec ses 76 élèves : "Ce que je vois comme difficultés c’est que le MEBA fait des dotations de boîtes de craies dont l’origine nous paraît douteuse ; surtout les boîtes de craie nommé Tutto blanco. Sur ces boîtes, il est mentionné que les enfants de moins de 3 ans ne doivent pas les utiliser. Et on ne sait pas quelles conséquences cela pourrait avoir sur nous.

L’année dernière, il y a eu des boîtes de craie qui sont venues du MEBA. Quand nous utilisons ces craies, elles glissent sur le tableau.
Cette année, le ministre a affirmé que les kits scolaires ont déjà été fournis. Et jusqu’à présent, les élèves n’ont reçu aucun cahier, aucun bic.
Un autre problème c’est le passage automatique dans les sous-cycles. Maintenant, on laisse un élève du CM1 qui a 1/10 de moyenne de passer au CM2. Et au CM2 on nous demande un bon pourcentage de réussite aux examens. C’est compliquer. Le programme d’enseignement au CM2 est vaste à tel point qu’on ne peut pas finir le programme si on ne prend pas en compte tous les jeudi et les jours fériés. Il arrive que pour finir on soit obligé de faire deux séances à la fois".

La faute au décaissement tardif des fonds

A l’inspection de l’enseignement de base de Kokologo, Ouédraogo David, gestionnaire des ressources humaines et financières, nous fera savoir que les manuels scolaires ont été reçus courant octobre et distribués dans les écoles.
Cependant, il y a un manque de livres de géographie. Le problème serait vécu sur l’ensemble du territoire national parce que c’est ce qui reste d’un ancien stock qui a été distribué. " Au niveau des livres d’histoire, nous avons reçu la moitié de ce que nous avons demandé " dira-t-il. En ce qui concerne les fournitures scolaires, il faut dire qu’ils sont constitués de 18 éléments (cahiers, bics, règle…). Sur ces 18 éléments, 12 ont été reçus le 14 novembre dernier.

Les éléments manquants : les cahiers de dessin, les équerres, les bics rouges et verts, les crayons de couleur, les protèges cahiers. L’heure est donc à la répartition de ces éléments dans les différentes écoles. Qu’est-ce qui pourrait expliquer ces retards ? Réponse de M. Ouédraogo : " Le gestionnaire de la DPEBA nous a dit que c’est indépendamment de leur volonté, puisque ce n’est pas eux qui débloquent les fonds. Ils attendent que ces fonds soient reversés dans les comptes des DPEBA. Selon lui l’argent est débloqué tardivement". Le cas de Kokologo n’est pas isolé c’est la réalité des écoles publiques du Faso loin de la capitale. Les élèves ont perdu un trimestre sans leurs fournitures et manuels solaires au complet. Que peut-on dire ? Sinon qu’un trimestre perdu ne peut plus se rattraper et le niveau des élèves va en pâtir. Les enseignants ont beau être braves, patriotes, intègres, dans les conditions qu’ils vivent, il est difficile de faire un bon rendement.

Le gouvernement a pris l’engagement de distribuer gratuitement les fournitures et manuels scolaires. Nul ne l’a obligé. Il s’agit d’une politique que les autorités politiques ont adoptée pour booster l’éducation scolaire. Alors pourquoi ces retards et les problèmes pédagogiques que les enseignants rencontrent dans leur tâche ? L’éducation scolaire est un secteur crucial pour le devenir d’une nation. D’ailleurs c’est ce facteur qui a joué sur le classement du Burkina à la 177ème place sur 182 pays de l’Indice du développement humain 2009.
Gratuité de l’éducation, des fournitures et manuels scolaires ne sont que de belles paroles pour contenter les partenaires techniques et financiers qui financent l’éducation des fils d’un Etat qui se dit souverain. L’éducation scolaire va de mal en pis et il faut un sursaut salvateur.

Par Bamogo Jean Paul

Bendré

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