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ROBERT ZONGO, FRERE DE NORBERT ZONGO : "Tout a été planifié"

Publié le jeudi 10 décembre 2009 à 00h55min

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Le 13 décembre prochain, cela fera 11 ans que le journaliste Norbert Zongo et trois de ses compagnons d’infortune ont été assassinés à Sapouy. A cette occasion, nous avons rencontré Robert Zongo, un des frères du journaliste, avec qui nous avons abordé plusieurs points relatifs à l’assassinat de son frère.

"Le Pays" : Comment avez-vous appris la nouvelle de l’assassinat de votre frère le 13 décembre 1998 ?

Robert Zongo (RZ) : On a une nièce qui aime écouter souvent la radio un peu tardivement. C’est elle qui a écouté le communiqué le 13 décembre 1998 qui disait qu’on a retrouvé un véhicule brûlant en donnant l’immatriculation. C’est suite à ce communiqué qu’elle a réveillé son père en lui disant qu’il s’agit du véhicule de son tonton. C’est pour dire simplement que la famille a appris la nouvelle comme tout le monde. Le lendemain, c’est-à-dire le 14 décembre, nous sommes allés sur les lieux et nous avons constaté l’horreur. Ça a été vraiment fait par des professionnels. Je me rappelle que quand l’expert en balistique est venu me retrouver au campement, il m’a dit : « Zongo, je peux te dire une chose, ce qui est sûr, c’est que ton frère n’a pas souffert ».

En se référant au rapport de la commission d’enquête, il y avait d’abord un véhicule d’éclairage puisque ce même véhicule a rationné notre guide de chasse, un expatrié, pensant que Norbert s’y trouvait. Mais comme il n’y était pas, on lui a dit de fermer sa bouche sinon… Il y avait aussi un véhicule dans lequel se trouvaient les exécutants et un autre pour venir constater les faits. Ce 14 décembre, toutes les lignes téléphoniques de Sapouy étaient interrompues. C’est pour vous dire que tout a été planifié et n’a donc pas été fait au hasard. On ne peut pas qualifier les événements du 13 décembre 1998. Norbert se sentait en danger et il en parlait. Même si c’était son destin, c’est qu’ils l’ont forcé. Quand on se rappelle le 13 décembre 1998, c’est comme si c’était hier.

Comment se passe le 13 décembre en famille ?

Nous n’avons pas de manifestation spécifique. Nous faisons une veillée de prières chaque 12 décembre en mémoire de Norbert Zongo. Nous demandons aussi souvent des messes d’actions de grâce dans les différentes paroisses et églises pour le repos de son âme. Mais nous souhaitons que dans les années à venir qu’on puisse nous soulager en faisant la lumière sur cette affaire afin qu’on puisse faire une messe de requiem en sa mémoire.

Depuis la disparition tragique de votre frère, comment vivez-vous en famille quand on sait que Norbert était un pilier de la famille sur le plan financier ?

Norbert avait posé des gages pour sa famille. Mais il faut reconnaître que la famille n’était pas aussi nantie. Chacun se débrouillait à sa façon et nous continuons de le faire toujours. Pour ses ayants droit, Norbert avait eu la lucidité de réaliser une zone de chasse et cela profite énormément à sa famille. Il y a aussi son journal qui l’appuie toujours.

Comment avez-vous accueilli le non-lieu prononcé en faveur de Marcel Kafando qui était l’unique inculpé dans l’affaire ?

Leur non-lieu, c’est leur non-lieu. Je me dis qu’avec ou sans eux, il y aura une justice pour Norbert Zongo. Si vous remarquez, tous ceux qui ont été de près ou de loin impliqués dans ce dossier ont eu une promotion. C’est comme si le fait de dire la vérité ou le droit est un délit. Il est incompréhensible que des gens puissent s’asseoir sur un dossier et soient promus à des postes. Nous, nous ne considérons pas ce non-lieu. Quand ils disent qu’il faut de nouveaux témoignages et qu’un Robert Ménard vienne les faire travailler un dimanche, c’est pour dire que quand on parle du dossier Norbert Zongo, il y a panique. Alors qu’il n’y a pas lieu de paniquer. Quelqu’un a posé un acte, qu’il l’assume. Nous attendons toujours. La justice doit se prononcer sur le dossier Norbert Zongo.

Sur quoi repose votre espoir pour la réouverture du dossier ?

Je vous donne un exemple banal. On voit actuellement des gens comme Jhon Demyanhuy (NDLR : un ancien nazi) qu’on trimbale sur des brancards pour qu’il soit jugé. Donc, ce ne sont pas des hommes bien portants ou qui sont dans des fauteuils roulants qui ne vont pas répondre. Il y a des gens qui peuvent vous retracer les évènements du 13 décembre 1998 à un millimètre près mais ils se sont cloîtrés parce qu’ils ont peur que ce qui est arrivé à Norbert ne leur arrive aussi. Mais nous pensons qu’un jour, la conscience de quelqu’un va le gronder et il va se défouler. Nous gardons donc espoir. Norbert lui-même peut se rendre justice et c’est ce que les gens ne comprennent pas. Nous sommes tous des humains et nous sommes pressés sinon la vérité va jaillir un jour. Qu’est-ce qu’un individu gagnerait à assassiner froidement quelqu’un et aller s’asseoir ? Ce n’est pas certainement avec eux qu’il faut parler de conscience car certains l’ont perdue il y a longtemps.

Comment appréciez-vous les luttes engagées par les différents mouvements de droits de l’homme ?

Parlant des mouvements, c’est le Collectif contre l’impunité que je vois. Des gens se sont mobilisés spontanément pour dire non à ce qui est arrivé. Le travail que le Collectif a abattu et continue d’abattre est énorme et il faut s’en féliciter. Nous sommes derrière le Collectif pour que la lumière jaillisse sur l’affaire Norbert Zongo. Vous avez une mère qui attend qu’on lui dise ce qui est arrivé à son fils. Elle dit souvent qu’elle préfère mourir pour aller vivre avec son fils que d’être sur terre. Elle veut simplement savoir la vérité et il suffit de lui dire : « Maman, voici ce qui est arrivé à votre fils et nous demandons pardon ».

Il y a eu une Journée nationale de pardon qui a été organisée et qui a rassemblé les familles de certaines victimes. Comment cela s’est passé à votre niveau ?

On ne nous a pas approchés en tant que tel. Avec le système utilisé, je n’appelle pas cela une journée de pardon mais plutôt une kermesse. Cette journée ne nous a pas concernés. En son temps, nous avons posé des préalables. On leur a dit que nous voulons savoir exactement ce qui est arrivé le 13 décembre 1998. Si on nous dit la vérité, on peut par exemple faire les funérailles de notre frère ou demander des messes de requiem pour le repos de son âme étant donné qu’il est l’aîné de la famille. Mais ne sachant pas ce qui lui est arrivé, on ne peut pas aller dans un stade pour un pardon. D’ailleurs, un pardon ne se demande pas dans un stade. Pour qu’il y ait le pardon, les fautifs doivent d’abord se dénoncer.

Si des gens étaient venus vous voir, leur auriez-vous accordé le pardon ?

Si des gens étaient venus nous dire la vérité comme nous le demandions, le pardon serait accordé. Si aujourd’hui des gens viennent nous dire voici ce qui est arrivé à votre frère, c’est un tel qui a fait telle chose et nous demandons pardon, en tant qu’humains, nous ne pouvons que nous plier au noble respect d’un pardon parce que nous savons maintenant ce qui est arrivé à notre frère. C’est dans ce sens que nous pouvons accepter le pardon car en ce moment nos cœurs sont apaisés. Mais si nous ne connaissons pas ceux qui ont posé l’acte ni les commanditaires, on pardonnera à qui ?

Depuis le 13 décembre 1998, est-ce que la vie d’un autre membre de la famille a été menacée ou continue de l’être ?

Non pas du tout. Je me dis qu’ils ne sont pas assez fous pour faire cela quand bien même ce qui est arrivé à Norbert est horrible.

Est-ce que vous avez déjà reçu des émissaires pour vous amener à comprendre les évènements du 13 décembre 1998 ?

A mon niveau non. Je n’ai pas encore été contacté par quelque moyen que ce soit. La famille est ouverte. Si on envoie un émissaire pour nous dire ce qui est arrivé à notre frère, nous allons le recevoir à bras ouverts. Mais si c’est pour venir nous dire d’accepter le pardon tout simplement, cela ne marchera pas. Déjà, ils connaissent la position de la famille. Si on veut nous envoyer des gens, c’est pour qu’ils nous disent la vérité. Pour terminer, je demande aux gens de rester toujours mobilisés derrière le Collectif pour que la vérité jaillisse un jour car ce qui est arrivé à Norbert peut arriver à n’importe qui. Mais que Norbert soit le dernier rempart qu’on ait tué et brûlé. On ne peut pas les empêcher de tuer car ils ont l’art de le faire et ils tueront, mais que ce ne soit pas avec barbarie parce que tout ce qui est mort est maléfique. Que chaque Burkinabè quand il sort, que sa famille n’ait pas à s’inquiéter s’il va revenir ou pas. Les gens souhaitent vivre dans la quiétude et dans la paix.

Propos recueillis par Dabadi ZOUMBARA

Le Pays

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