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Burkina Faso : L’hôpital face aux défis du XXIe siècle !

Publié le jeudi 3 décembre 2009 à 01h20min

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Le Burkina Faso est réparti en treize (13) régions administratives où sont localisés un ou plusieurs centres hospitaliers sauf au niveau des régions du Plateau central et du Centre-Sud. Ces centres, appuyés par les autres formations sanitaires publiques ou privées servent une population de plus 14 359 000 d’habitants dont 80 % vivent en milieu rural avec l’agriculture et l’élevage comme sources de revenus. Alors, le PIB/habitant est de 1 130 $US (PPP International $) et 56,7 % des habitants vivent avec moins de 1,25 $US par jour pendant que 81,2% vivent avec moins de 2 $US par jour [World Bank, 2008].

En 2009, le budget de la santé représente 6,4% du PIB avec des dépenses de santé et de médicaments essentiellement supportées par les ménages, soit par paiement direct dans le secteur privé, soit à travers des mécanismes de recouvrement des coûts dans le secteur public.

Une étude réalisée par la Banque mondiale et l’OMS en 2007 permet de comprendre que les ménages à travers ce paiement direct réalisent des dépenses catastrophiques lorsqu’ils sont face à la maladie. Ces ménages, surtout les pauvres (81 % de la population totale), sont exposés à un risque d’appauvrissement supplémentaire, parfois dramatique du fait qu’ils doivent largement supporter le coût de la prise en charge supérieur à leur capacité à payer [WHO, 2007].

Le début du 21e siècle est marqué par la démocratisation du pays, les électeurs présentant une exigence croissante d’amélioration des prestations des services de santé. La place du médicament et le développement d’un centre hospitalier performant se présentent comme un défi incontournable pour les élus. Cette performance est l’un des premiers indicateurs du niveau de développement global du pays.

Surtout que « nous ne pourrons construire l’avenir économique sans garantir à chacun une meilleure santé » [Clinton B & Gore A, 1992]. Alors, dès 2010, l’hôpital burkinabè sera au cœur du débat politique à cause des échéances électorales. La question est la suivante : quel hôpital voulons-nous avoir pour notre sécurité, celle de nos enfants, nos amis et parents proches ?

Notre système de santé est "un système qui inclut toutes les activités dont le but essentiel est de promouvoir, restaurer ou entretenir la meilleure santé" [OMS, 2000]. Son objectif à travers la réforme hospitalière est de rendre ce secteur plus performant et de lui permettre de mieux situer ses droits, ses obligations et ses responsabilités vis-à-vis des institutions et des malades. Malheureusement à nos jours, l’hôpital burkinabé fait face à une réalité que tous les électeurs connaissent.

Sur les douze centres hospitaliers, seulement deux ont un ratio budget produits pharmaceutiques sur budget total supérieur à 20 %. La disponibilité moyenne des médicaments essentiels sélectionnés sur la base des directives nationales de prise en charge des maladies prioritaires est de 77%. Des médicaments d’urgence hospitalière comme la sulfate de magnésium solution injectable ne sont pas disponibles.

La dispensation, acte pharmaceutique par excellence, est difficilement réalisable car les pharmaciens sont confrontés à des intérêts individuels divergents. Pourtant, si elle est bien faite, cette dispensation, surtout celle nominative au lit du malade (DNI), permet d’éviter l’usage irrationnel et les fuites de produits pharmaceutiques, d’assurer la distribution journalière des quantités correspondantes à des traitements de vingt-quatre heures prescrits aux malades, de lutter contre les iatrogénies, de réduire les dépenses hospitalières et d’améliorer la qualité des soins [Gritton A.C, 2006].

La création et l’opérationnalisation des Comités du médicament permettront de mettre en place cette DNI. Le but de ces comités est d’assurer aux patients le bénéfice d’une meilleure qualité de soins au meilleur rapport coût-efficacité (efficience), en déterminant quels seront les médicaments et dispositifs médicaux de qualité disponibles, à quel coût, et de quelle façon ils seront utilisés. Il supervise, contrôle et suit la qualité de gestion des médicaments sur tout son circuit hospitalier.

Ce début de 21e siècle est un défi pour l’hôpital où les soins pharmaceutiques regroupant tous les actes pharmaceutiques allant des acquisitions à l’observance du traitement, les vigilances et la veille sanitaire, pilier incontournable pour l’atteinte des objectifs d’efficience, d’équité sont jusqu’à nos jours pratiquement non réalisables.

Si le secteur pharmaceutique hospitalier se développait, la réalisation des soins de qualité, accessibles, équitables et efficients pour les malades serait assurée. Les "médicaments essentiels qui répondent aux besoins de santé prioritaires de la population,..." seront disponibles [OMS, 2003]. Les nouveaux défis comme ces soins pharmaceutiques dont le but essentiel est d’optimaliser la qualité de vie du malade en ce qui concerne sa santé et d’obtenir des résultats cliniques positifs seront relevés [FIP, 1998].

La « gouvernance pharmaceutique dont le but est de juguler la corruption dans le secteur pharmaceutique public par l’application de procédures administratives transparentes et la promotion de pratiques éthiques, par les professionnels de santé » sera établie [OMS, 2007].

L’Etat est alors face à ce défi, car il ne pourra développer ce secteur pharmaceutique hospitalier sans la création d’une pharmacie centrale des hôpitaux qui est un grossiste hospitalier qui met en œuvre la politique en matière d’équipements et de produits de santé. C’est avec lui que les médicaments que l’on peut qualifier "d’orphelins" peuvent être disponibles dans les centres hospitaliers [AGEPS, 2009].

En ces débuts du 21e siècle, l’Etat fait face à lui-même devant les problèmes des hôpitaux. Le système actuel d’établissement public est-il performant ? Faut-il créer des régies de recettes et des régies d’avances pour les pharmacies des hôpitaux ? [MEF, 2008]. Que faire avec un budget annuel hospitalier à deux sens opposés d’exécution ? Une première direction dont la ligne concerne les exercices clos avec les engagements antérieurs et une autre direction opposée à cette première dont la ligne concerne les exercices de l’année en cours pour les achats comme les produits pharmaceutiques.

La mise en place d’une politique économique à l’hôpital qui recherche l’efficience et l’équité d’accès aux soins de qualité constitue une priorité fondamentale. La faiblesse de ressources impose l’efficience qui constitue la meilleure option qui, tenant compte des ressources engagées, génère le plus de bienfaits en maximisant le rendement de l’allocation. Comme 80% d’entre nous ont moins de 2 $US/jour, l’équité est la seule option la plus méritoire qui assure la plus juste répartition des bienfaits en maximisant les effets distributifs de l’allocation.

En développant la DNI, chaque centre hospitalier est sur le meilleur chemin pour atteindre ces deux objectifs malgré l’étroitesse du budget. Comme le disait Amartya SEN, notre pauvreté n’est plus une raison de notre mauvaise santé.

En conclusion, ces débuts de 21e siècle, surtout l’année 2010, présentent des défis à relever pour le secteur pharmaceutique hospitalier car de toutes les sphères de l’activité économique, les problèmes comme l’accès aux produits pharmaceutiques à l’hôpital n’ont pas toujours assez de ressources allouées pour leurs résolutions.

Il faudra faire des choix qui conduisent à l’efficience et à l’équité d’accès dont la définition d’une liste de produits pharmaceutiques essentiels et l’élaboration de protocole thérapeutique par service clinique qui répondent aux besoins de santé prioritaires des patients. Ces produits sont sélectionnés sur différents critères dont leur intérêt pour la santé publique, leur efficacité, leur innocuité avérés et les comparaisons coût/efficacité (efficience de la prise en charge thérapeutique).

Chaque citoyen a ses responsabilités engagées pour que les centres hospitaliers deviennent performants. C’est le moment pour les élus (députés, maires et autres leaders politiques) d’avoir des actions formidables car ils seront sanctionnés tôt ou tard par les électeurs à partir des indicateurs de cette performance.
Notre pauvreté n’est plus une raison de notre mauvaise santé !

Dr Saouadogo H. Christian : Pharmacien, MPH (Email : christdonaldh@yahoo.co.uk)


Références

1. Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS). Mieux nous connaître. Les services généraux. Paris, 2009

2. Clinton B, Gore A. Putting people first. Tomes Books, New-York,. 1992 : P19-22

3. Fédération internationale pharmaceutique. Déclaration sur les normes professionnelles. Les soins pharmaceutiques. La Haye. 1998 : P 1-2

4. Gritton A.C. La dispensation journalière individuelle et nominative au CHU de Tours : Mythe et réalité. Ecole Nationale de Santé Publique. Rennes, 2006 : P11-30

5. MS. Projet d’Arrêté n°2009-..../MS/SG/CH portant missions, attributions, composition, financement et fonctionnement du Comité du médicament et des dispositifs médicaux des centres hospitaliers au Burkina Faso

6. OMS. Bonne gouvernance dans les pratiques pharmaceutiques. Promotion de la transparence dans la réglementation et l’acquisition des médicaments. Genève, 2007 : P1

7. OMS. Médicaments essentiels : Le point N° 32, Genève, 2003 : P1

8. OMS. Rapport sur la santé dans le monde 2000 : pour un système de santé plus performant. Genève, 2000 : P5

9. The World Bank. World development indicators. 2008. Washington, 2008 : P19

10. World Health Organisation. Coping with out-of-pocket health payments : application of engel curves and two-part models in six african countries. Discussion paper number

7. Department health system financing. Geneva, 2007 : P13

L’Observateur Paalga

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