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ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

Publié le mercredi 2 décembre 2009 à 02h53min

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Le Président Kagamé du Rwanda a fait d’une pierre deux coups. En même temps que son pays faisait son entrée dans le Commonwealth, il renouait avec la France, après des années de brouille. Le rapprochement avec Londres traduit une certaine rancœur à l’égard de Paris. Mais c’est aussi une alerte pour la Francophonie. Elle doit voir dans ce départ de l’un des siens pour le camp anglo-saxon, le signe d’une sérieuse désaffection susceptible de faire des émules. Ceci, à l’orée de cinquante ans d’indépendance proclamée. Ainsi, Kagamé part tout en restant. En reprenant ses relations avec Paris, il fait preuve d’une grande habileté.

En effet, si la rancœur est tenace, le chef de l’Etat rwandais donne cependant le sentiment de ne pas vouloir frustrer inutilement les Français. La diplomatie de Bernard Kouchner a donc fini par payer. La France est parvenue à sauver ses liens avec Kigali. Sans doute aura-t-il fallu le talent de diplomate mais surtout le sens des relations de l’intrépide homme de terrain qu’est Bernard Kouchner. Le ministre français des affaires étrangères est ainsi parvenu après force négociation à limiter les dégâts. On serait tenté de croire que les dernières arrestations de génocidaires rwandais à travers l’Occident, la relance des procès relatifs à ce dossier, ne sont pas étrangers à ce brusque réchauffement de liens entre Kigali, Londres et Paris. Mais ce serait une erreur de croire que le dossier du lourd contentieux franco-rwandais est clos.

Il est hors de doute que la forte personnalité du Président Kagamé a pesé de son poids dans ce qui apparaît aujourd’hui comme une revanche sur l’histoire. Celui qui n’a jamais digéré le fait colonial et néo-colonial français, doit se satisfaire de sa double victoire.

Le président Kagamé n’est pas n’importe qui : des reproches lui sont faits régulièrement pour non-respect des droits humains. Au plan de la démocratie républicaine, son pays accuse un certain retard. Mais les femmes y sont bien représentées dans les instances de prise de décisions et ces dernières années, le Rwanda a fait un bond prodigieux au plan du développement. Flegmatique et très déterminé, cet homme sait assurément où il va et comment mener ses troupes. Après avoir su monnayer son désir d’indépendance avec la France, le voilà qui profite de la vieille rivalité entre Anglais et Français pour se tirer d’affaire. Il n’ignore sans doute pas que cette rivalité peut tout aussi bien se muer en pacte circonstancié lorsque survient le partage d’intérêts communs. Sa forte personnalité joue pour l’instant en faveur du Rwanda.

Kagamé n’a jamais ouvertement pardonné à la France ses positions troubles et fourbes dans le conflit qui les a opposés, lui et les siens, au régime Habyarimana soutenu des années durant par le pouvoir français. Parvenu au pouvoir, le président rwandais, très nationaliste et critique, avait rapidement donné dos à un monde francophone qu’il juge vassalisé par la France ? Mais que serait donc la France sans la Francophonie, dans un monde ouvert et où la compétition devient chaque jour plus féroce ?

Les faiblesses de la France se révèlent de jour en jour et elle a du mal à convaincre les nouvelles générations d’Africains. Leurs regards se tournent désormais vers des horizons plus prometteurs d’autant que du côté de l’Hexagone les déceptions se multiplient : difficultés d’obtention des visas, mesures drastiques à l’endroit des immigrants, etc. Le recul de la langue française dans la communauté scientifique internationale, la pression multiforme du business international, ne sont pas non plus de nature à encourager le maintien des Africains dans l’espace francophone qui se résume à un club de politiciens complices. Rien d’étonnant que les jeunes du continent, dégoûtés du mal développement, tombent quotidiennement sous le charme d’autres appels du pied. Grâce à la magie de l’internet et à d’intenses activités de promotion, le camp anglo-saxon attire par la multiplicité de ses offres et les facilités qu’il fait miroiter aux jeunes. Les tentations sont bien grandes en dépit des critères prévalant à l’entrée au sein du Commonwealth.

Le départ pour le Commonwealth du Rwanda francophone devenu bilingue, constitue donc d’une certaine façon un désastre pour la France et sa Francophonie. Il peut faire des émules. En faisant son choix, le Rwanda qui sort d’une longue nuit de tourmente, fait ainsi preuve de vision. Il s’assume et affirme son indépendance. C’est un signal fort à ne pas négliger même si cela ne fait pas plaisir. Mais rarement on aura vu un Etat francophone tenir aussi tête à la France sans perdre des plumes.

Contrairement à la Francophonie qui est laxiste sur certains plans, le Commonwealth a ses critères et des valeurs à défendre. En y faisant son entrée, le Rwanda affirme son appartenance à un monde débarrassé de préjugés, de complexes et surtout empreint d’un minimum de souveraineté et de respect mutuel. Le camp anglo-saxon, sa langue, son respect de la culture des autres, son sens et son respect de la démocratie républicaine, son inventivité, forcent l’admiration. C’est un véritable choc pour un francophone que de se retrouver en milieu anglophone. Parfois même un choc terrible pour quiconque ne connaît pas un traître mot anglais. Le Burkina qui fait frontière avec un pays anglophone, le Ghana, en sait quelque chose. La multiplication des écoles bilingues au pays des Hommes intègres est en cela un signal fort.

L’Afrique francophone, comparativement aux pays anglophones d’Afrique, brille par son retard, presque sur tous les plans. Avec le départ du Rwanda, la Francophonie doit se livrer à une introspection sérieuse et sans complaisance. La mauvaise gestion de la démocratie et des ressources par des dirigeants cupides et bénéficiant du soutien de la France est à ce point déconcertante pour les jeunes générations qu’il ne faut pas exclure à terme d’éventuelles désaffections.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 2 décembre 2009 à 09:37 En réponse à : ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

    Je pense que Le Burkina faso doit faire pareille. On ne parle francais qu’en Afrique certain regions du canada et la france. Quitton le francais pour l’anglais. Depuis les USA houston

    • Le 2 décembre 2009 à 10:53, par Paris Rawa En réponse à : ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

      Les français et les anglais utilisent chacun la langue de l’autre plus que nos pays, mais on ne dit jamais que les français sont anglophone ou que les anglais sont francophone. Alors, au nom de quelle pertinence faudrait-il que l’identité culturelle de nos pays soit classée, encore de nos jours, en fonction du fait colonial, en tant que pays francophone ou pays anglophone ? L’usage officiel d’une langue est-il l’élément le plus important qui détermine notre identité personnelle et collective ?

      Après les indépendances, les anciennes métropoles coloniales s’entendent bien pour maintenir la ligne de partage qui divisent les africains et qui permet la manipulation politique de nos pays. Mais pourquoi nos dirigeant ne sont-ils pas assez rusés pour demander à ce que leur pays fassent partie à la fois de plusieurs ces organisations à la fois : il faut apprendre à manipuler les manipulateurs pour brouiller leurs lignes de partage. Malheureusement, on trouvera toujours des africains (chefs d’État en premier) qui sont tellement dépendants de miettes que ces organisations (francophonie et Commonwealth) leur jettent, au point qu’ils s’opposeront à toute politique sérieuse en faveur de l’autonomie culturelle et linguistique de leur continent. Certains africains ne croient pas leur pays capable de vivre sans tutelle : ils ont la mentalité de l’enfant qui a toujours dépendant de ses parents, fussent-ils adoptifs et même indignes.

      Question pratique pour exemple : Comment le paysan africain, producteur incontournable de denrées diverses et de richesses dans nos pays sera-t-il autonome et plus efficace si les chéquiers, les livrets d’épargne et les relevés de son compte bancaire doivent toujours lui être libellés dans une langue que ce paysan ne comprend pas et qu’il ne peut pas lire ni écrire ?

  • Le 2 décembre 2009 à 09:47, par KaÏ En réponse à : ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

    Bravo, KAGAME ! Voici un dirigeant qui aime son peuple ! Le FASO devrait l’imiter et vite déposer une demande d’adhésion à cette organisation réaliste et futuriste, à l’inverse de la Francophonie décadente. C’est tout comme nous avons décidé, au nom d’une "real polotik", de reconnaître Taïwan afin d’en récolter les nombreux bénéfices sous forme de liasses sonnantes et délirantes, ou encore de proposer dans la médiation en Guinée que DADIS gère la transition et organise les élections (Pouahhh !!!).

    On est réaliste quand on est concret et patient !

  • Le 2 décembre 2009 à 11:12 En réponse à : ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

    le rwuanda peut se venter d’etre SOUVERAINT mais pas les autres ki souffre derriere la france pour leur propre interet mais pas pour leur peuple

  • Le 2 décembre 2009 à 12:55 En réponse à : mauvais esprit et caractere francophones

    Ayant vecu au pays, etudie en France et au Quebec, j ai compris depuis longtemps que notre sous developpement provenait de notre langue d adoption LE FRANCAIS. Une langue vehicule avec elle la culture, l esprit et la dynamique du peuple dont elle est originaire. A l instar de la France et du Quebec qui sont respectivement derriere l Allemagne, Grande Bretagne et le Canada anglophone, les pays africains francophones sont les plus pauvres et sous developpes d Afrique du fait du mauvais etat d esprit francais (jalousie, mesquinerie, mechancete, etudes theoriques universitaires non applicables, longs discours de savants, favoritisme des enfants du president pour postes administratifs...)
    Le Rwanda a un president visionnaire. Vite, instaurons nous aussi l anglais comme langue officielle au lieu du francais. Ca nous evitera d avoir a repartir sur les bancs lorsque nous voulons etudier aux States ou en Angleterre.

  • Le 2 décembre 2009 à 13:58 En réponse à : ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

    JE PROMET QUEE DANS 20 ans TOUS LES PAYS FRANCOPHONES SERONT DANS LE CCOMMONWEATH !!! C’EST PAS NOUS QUI LE DISONS ;EUX MEME ILS SAVENT ET ILS EN PROFITENT DES MAINTENANT PENDAANT QUE NOUS AVONS DES CHEFS D’ETATS ENCHAINES PAR LA FRANCE !!UN EXEMPLE : les statistiques montrent que un habitant français bénéfie à plus de 50% de l’argent du coton BURKINBE ou du coton MALIEN qu’un burkinabé ou un malien !!! c’est un signal fort pour nous future generation !! et j’ajoute que les études de 3ème cycle en france se font en anglais !!! tout ce que je dis c’est pour ce qui savent !!reflechissons ensemble !!!

  • Le 2 décembre 2009 à 14:53, par charles En réponse à : ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

    le Rwanda peut faire tout ce qu’il veut parcequ’il est souverain.
    je trouve qu’en quittant la francophonie pour le commonwealth, le rwanda a fait un bon choix c-a-d un pas pour le respect de la democratie. La majorite des pays qui sont dans le commonwealth sont economiquement avances
    La francophone ne pese pas sur le plan international parcequelle a ete cree pour exploiter l’afrique.

  • Le 2 décembre 2009 à 16:09, par zakari En réponse à : ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

    pour ceux qui suivent la politique rwandaise depuis peu ,savent que kagamé n’a pas négligé le kiyirwanda la langue nationale,au contraire il en a fait une des armes les plus redoutable pour le développement de son pays .citez-moi un seul pays au monde qui a pu se développer avec une langue étrangère ,aucun. mais cela ne veut pas dire d’ignorer ces langues car,elles nous aident a avoir une ouverture sur le monde . le problème c’est quand on oublie nos langues pour ne devenir que des francophones,anglophones et que sais-je encore. bien sur un jour on pourra se développer avec ces langues si et seulement si nous devenions effectivement francophones,anglophones etc ... c’est à dire le jour ou nous n’aurions que ces langues là comme outils principaux de communication dans toutes nos familles et dans tous nos villages .

  • Le 2 décembre 2009 à 18:27, par kecke En réponse à : ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

    Il est normal que le gens idéalisent ce qu’ils n’ont pas. Il est tout à fait normal que l’Afrique francophone sente une certaine rechanche envers l’ancien métropole, l’ancien colonisateur. Mais le tout anglais n’est pas une option sérieuse. Une partie des pays du Commonwealth a connu des guerres fratricides (Libéria, Sierra Léone), des fanatismes rßéligieux (Pakistan), de la ségrégation raciale (L’Apartheid en Afrique du Sud et en Rhodésie). Il est bon pour les Africains qu’il y a le Commonwealth et la Francophonie. Ainsi ils peuvent en profiter pour trouver leur choix en développant leurs propres cultures. Si le Rwanda fait partie de la Commonwealth, c’est le Ghana et le Mozambique qui sont membres de la Francophonie. Parler le Francais n’exclue pas nécessairement l’usage de l’Anglais. Et il ya beaucoup d’anglophones qui parlent le Francais. Quant aux langues, ce sont les Africains qui sont supérieurs aux Européens. Ils sont plus polyglottes. Il faut s’ouvrir au monde sans perdre ses racines. Et le multilinguisme est un atout pour les Africains.

  • Le 2 décembre 2009 à 23:00 En réponse à : ENTREE DU RWANDA DANS LE COMMONWEALTH : Un revers pour la francophonie

    C est comme si les pays francophones africains etaient otages de la colonisation pour rester scotcher au francais. Ils ont tous rué dans la francophonie, oubliant meme leur propre langue. Nos interets seraient pouvoir communiquer avec nos voisins immediats (Ghana, Nigeria, Cote d Ivoire, Niger,etc..), les puissances de notre monde (Chine, USA, Allemagne, Grande Bretagne, France,...).Avoir été colonisé par un pays n est une raison suffisante pour s approprier sa langue, ni surtout la defendre. Felicitations aux Rwandais pour cette belle initiative et cette independance.

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