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Kalsaka Mining : On a l’impression qu’une servitude a cours sur la colline

Publié le mardi 1er décembre 2009 à 01h55min

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Le titre d’un de nos articles sur le printemps des sociétés minières au Burkina exprimait la désolation que le boum minier sème. Les responsables coutumiers et l’ensemble des populations de Kalsaka continuent de réclamer désespérément la restitution du « Naab chaiss », fétiche protecteur du village. Lequel fétiche a disparu sur la colline qu’exploite Kalsaka Mining. Face à la détermination de la société d’extraire « son or », en apparence sans scrupule et sans compassion pour les populations de la localité, les jeunes désoeuvrés ont eux aussi dénoncé le préjudice qui leur est infligé. Nombre de ceux qui sont parvenus à décrocher un emploi à Kalsaka mining et qui sont enviés, avouent être en réalité stressés, permanemment entre la menace de perdre leur boulot et les conditions souvent infernales de travail auxquelles ils sont soumis. Et pour aller jusqu’au bout de la logique des mauvais traitements, c’est une rémunération jugée très en deçà du raisonnable qui est proposée à la plupart d’entre eux.

La stratégie de Kalsaka Mining avec certains de ses partenaires techniques, sinon ses complices semble se résumer en ceci pour ce qui concerne leur politique de recrutement de travailleurs : « Nous enrôlons des gens qui veulent du travail coûte que coûte mais qui ne savent pas grand-chose de leurs droits. Nous pourrons ainsi les exploiter et dès qu’ils commenceront à en prendre conscience, on se débarrasse d’eux et nous prenons des nouveaux ».

Même si cette vision cynique ne s’est pas appliquée à tous les cas, ils sont nombreux, qui de toute vraisemblance en ont fait les frais. Le succès jusque-là d’une telle stratégie se comprend aisément. Prenons le cas d’un jeune aux prises avec des difficultés quotidiennes pour assurer sa pitance et qui pense à son avenir. Ce jeune ne voit cependant aucune perspective de travail s’ouvrir à lui. Si ce dernier, « grâce à Dieu » trouve la possibilité de travailler dans une « mine d’or », on comprend que son attitude c’est d’accepter toutes les conditions tout de suite. La réflexion viendra après. Au cas où cet employé commence à déceler des anomalies au cours de son travail et commence à pousser loin ses revendications pour un meilleur traitement, on fera d’abord planer sur lui la menace d’être remercié. S’il persite, un prétexte sera vite trouvé et la menace mise à exécution.

C’est selon toute apparence, ce cas de figure qui a prévalu dans la décision de licencier plus d’une vingtaine de travailleurs autour du 6 novembre 2009. Des travailleurs dont certains pensent qu’ils avaient des contrats à durée indéterminée (CDI). Même si sur les contrats présentés, Monsieur Guiré Brahima représentant et gérant du Cabinet Burkina Management and Services (BMS n’a pas apposé sa signature, les concernés assurent que c’est ce qui est en vigueur. Le motif du licenciement mentionné sur les actes remis à la plupart de ces infortunés évoque « des raisons économiques ». « Brusquement comme ça ! », s’étonne un responsable à Ouagadougou de l’USTB (Union syndicale des travailleurs du Burkina) consulté sur cette affaire. En effet, la décision est tombée brusquement puisque certains des concernés affirment avoir travaillé sur le chantier la veille même de cette décision.

Selon eux, la société ne les avaient jamais informés de ses difficultés économiques ; ils n’ont pas été mis au courant à l’avance qu’ils seraient remerciés comme cela se fait normalement. Selon les travailleurs mis à la porte et l’USTB, c’est un licenciement abusif. Ils en sont convaincus et réfutent catégoriquement l’argument basé sur les raisons économiques car ceux qui ont été renvoyés ont été immédiatement remplacés par des nouveaux qui étaient en formation aux côtés des premiers. Il ne s’agit donc pas d’une compression de personnel pour cause de difficultés économiques, mais tout simplement de se débarrasser des indésirables. Le plan aurait été préparé. Par l’intermédiaire du Cabinet BMS présenté comme l’employeur des ouvriers de Kalsaka Mining, mais que d’aucuns voient comme le visage voilé de la société minière, les nouveaux venus ont été régulièrement formés par ceux qu’ils ont remplacés sur le chantier.

En prenant la place de leurs mentors, ils sont soumis aux mêmes conditions et suivant la stratégie de remplacement qui peut s’appliquer à ceux qui pourront contester des choses après, ils seront à leur tour remerciés un jour. A ce jour, tous ceux qui étaient les délégués du personnel auraient été emportés par le dernier licenciement. Il s’agit de casser la dynamique de responsabilisation et de dénonciation et prendre par la suite de nouvelles personnes naïves. Bas salaires contre travail hautement délicat et sous pression

Selon le responsable de l’USTB qui suit l’affaire des licenciés de Kalsaka Mining, la plupart des mines d’or au Burkina ne respectent pas leurs travailleurs, mais le cas de Kalsaka est d’après lui inhumain. Il est catégorique lorsqu’il affirme que le ministère doit fermer cette mine. Kalsaka ravirait la vedette en termes de mauvais traitements avec des salaires en deçà de ce qui se voit ailleurs. Le Cabinet BMS basé à Ouagadougou chargé du recrutement et de la formation des travailleurs se trouverait très loin des réalités et des conditions de travail.

De l’avis des travailleurs, il n’est pas le mieux placé pour discuter des contrats et pour apprécier les fautes qui leur sont reproché. Pourtant, régulièrement c’est ce cabinet qui adresse des mises à pied, sanctionne à la moindre erreur et signent les actes de licenciements. Le cas d’un travailleur licencié le 4 novembre avec le motif « faute lourde » illustre la réalité des abus. Conducteur d’un gros engin, il affirme avoir été rappelé au travail son jour de repos. Ayant travaillé la nuit jusqu’à 5 heures au petit matin, il a eu une petite période de défaillance et a sommeillé au volant de l’engin qui malheureusement a percuté un autre dans les manœuvres. Une barre d’une grille de protection de la vitre d’un diamètre de 3 cm environ a été cassée. Après une mise à pied disciplinaire de 8 jours décidée par BMS, l’employé a finalement été licencié pour faute lourde. Ce dernier ne s’en revient pas.

Dans un autre cas, un employé a écopé d’une mise à pieds parce qu’on lui reproche d’avoir fait un excès de vitesse sur le chantier. On dirait que cela est normal si un autre employé n’avait pas, lui aussi, reçu une mise à pied parce qu’on lui reproche de rouler lentement. Il y a vraiment des choses qu’il faut aller comprendre. Au niveau de la rémunération, on peut voir sur des bulletins de salaire que ce que certains employés gagnent en heures supplémentaires dépasse ce qu’ils ont comme salaire de base. Lesquelles heures supplémentaires dépassent souvent 147 heures et donc largement au-dessus des 20 heures, le maximum autorisé. Les salaires sont bas et les indemnités sur le salaire sont très rares à Kalsaka Mining comparativement à d’autres sociétés minières. A titre d’exemple un conducteur d’engin lourd (Dumper) dans les mêmes conditions a un salaire de base de 149 OOO F CFA alors qu’à Kalsaka Mining c’est 90 000 F CFA comme salaire de base.

Il faut ouvrir l’œil sur les sociétés minières

C’est sûr, sur les sites miniers, il y a de l’injustice. Il va falloir réellement que la transparence soit totale dans le secteur. Que tous ceux qui interviennent dans le domaine soient connus officiellement afin d’éviter que des affairistes tapis dans l’ombre continuent de dicter leurs lois. A ce niveau, il conviendrait d’établir une convention collective applicable aux travailleurs des mines d’or. Le printemps minier impose sa nécessité. Pour un respect total de l’ensemble des travailleurs miniers, il sera judicieux de créer une structure syndicale fédératrice pour défendre leurs intérêts. Les Centrales syndicales sont appelées pour cela à donner encore plus de la voix car insidieusement des choses se passent au Burkina à travers l’exploitation de l’or.

Les entreprises minières semblent n’avoir peur de rien et bénéficient de certaines complicités. On ne peut pas s’empêcher de le penser. Ce cas, par exemple en dit long : des travailleurs de Kalsaka Mining ne supportant plus les propos injurieux des responsables de la société ont introduit une plainte auprès de l’Inspection du travail du Nord. Comme réponse, il leur a tout simplement été signifié que ces propos n’avaient rien d’injurieux. A la décharge des patrons, des expatriés, l’inspection du travail a répondu aux travailleurs qu’à la place d’injures il ne s’agit que d’habitudes culturelles propres à eux.

Samba Bila

L’Indépendant

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