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Avortements clandestins à Ouagadougou : La saignée s’intensifie

Publié le lundi 30 novembre 2009 à 01h29min

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- La loi l’interdit ; - le code pénal punit ses auteurs ;
- la religion la condamne ; - la société la désapprouve. Mais, rien n’y fit. La pratique de l’avortement persiste au Burkina Faso. Pire, le phénomène s’est intensifié à partir de l’an 2000. Des zones huppées aux quartiers populaires de Ouagadougou, des praticiens de la santé, modernes comme traditionnels, vivent de la mort d’embryons et même de fœtus. Si ce n’est de celle de la candidate à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Immersion dans les entrailles d’un fléau clandestin répandu dans la capitale burkinabè bien qu’interdit.

« Je suis prise entre le marteau et l’enclume. Si mes parents apprennent que je suis enceinte, ils vont me tuer. Si mon petit ami, qui est actuellement en études hors du pays, apprend que j’attends un bébé qui n’est pas de lui, il va certainement me quitter. Je ne veux pas d’un enfant dans ces conditions. » La vingtaine, nez aquilin, coiffée de mèches teintées, notre interlocutrice, rencontrée dans une « clinique » clandestine et qui a souhaité garder l’anonymat, se prête volontiers à nos questions.

Certes pour exprimer les mobiles de sa présence en ces lieux, mais surtout pour que sa situation serve à tirer la sonnette d’alarme : « Je veux que vous attiriez l’attention des parents afin qu’ils fassent preuve de tolérance et de compréhension envers leurs enfants. J’ai pris cette option à cause d’une erreur commise mais si mes parents pouvaient me comprendre, je choisirais une autre alternative ». Comme elle, nombre de jeunes filles battent leur coulpe sur la poitrine de leurs géniteurs peu disposés à accueillir un enfant né « hors mariage » comme on le dit souvent.

Seule échappatoire à la fatwa familiale : l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Par le bouche-à-oreille, la candidate à l’avortement est orientée, parfois vers un tradithérapeute et souvent en direction de ces « spécialistes » qui besognent au noir. Lundi 16 novembre 2009. 20 heures. Au milieu d’une cour située dans un « six-mètres » d’un quartier reculé de la capitale. Une demi-douzaine de femmes se partagent un long banc sur une terrasse. Silence de mort ! Nous sommes dans une de ces « cliniques » clandestines.

Dans les entrailles de la pratique

L’entrebâillement de la porte rouillée laisse échapper une lumière blafarde. La consultation se fait par ordre d’arrivée. Le temps passe. Les unes après les autres, des ombres lunaires entre dans la bicoque, puis, en ressortent en catimini. Enfin notre tour. Le maître de céans nous reçoit sans le moindre signe de surprise. Préalablement informé de notre arrivée et de l’objet de la visite, il a daigné nous recevoir. Mais sous condition : pas de photo ni d’enregistrement.

La cinquantaine bien sonnée, la main caressant sans cesse la barbichette, il explique derrière son petit bureau : « J’interviens sur des grossesses allant de quelques jours à quatre mois en général et le coût varie entre 25 000 et 35 000 F CFA. Je demande à la cliente depuis combien de temps elle est enceinte et je procède à un toucher vaginal. Il y a deux méthodes qui sont pratiquées en fonction de la capacité de la cliente à supporter la douleur.

Je préviens celle-ci que ma responsabilité n’est pas engagée en cas de complications et de ne pas revenir me voir. Si son développement anatomique ne lui permet pas d’endurer la douleur en le faisant tout de suite, j’élargis d’abord son vagin à l’aide d’un spéculum et je fais directement un curetage de son appareil génital sur place pour décoller le fœtus de la paroi et l’enlever à l’aide de cette curette [NDLR : il désigne un instrument en forme de grande cuillère] ».

Confiant en son mode opératoire, il poursuit doctement : « Dans le cas où la cliente préfère ne pas souffrir, dans un premier temps, j’introduis une sonde dans son utérus pour percer l’enveloppe de l’embryon et faire couler le liquide amniotique. En fait, je crée une fausse couche mais comme c’est artificiel, il me faut après faire un curetage pour enlever les restes de l’enveloppe qui demeurent à l’intérieur.

Comme je ne reçois que le soir, la cliente pour laquelle j’ai utilisé une sonde vers 20h par exemple, doit forcément revenir le lendemain très tôt le matin pour le curetage afin d’éviter que ça ne commence à pourrir. J’ai un stock de médicaments antidouleurs sur place que je leur donne à avaler pour être sûr qu’elles vont le faire, en plus d’’antibiotiques pour éviter les infections, et je conseille en général d’éviter de toucher le bas-ventre en cas de douleurs. Après le curetage, je lui donne un produit qui provoque des contractions au vagin, et qui vont expulser toutes les impuretés. » Comment diable, a-t-il appris à faire tout çà et pourquoi avoir choisi cette option ? « Disons que dans une autre vie, je sauvais des vies.

C’est à cette époque que j’ai remarqué le caractère répandu de l’avortement. Imaginez une jeune fille qui vient vers vous parce qu’elle veut avorter. Vous refusez, elle repart et quelques jours après elle est hospitalisée d’urgence dans vos locaux par suite de complications d’avortements clandestins. Vous vous sentez comment à votre avis ? Ces cas, on en avait fréquemment. Maintenant je me suis retiré dans une structure privée où je travaille la journée. La nuit, je reçois entre 6 à 10 clientes.

Donc inutile de parler d’activité lucrative. ». Quel est le portrait-robot de ses « clientes » ? « Je dirais qu’elles ont entre 18 et 25 ans pour la plupart. La majorité est scolarisée mais, vous savez, elles mentent presque toujours sur leur âge. Elles expliquent leur option par la peur de la réaction de leurs familles et proches. Il m’arrive de rencontrer des jeunes filles prises par le piège du coup K.-O. [NDLR : tombée enceinte dès les premières relations sexuelles] mais aussi des cas d’infidélité ayant conduit à une grossesse. Les hommes viennent très rarement mais il y a quand même quelques fois des courageux ou des amoureux qui tiennent à accompagner leurs partenaires ou à être à leurs côtés tout au long du processus. Il se peut que ce soit aussi pour vérifier que l’avortement a été effectivement fait. »

A-t-il eu affaire à des cas de complications ? « Oui, souvent ce sont les hémorragies provoquées par l’intervention qui nécessitent des soins. Honnêtement je n’ai pas encore eu de cas de décès sur place ici, car en fait plus la grossesse est avancée plus les risques de complications sont grands. Je ne vais pas me lancer dans le débat sur la légalisation de notre pratique parce qu’honnêtement, si la loi venait à l’autoriser, je serais obligé d’arrêter parce que je ne peux pas officier au grand jour.

Cependant, cela permettra d’éviter les complications mortelles car à ce moment-là, la pratique se ferait dans les conditions adéquates c’est-à-dire dans des centres de santé avec tout le matériel et les soins qu’il faut ». Ne se sent-il pas dans la peau d’un tueur tout de même ?

« De toutes façons, que ce soit ici ou ailleurs, les jeunes filles se feront avorter et dans des conditions encore pires qu’ici. Alors mauvaise conscience pour mauvaise conscience, je pourrais dire que je sauve certaines filles désemparées. »

Après de longues négociations, il accepte de nous introduire dans sa « salle de consultations » au fond de la maisonnée. Eclairée par une veilleuse, la pièce sent l’alcool désinfectant à plein nez. Pas de lit, juste une table recouverte de plastique en bas de laquelle une malle. Devinant sans doute la question qui nous vient à l’esprit, il s’empresse de lâcher : « Après le passage d’une cliente, je renouvelle les sachets ».

Le caractère illégal et le sentiment de rejet social qui frappent la pratique entretiennent l’omerta, la loi du silence, qui entoure l’IVG. C’est le cas de cette autre jeune fille rencontrée sur les mêmes lieux qui a refusé de s’exprimer sur son cas. Face à notre insistance, elle a jeté : « C’est ma vie privée ! »

La polémique sur sa légalisation

Au Burkina Faso, la loi N° 049-2005/AN portant sur la santé de la reproduction en date du 22 décembre 2005 stipule que : « Article 20 : Toutes les techniques et méthodes de planification familiale, à l’exception de l’avortement provoqué ou interruption volontaire de grossesse, sont autorisées dans les formations sanitaires publiques et privées qui remplissent les conditions requises.

Article 21 :L’interruption volontaire de grossesse ne saurait en aucun cas être considérée comme une méthode contraceptive. L’interruption volontaire de grossesse n’est autorisée que dans les cas suivants et sur prescription d’un médecin :
- lorsque la poursuite met en danger la vie et la santé de la femme enceinte ;
- à la demande de la femme, lorsque la grossesse est la conséquence d’un viol ou d’une relation incestueuse ;
- lorsqu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité au moment du diagnostic.

Dans ces cas, l’interruption volontaire de grossesse doit se faire dans de bonnes conditions de sécurité ». Le code pénal burkinabè punit également les auteurs d’avortements clandestins (voir encadré). Malgré tout, le phénomène prend de l’ampleur avec des chiffres effrayants. Si dans l’antiquité romaine, l’avortement se pratiquait par l’absorption de plantes dites abortives telles que l’absinthe, de nos jours, la pratique est des plus variées en milieux urbains, notamment à Ouagadougou.

Au nombre de ces variantes, la pharmacopée traditionnelle qui intervient avec un certain nombre de plantes comestibles qui associées au miel naturel agiraient comme des « pilules du lendemain » ; c’est le cas aussi de l’ingestion de différentes substances acides, de produits caustiques, de tisanes d’herbes. Pour avorter coûte que coûte, certaines jeunes filles introduisent des objets contondants ou des produits détergents dans leur appareil génital ou boivent des antipaludéens écrasés et dilués ou de la stout chauffée. Ces différentes méthodes ont de graves conséquences sur leur santé.

Pour parvenir à leur fin, celles qui désirent avorter n’hésitent pas à fréquenter des « cliniques clandestines ». Le matériel qui y est utilisé fait froid dans le dos. La perquisition du domicile du sieur François Boussou, un avorteur clandestin arrêté le 15 juin dernier (Cf. L’Observateur Paalga du mardi 30 juin 2009) grâce à un appel anonyme sur le 1010, numéro vert du Centre national de veille et d’alerte (CNVA), a permis de récupérer entre autres, onze (11) spéculums, vingt-huit (28) paires de ciseaux, trois (3) carnets d’ordonnance, un (1) tuyau aspirateur, un (1) fil de perfuseur, un (1) faux microscope, trois (3) poches d’eau salée pour perfusion, cinq (5) aiguilles.

La tendance générale mondiale est en faveur du droit à l’interruption volontaire de grossesse, dans les pays occidentaux et dans certains pays en développement. A contrario dans bien des pays sous-développés comme le nôtre, l’interruption volontaire de grossesse est en général interdite. La polémique autour de la pratique est nourrie par deux bords : d’une part, les « pro-vie » qui contestent le droit à l’avortement et, d’autre part les « pro-choix », constitués en majorité de mouvements féministes, qui militent pour la liberté de la femme de disposer de son corps.

Pour les partisans de l’avortement, l’interdiction de l’IVG représente une grave atteinte à la liberté et à la vie privée en ce sens qu’elle viole le droit à la vie et à la santé ainsi que le droit à la sûreté définis par la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH). Au Burkina, le débat reste plus « discret » car la question de la légalisation est l’objet d’une forte réprobation sociale.

La pratique étant considérée tout simplement, comme un meurtre « ab ovo » (à partir de l’œuf). Menée en sourdine, la polémique sur l’avortement ne cesse d’enfler à en croire ce médecin qui frémit face au taux de mortalité des jeunes filles du fait des avortements clandestins. « La loi qui interdit l’IVG est suffisamment sévère (voir encadré), et les actions pour l’éradiquer foisonnent. Malgré tout la pratique perdure.

Elle contribue à accroître le taux de mortalité maternelle car la demande est forte. Malheureusement, comme son nom l’indique d’ailleurs, l’avortement clandestin est pratiqué dans des milieux où ses conditions sont loin d’être réunies.

Les pays qui nous financent (Etats-Unis, France, Espagne, Italie…) l’ont légalisé chez eux. Il faut savoir que ce n’est pas en légalisant l’avortement que le phénomène augmenterait de facto. De plus, nous devons penser à laisser aux femmes le droit de choisir », a-t-il argumenté avant d’ajouter qu’entre deux maux, il faut choisir le moindre.

Et de faire sien, à cet effet, le proverbe mossi qui dit que : « Quand tu ne peux pas arrêter le voleur, il faut l’aider à ramasser tes affaires ». Il en veut pour preuve des prémices de la légalisation, le changement de la qualification pénale de l’avortement qui est passée de crime à délit. De là à l’accouchement de la légalisation de l’avortement, il y a plusieurs tabous à briser .

Hyacinthe Sanou


Le Dr Charlemagne Ouédraogo, gynécologue-obstétricien

« Il existe tellement de méthodes abordables pour éviter les grossesses à problème »

Gynécologue-obstétricien, le Dr Charlemagne Ouédraogo, entre autres, responsable en Santé de la reproduction du District sanitaire du secteur 30, est souvent confronté au niveau du Centre médical avec antenne chirurgicale (CMA) où il officie, à des complications liées à des IVG. Nous l’avons rencontré le jeudi 19 novembre 2009. Pour lui, les moyens financiers déboursés pour interrompre une grossesse sont peut-être 100 fois plus chers que les moyens de la prévenir.

Qu’est-ce qu’un avortement ?

• L’avortement est, selon l’OMS, l’interruption d’une grossesse avant 22 semaines d’aménorrhée (absence de règles, causée le plus souvent par une grossesse). Cette interruption peut être volontaire comme involontaire. Dans les cas involontaires, on parle de fausses couches spontanées. Lorsqu’elle est volontaire on parle d’Interruption volontaire de grossesse (IVG) interdite au Burkina.

Parlez-nous des avortements clandestins et de leurs conséquences.

• Comme c’est condamné par la loi, les gens ont recours à divers moyens dans des « cabinets », qui ne sont pas du tout adaptés, au prix malheureusement de leur vie le plus souvent, ou au risque de séquelles graves qui vont compromettre leur santé de la reproduction pour toute leur vie en occasionnant par exemple des lésions importantes de l’appareil génital qui rendront douloureux les rapports sexuels, compromettront les futures accouchements, obligeront d’ôter l’appareil génital du fait de complications graves, des situations dramatiques, malheureusement, avec des cas de décès.

En quoi consiste la prise en charge des complications des IVG au sein de votre service ?

• La prise en charge des complications d’avortement font partie des soins subventionnés ici et permet d’assurer à moindre coût leur prise en charge médicale et d’encadrer ensuite par un conseil et une planification familiale de sorte à éviter que cette situation dramatique se reproduise.

Que pensez-vous de cette pratique en tant que professionnel de la santé ?

• Je pense que c’est une mauvaise chose en ce sens que les patientes ont tous les moyens moins cher pour éviter les grossesses à problèmes. Les moyens financiers que vous mettez pour interrompre une grossesse sont peut-être 100 fois plus chers que les moyens de prévenir la grossesse. Les plaquettes de pilules contraceptives subventionnées par l’Etat coûtent 100 F CFA par mois soit 1200 F CFA par an pour éviter une grossesse non désirée. Lorsque vous voulez avorter, ce sont des sommes colossales que vous déboursez, si vous y ajoutez les complications qui vont vous amener à séjourner en milieu hospitalier, cela fait peut-être l’argent de 30 ans de contraception. Pilules, stérilet, implants sous cutané, préservatifs, sont autant de méthodes contraceptives, qui ne coûtent pratiquement rien et dont la subvention coûte énormément à l’Etat, afin que les citoyens puissent planifier les naissances.

Quels conseils prodiguez-vous à la frange jeune ?

• Dans tous les CSPS du Burkina, des méthodes de contraception sont disponibles et il existe également des centres jeunes qui sont adaptés et qui offrent des prestations en matière de contraception. Je conseille donc aux adolescentes et jeunes filles de se rendre dans ces endroits non seulement pour avoir des conseils en matière de contraception mais aussi des informations sur la santé de la reproduction, sur le cycle menstruel, sur l’hygiène génitale ainsi que les différents moyens existants et disponibles qui permettent d’éviter les maladies sexuellement transmissibles (MST). La grossesse, c’est le moindre mal parce que le chemin par lequel passe cette grossesse, c’est le même qu’emprunte le VIH/SIDA. Alors lorsqu’on prend tous ces conseils quand on est adolescent, cela va éviter beaucoup de problèmes tels que la grossesse et les MST.

Entretien réalisé par H.S.


Mini « Vidal » de l’avortement

L’avortement se définit comme l’interruption avant son terme du processus de gestation, c’est-à-dire le développement qui commence à la conception par la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde formant ainsi un œuf, se poursuit par la croissance de l’embryon, puis du fœtus, et qui s’achève normalement à terme par la naissance d’un nouvel individu de l’espèce. L’avortement peut être spontané : on parle de fausse couche.

Le terme médical de fausse couche s’applique quel que soit le terme de la grossesse du premier jour de la grossesse jusqu’à la prise en charge médicale du fœtus. Avant 12 semaines d’aménorrhée, c’est une fausse couche précoce et après cette période il s’agit d’une fausse couche tardive (la majorité des œufs fécondés ne sont pas viables dans des conditions normales et sont éliminés très rapidement par l’organisme).

La grossesse peut être interrompue volontairement sans raison médicale. On parle alors d’interruption volontaire de grossesse ou IVG. Enfin la grossesse peut être interrompue pour des raisons médicales tenant soit au fœtus soit à la femme enceinte. On parle dans ce cas d’interruption médicale ou thérapeutique de grossesse ou IMG.


Ce qu’ils en pensent :

-  Bénédicte Toé, étudiante « Qui dit clandestin dit danger de mort »

D’une manière générale, les avortements clandestins sont à déplorer vu les conséquences qu’ils peuvent occasionner puisqu’ils ne sont pas faits dans les conditions qu’il faut. Il faut noter que c’est parce que la pratique légale de l’avortement n’est pas permise en tant que telle au Burkina hormis les cas de force majeure que les avortements clandestins se multiplient avec malheureusement les complications que l’on connaît car qui dit clandestin dit conditions non réunies donc danger de mort. Cela est dû à la pesanteur de nos réalités socio-culturelles et religieuses. Même si les parents ne sont toujours pas aptes à parler de sexualité, il existe des centres d’écoute pour guider les jeunes, leur donner toutes les informations nécessaires. Il faut aussi plus de suivi et d’aide des jeunes. Aujourd’hui il ya des structures qui sont prêtes à accueillir les jeunes filles vulnérables parce que chassées de leur famille, du fait de grossesses non désirées, et il faut donc qu’elles sachent où s’orienter.

- Emmanuel Kambou, étudiant « Il faut mettre l’accent sur les mesures coercitives »

Je suis contre la pratique tant qu’elle n’est pas faite par urgence c’est-à-dire pour sauver la vie de la mère. Pour moi, c’est un crime même si certains considèrent que scientifiquement le fœtus n’est pas un enfant. De plus, en se basant sur les textes religieux et même ceux de notre pays, c’est une pratique illégale. Cependant, il y a des textes qui l’interdisent mais il n’y a pas de mesures spécifiques qui servent à démanteler les réseaux qui s’y adonnent. Il faut mettre l’accent sur ces mesures coercitives pour y mettre un terme mais également sensibiliser les jeunes filles qui sont les plus susceptibles de la faire parce que c’est avant tout un danger pour leur propre santé et leur bien-être.

- Laetitia Béré, étudiante « L’abstinence reste la meilleure solution » Je trouve que c’est une mauvaise chose. A cause de la liberté sexuelle que les jeunes prennent de nos jours, ils ont tendance à oublier les risques qu’ils encourent et avec la précipitation et tout, ils oublient de se protéger en général et ce qui devait arriver, arrive, en l’occurrence, une grossesse. Ils n’ont pas prévu ce genre de situation ; quand ça arrive, le ciel leur tombe sur la tête, ils décident de s’en débarrasser. L’abstinence jusqu’au mariage reste la meilleure solution à mon avis, mais c’est quasi impossible pour les jeunes d’aujourd’hui ; alors il faut systématiquement recourir aux préservatifs et aux contraceptifs pour se protéger des grossesses non désirées mais aussi des MST.

- Aimé Sawadogo, étudiant : « Il faudrait laisser les jeunes filles enceintes assumer leur responsabilité » Personnellement, je classe l’avortement clandestin dans la catégorie des crimes les plus ignobles. Je pense que ce qui favorise cette pratique, c’est le poids de la société envers les filles qui piquent des grossesses non désirées. Dans un premier temps, c’est le désengagement du conjoint qui pose problème et ensuite vient la censure des parents. Donc les deux (fille et garçon) dans une situation délicate trouvent comme voie de recours l’avortement clandestin. Ceci également parce que la loi l’interdit. Sinon s’il leur était donné la possibilité d’avorter de façon convenable (à l’hôpital) quand on juge la grossesse inopportune, beaucoup l’auraient fait. Dans ces genres de situations, je pense que la solution, c’est toujours la répression. Il est vrai qu’elle ne résout rien, mais elle a l’avantage de prévenir l’exagération, les dérives. Il est évident de mon point de vue que la meilleure des solutions, c’est l’acceptation de la société des filles qui tombent inopportunément en grossesse. Il faudrait leur laisser le soin d’assumer leur responsabilité, seule voie d’éducation pour les intéressées et un exemple pour ceux qui sont en sursis.

- Marie Laure Ido, étudiante « C’est mieux de légaliser la pratique » Pour moi, l’avortement n’est pas une bonne chose en soi. Je suis contre cela au regard de mes convictions religieuses et parce que je pense que même à l’état d’embryon ou de fœtus, l’enfant a droit à la vie. Cependant, à l’état actuel des choses, il est mieux qu’on légalise cette pratique parce qu’elle se fait couramment et Dieu seul sait dans quelles conditions. La plupart du temps, les filles commencent cette opération à la maison et viennent terminer à l’hôpital au risque de leur vie. Par conséquent, c’est mieux de légaliser la pratique même si ce n’est pas bien en soi d’ôter une vie. Si une fille va jusqu’à tomber enceinte, c’est qu’elle est assez grande et dans ce cas, elle doit avoir la possibilité de choisir l’avortement ou pas. Je pense donc que c’est mieux de légaliser la pratique ; ainsi, si elle veut de son bébé elle peut le garder, si elle ne veut pas, elle peut avorter sans tomber forcément sous le coup de la loi.

- Boukary Ouoba, étudiant « Les parents ne sont pas à excuser »

Je suis parfaitement d’avis avec la loi sur l’avortement au Burkina. La sexualité précoce en est l’une des causes. La maturité physique ne va pas toujours avec la maturité d’esprit. On finit par attraper une grossesse qu’on aurait pu éviter sans se faire trop de peine avec tous les moyens de contraception qu’on a aujourd’hui y compris l’abstinence. Les parents ne sont pas à excuser parce qu’ils ne savent pas prévenir et c’est quand leur fille est enceinte qu’ils jouent aux moralisateurs et beaucoup vont jusqu’à la mettre dans la rue. Il faut beaucoup sensibiliser pas seulement les enfants mais aussi certains parents car ces derniers ne devraient plus continuer à mettre impunément leurs filles dans la rue parce qu’elles ont une grossesse non désirée. Il faut multiplier les centres d’écoute pour jeunes même si on imagine qu’ils sont très peu fréquentés par les susceptibles victimes. C’est de façon artisanale que ces avortements se font au risque de la vie des filles en grossesse. Il faut peut-être une police spéciale pour traquer les réseaux qui s’y adonnent. Le phénomène sera difficile à éradiquer n

Propos recueillis par H.S.


La loi contre l’avortement au Burkina

L’avortement est puni selon les articles 383 à 390 du Code pénal burkinabè. En voici quelques extraits :

Article 383. Est puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 300 000 F CFA à 1 500 000 F CFA, quiconque, par aliments, breuvage, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen, procure ou tente de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non. Si la mort en est résultée, la peine est un emprisonnement de dix à 20 ans. La juridiction saisie peut en outre prononcer l’interdiction professionnelle et/ou l’interdiction de séjour pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.

Article 387. L’interruption volontaire de grossesse peut à toute époque être pratiquée si deux médecins dont l’un exerçant dans une structure sanitaire publique, attestent après examens que le maintien de la grossesse met en péril la santé de la femme ou qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. En cas de viol ou d’inceste établis, la matérialité de la détresse est établie par le ministère public et la femme enceinte peut demander à un médecin dans les dix premières semaines l’interruption de sa grossesse.

On peut y ajouter également la Déclaration des Droits de l’Enfant de 1959 qui, dans son préambule, déclare : « Considérant que l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance ».

Cet article a été réalisé en collaboration avec le Réseau africain jeunesse, santé et développement au Burkina Faso (RAJS/BF).

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 30 novembre 2009 à 13:27, par puk nini En réponse à : Avortements clandestins à Ouagadougou : La saignée s’intensifie

    Bon article de société.
    A quel âge sommes nous autorisés à oter la vie d’un innoncent en faveur de celle d’une personne qui ne veut pas assumer ses responsabilités ? 100 ans ? 60 ans ? 25 ANS ? 2 ANS ? 9 MOIS ? 6 MOIS ? 3 MOIS OU 3 JOURS ?
    Leur sang crie vers leur Créateur.
    Les moyens de prévention sont précisés daans l’article :
    - éducation sexuelle,
    - contraception,
    - centres d’accueil pour filles en détresse,
    - orphelinat (pour abandon anonyme ?),
    - tolérance parantale et sociale,
    - et surtout responsabilisation des filles et des femmes qui doivent savoir choisir d’accomplir des actions dont elles savent être capables d’en assumer les conséquences.

    De toutes façons nos "financeurs" vont nous l’imposer un jour. ensuite le mariage homosexuel, ensuite l’euthanasie, ensuite l’infanticide, ensuite le paricide, ensuite ....
    Merci à ma mére d’avoir accepter de me garder dans son ventre.
    Bon corage à tous !!!!!!!!!!!!!!!!!!

  • Le 30 novembre 2009 à 21:36 En réponse à : Avortements clandestins à Ouagadougou : La saignée s’intensifie

    "Les pays qui nous financent (Etats-Unis, France, Espagne, Italie…) l’ont légalisé chez eux"

    c’est dificile de dire que les etats-unis ont "legalise" l’avortement parce cest suite a un cas de jurisprudence ou la cour supreme a juge que c’etait anticonstitutionnel et que cela violait le droit a la vie prive de refuser qu’une femme ait l’avortment...c’est tjrs un debat qui fait rage ici aux states car contrairement a ce que beaucoup pensent les states est un pays assez conservatif ! c’est un sujet qui peut politiquement tuer. il ny a pas de loi federale qui legalise l’avortement aux USA, cela est laisse aux etats et dc d’un etat a l’autre les regles varient enormement. et aussi il est vrai certains fonds americain aide dans ce sens dans les pays comme le mexique et autres, sans que cela se passe forcement dans tous les etats aux USA ! bizare mais c’est vrai.

    la preuve c’est que lorsque le President Obama(qui est en faveur du droit a l’avortement) avait ete invite pour la ceremonie de remise de diplomes dans une prestigieuse universite catholique, cela a fait des debats intenses et des protestations aux USA...meme le jour il ya eu bcp de gens qui ont interrompu le discours du president et des manifestations durant toute la duree de la ceromonie.
    cest pas un sujet facile, il est vrai que dans certains cas cest necesaaire..mais est ce juste parce une fille n’a pris les precautions et a cause de sa betise il faut tuer des enfants innnocents ??? je ne sais, il ny a pas de reponse vrai ou fausse, cela depend de ta moral et l’education que les gens recoivent.

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