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Dirigeants africains : Qu’ils nous fassent l’économie de ces présidentielles !

Publié le mardi 24 novembre 2009 à 01h51min

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Teodoro Obiang Nguema, le président équato-guinéen, est un très grand démocrate : tous les sept ans, il se donne beaucoup de peine pour organiser une élection, dans l’espoir de voir un de ses compatriotes prendre la relève. Malheureusement, faute de candidats pour lui faire ombrage, il la gagne toujours : ainsi, la dernière présidentielle, il l’a remportée avec un score de 97%. Excusez du peu.

Le combat était donc très serré, et il s’en est fallu de peu que quelqu’un d’autre le remplace, afin qu’il cultive désormais son propre jardin. Mais, comme les habitants du pays manquent d’ambition, autant continuer à faire leur bonheur malgré eux.

Tenez, cette année encore, il va leur donner une énième chance : une présidentielle aura lieu dimanche prochain. Le combat sera encore impitoyable, puisqu’il y a quatre autres candidats, dont Placido Mico Abogo, le seul opposant à siéger à l’Assemblée nationale, considéré comme le challenger.

Le vrai empêcheur de gouverner en rond, Severo Moto, en exil en Espagne, que l’homme fort de Malabo ne veut même pas voir en peinture, n’a pas fait acte de candidature. Certainement qu’il a le palu.

Cette fois-ci, si la « terreur » Placido Mico Abogo ne gagne pas, ce sera tant pis pour lui. Toujours est-t-il que celui qui préside aux destinées du pays depuis le coup d’Etat fait à son oncle en 1979 promet un score meilleur que celui de 2002.

Ce n’est tout de même pas sa faute s’il est adulé par le peuple ! Dans quelques années, quand il sera usé par l’âge ou lorsque ses sujets ne voudront plus de lui – ce qui est improbable -, il y aura une pièce de rechange, qui ressemble point par point à l’original, prête à l’emploi :

il s’agit de son fils, Teodorin. Pour le moment, il n’est que ministre de l’Agriculture et de la Forêt. Pour la cause nationale, il gravira vite les échelons afin de parvenir à la magistrature suprême. Le bonheur, seuls les Obiang peuvent le partager. C’est génétique, et ils n’y peuvent rien.

Ainsi vit le nouvel Eldorado africain, depuis la découverte du pétrole en 1995 et son exploitation, qui a aussitôt suivi. Tout cela, grâce à Teodoro Obiang Nguema !

Dans cette contrée du continent, qui est la seule à parler espagnol si fait qu’elle s’est inscrite à la Francophonie, tout le monde ne vit et ne travaille que pour le roi : du maître d’hôtel au serveur en passant par le conducteur de taxi qui vient prendre le visiteur, à l’aéroport. Tout le monde a la carte des services secrets. Le désordre n’est donc pas permis.

Il n’y est pas rare qu’un directeur d’aéroport, qui a eu l’outrecuidance de laisser un aéronef voler dans l’espace aérien national pendant que celui du président décollait, soit conduit dans un lieu sûr et questionné avec un grand professionnalisme.

Et, rassurez-vous, la présence d’un représentant des droits humains n’est pas nécessaire, puisque l’interrogatoire sera fait dans les normes. Si le patron de l’aéroport en ressort ensanglanté, c’est qu’il aura raté une marche.

Dans ce pays, les prisons ne désemplissent pas. C’est la preuve que la Justice travaille. Et le peuple doit bien aimer ces méthodes, puisqu’à chaque fois il élit les Obiang ; mieux, la Guinée équatoriale bénéficie de la magnanimité des puissances occidentales, qui ferment les yeux sur cette gestion exemplaire du pouvoir.

Au Nord, il fait bien froid pendant l’hiver, et il ne faut surtout pas manquer de pétrole pour le chauffage. Alors, autant ne pas frustrer le fournisseur et baisser pudiquement les yeux lorsque les esprits chagrins parlent de certaines pratiques chez les Teodoro Obiang. Ne vaut-il pas mieux aller voir là où ça ne va pas, en tournant le regard vers les pays qui n’ont pas d’or noir par exemple ?

Les élections passent et Teodoro Obiang Nguema demeure. Et s’il gagne moins de 97,1% à l’issue de l’élection du 29 novembre 2009, ce sera un drame national. C’est d’ailleurs la norme presque partout en Afrique, où beaucoup de chefs d’Etat sont trop aimés du peuple :

en Egypte, en Ethiopie, au Zimbabwe ou au Burkina par illustration. Et Dieu seul sait combien ça ne coûte pas, ces présidentielles qui confirment leur popularité ; en investissements humains, matériels et surtout financiers.

Mais, comme les bons dirigeants, on n’en trouve pas à tous les coins de rue, il faut bien faire des sacrifices pour que celui qui occupe le plus moelleux des fauteuils y reste. Car le coût des élections ne révulse personne.

A titre d’exemple, au Burkina, pour la présidentielle 2005, le logiciel Oracle, qui a permis l’informatisation du fichier électoral, n’a coûté que 98 millions de francs CFA. Le montant de l’ensemble de l’informatisation s’est élevé à 2 598 660 375 F CFA ; sans compter les autres grosses dépenses, dont les factures sont tout aussi insignifiantes. La démocratie n’a pas de prix, diront les têtes bien pensantes. Soit.

Mais ne serait-il pas plus sage d’investir cet argent, servant à élire toujours le même candidat, dans le développement local ? Puisque le bien-aimé dirigeant suprême est aimé à vie par les populations, ces dernières voudraient qu’il se tourne vers d’autres préoccupations : qu’il y ait plus de barrages, de fontaines ou de centres de santé. De toutes les façons, quand les sujets ne voudront plus du leader national, ils passeront par la rue pour le lui faire savoir et le remercier par la même occasion pour les énormes sacrifices qu’il a consentis pour eux.

Issa K. Barry

L’Observateur Paalga

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