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Différend frontalier Burkina-Niger : On boucle ses valises pour la Haye

Publié le lundi 23 novembre 2009 à 03h57min

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Ça y est ! Le Burkina et le Niger ont fini leur partition avec cette signature des documents de ratification du compromis de saisine de la Cour internationale de Justice (CIJ) qui a eu lieu à Ouaga dans l’après-midi du vendredi 20 novembre 2009. Reste maintenant à attendre la décision de la haute instance juridictionnelle basée aux Pays-Bas et, surtout, à bien gérer la zone litigieuse entre les deux périodes charnières.

« Les dieux du fleuve étaient de la partie », titrions-nous dans notre édition du mercredi 26 février 2009, pour camper l’ambiance dans laquelle s’est achevée la rencontre à Niamey entre les parties burkinabè et nigérienne, ayant signé le compromis pour la saisine de la Cour internationale de Justice. Neuf mois après, presque jour pour jour, peut-on dans la même vaine inspiratrice dire que les dieux du fleuve Kadiogo (1) étaient de la partie ? Peut-être, sauf qu’il n’y avait pas de grand suspense prévisible, sauf tremblement de terre, pardon, de frontière.

Le plus dur ayant été déjà fait dans la capitale nigérienne. La petite différence à Ouagadougou, c’est que le climat était encore plus détendu, et les billes des stylos qui ont servi à signer les documents ont exécuté leur mission sans grincement aucun. Mais que s’est-il passé entre le 24 février 2009 et le 20 novembre 2009 et qui explique la cérémonie qui s’est tenue vendredi dernier dans la salle de rencontres du ministère des Affaires étrangères ?

Cette plage de temps a permis d’harmoniser les différents points de vue et surtout donné la latitude aux Parlements respectifs d’examiner la proposition de saisine et de l’accepter. Ce qui lui donne désormais une force exécutoire. En français facile, cela signifie que, désormais, la balle est dans le camp de la Cour internationale de Justice de la Haye (Pays-Bas), la plus haute institution juridique internationale chargée de régler définitivement un litige frontalier. Au propre comme au figuré, l’on peut donc annoncer que les valises ont été bien bouclées avant pour la Haye.

Peut-on conclure pour autant que tout est bien qui finit bien ? Oui pour ce qui concerne ces différents préalables. Mais il n’en est pas forcément de même pour ce qui concerne le terrain. En effet, entre ce compromis de saisine et la décision de la CIJ, il peut s’écouler un temps qui pourrait paraître long selon les urgences du moment. Les juges qui seront commis à cette tâche pourraoent prendre deux, trois ans, quatre ans, voire même plus pour déliberer. Il faudra donc, de part et d’autre, savoir gérer d’ici là avec délicatesse la zone litigieuse.

Le Burkina Faso partage avec le Niger une frontière longue de quelque 600 kilomètres, qui va des hauteurs de N’Gourma située au Nord du Gué de Kabia, jusqu’à l’intersection de l’ancienne limite des cercles de Fada et de Say avec le cours de la Mécrou. C’est le 28 mars 1987 que les deux Etats, dans leur commune volonté affichée de prévenir tout conflit ouvert, ont signé un accord portant sur la matérialisation de cette ligne. Mais depuis lors, et malgré les multiples réunions, tant au niveau ministériel qu’à celui des experts, un consensus n’a pu être trouvé à la satisfaction des deux parties. Néanmoins, 22 bornes sur 45 avaient été plantées par la commission technique mixte d’abornement.

Mais des points de dissensions ont arrêté net cette entreprise. Pire, des incursions de part à d’autre ont fait un peu grincer les dents. Aujourd’hui, les autorités des deux pays qui ont paraphé les derniers documents, lesquels atterriront à la Haye sont formelles. Tout est mis en œuvre pour qu’il n’y ait aucun couac, jusqu’à la décision finale. Les mauvais diables seront donc poursuivis jusque dans leurs derniers retranchements, foi des deux chefs de la diplomatie. Alain Yoda : « Toutes les dispositions sont prises pour que la paix règne au sein de cet espace contesté. Une sensibilisation des populations sera faite pour éviter toute mauvaise interprétation.

En attendant le verdict de la Cour, il sera demandé aux autorités nationales et locales de ne pas faire des actions non concertées dans cet espace ». Dieu soit loué, c’est le même son de cloche chez sa collègue du Niger, Aïchatou Mindaoudou : « Ce sont des engagements auxquels nous avons librement consentis et que nous respecterons. Mon frère du Burkina (Ndlr : Alain Bedouma Yoda) l’a fait remarquer. Pour le Niger, il en est de même. C’est donc un engagement formel que nous respecterons jusqu’au bout ». Néanmoins, il pourrait y avoir d’autres interrogations.

Avec ces nouvelles mesures, qui viennent s’ajouter aux lourdeurs administratives déjà existantes, le développement de la zone contestée et de ses alentours ne va-t-il pas en prendre un coup ? Le ministre d’Etat Alain Yoda a balayé cette éventualité d’un revers de la main : « Absolument pas ! Le Niger va continuer à réaliser des investissements dans la zone non contestée. Le Burkina fera de même. Et les deux populations pourront profiter de ces infrastructures ».

Le 24 février 2009, la délégation burkinabè, qui s’en retournait au pays, a célébré la signature du compromis avec du Kilichi, cette spécialité à base de viande émincée, fumée et séchée. Un mets indissociable de l’image du Niger, comme l’est le poulet bicyclette à celle du Pays des hommes intègres. Avec cette précision, inutile donc de dire quel plat a servi à fêter les derniers paraphes à Ouaga .

(1) Ancien fleuve qui traversait la ville de Ouagadougou, transformé aujourd’hui en canal d’évacuation d’eau. La province qui abrite la capitale du Pays des hommes intègres porte d’ailleurs son nom.

Issa K. Barry


De nos frontières et de celle du Niger avec le Nigeria

Le Burkina Faso partage 3453 kilomètres de frontières avec six pays : le Ghana, le Mali, le Togo, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Niger. Maintenant qu’avec le Niger un compromis est trouvé pour amener le dossier en justice, la seule démarche qui reste à faire aboutir, c’est celle avec le Bénin, avait fait remarquer le ministre de l’Administration territoriale, Clément Sawadogo, le 24 février 2009 à Niamey, à l’issue de la signature de l’accord de saisine. « Vous savez qu’avec ce pays, nous avons un front de l’ordre de 280 kilomètres. Sur une bonne partie, nous nous sommes entendus. Reste une bande de 10 kilomètres située dans la zone de Koalou, qui nous fatigue un peu, parce qu’il y a une contestation au niveau des textes.

Mais, avec les frères béninois, nous travaillons à aplanir nos divergences. Rien que l’année dernière, nous nous sommes retrouvés dans la zone et avons ensemble conclu un dispositif de gestion concertée ». Foi de notre interlocuteur, sur les autres fronts, il n’y a pas de quoi fouetter un voisin. Les bornages du côté du Ghana, du Togo et du Mali s’étant effectués sans grands accrocs. A écouter Clément Sawadogo, il ne reste plus que la délimitation d’avec le Pays d’Houphouët Boigny. Mais, visiblement, avec la Côte d’Ivoire, la situation ne sera pas des plus complexes, étant donné que la nature a déjà fait la moitié du travail avec, par exemple, ces cours d’eau séparant les deux pays.

A propos de frontière justement, l’occasion était belle pour poser une question, qui était d’actualité récente, à la première responsable de la délégation nigérienne. En effet, des bruits avaient couru que le Nigeria avait fermé sa ligne de démarcation avec son voisin du Sud, à savoir le Niger. La presse nationale et internationale s’en était d’ailleurs fait l’écho. A écouter pourtant la ministre des Affaires étrangères et de la Coopération de ce pays, Aïchatou Mindaoudou, ces médias se sont foutu le doigt dans l’œil jusqu’au coude. « C’est vrai que ce bruit a couru.

Mais je pense qu’en journaliste averti que vous êtes, vous avez dû entendre le communiqué officiel du gouvernement du Nigeria faisant état de la fausseté de ces informations. Il n’a jamais été question de fermeture de frontière entre mon pays et le Nigeria. Seulement, il y a un phénomène récurrent qui survient sur cette frontière et qui ne date pas d’aujourd’hui : il arrive souvent que, de part et d’autre, les douaniers prennent des décisions, internes j’allais dire, qui ralentissent parfois le trafic des marchandises. Et ce fut le cas, tout simplement ».

Garba Lompo


Le Gourmantché du gouvernement nigérien

« Le Burkina Faso et le Niger sont unis par la géographie, l’Histoire et le destin…Et ce n’est pas mon frère Garba Lompo qui me dira le contraire », a plaisamment fait remarquer le ministre d’Etat, Alain Bedouma Yoda, pendant son discours. Il faisait ainsi un clin d’œil amical à l’actuel ministre de la Justice du Niger, Garba Lompo, dont les parents sont originaires de l’Est du Burkina, et qui a reconnu avec fierté à l’issue de la cérémonie que : « Effectivement, je suis de la famille de Diaba Lompo.

Mon père, Lompo Tendano, fut ouvrier de l’AOF (Ndlr : Afrique occidentale française) et a donc migré de la Haute-Volta au Niger. Il est toujours là et vit actuellement à Ouagadougou. Mes frères y sont aussi ». Chez notre voisin de l’Est, vivent en effet plus de 600 000 Gourmantchés. Un parlementaire issu de cette ethnie siège même à l’Assemblée nationale du Niger. De ce dernier et surtout de Garba Lompo, qui est aujourd’hui membre du gouvernement, l’on peut dire qu’il s’agit là d’une intégration bien réussie.

L’Observateur Paalga

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