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Débat : “La pertinence de l’orientation du Facilitateur”

Publié le vendredi 20 novembre 2009 à 02h09min

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Pour l’auteur des lignes qui suivent, Blaise Compaoré, le Facilitateur des pourparlers interguinéens, a raison quand il affirme que la construction de la paix ne peut se faire dans l’exclusion. “Il joue quand même gros dans cette affaire”, reconnaît-il.

« La paix ne peut se faire si l’une des parties est exclue ». C’est l’une des déclarations du Facilitateur Blaise Compaoré, qui a fait presque le tour du monde, à commencer par nos Rédactions. « Phrase sibylline », avait noté le quotidien “Le Pays”. Si l’on garde en effet à l’esprit, les paramètres de l’équation guinéenne, marqués par un antagonisme radical entre les protagonistes, la phrase du chef de l’Etat donne déjà l’orientation de sa médiation.

J’étais franchement de ceux qui pensaient que Blaise Compaoré ne devait pas prendre le risque, après les médiations (presque) réussies en Côte d’Ivoire et au Togo, de salir son élogieux palmarès de faiseur de paix par un éventuel échec en Guinée, tant la crise s’annonçait explosive.

Mais « chez les Mossé, on ne refuse pas l’offre d’une médiation pour concilier des parties en conflit », m’a-t-on rétorqué dans un milieu. Mahamoudou Ouédraogo et Me Titinga Frédéric Pacéré me diront si cette donnée culturelle est avérée. Qu’à cela ne tienne, Blaise Compaoré joue quand même gros dans cette affaire. C’est peut-être conscient de la délicatesse et des enjeux de sa mission qu’il a lancé une phrase qui situe clairement les protagonistes de la crise sur l’orientation de sa mission « la paix ne peut se faire si l’une des parties est exclue ».

En termes clairs, il ne pourra jamais être question d’exclusion de la junte de la conduite du processus devant aboutir à la paix, pas plus qu’on ne saura exclure Dadis Camara des futures élections. Nous partageons cette position, mais le Médiateur a incontestablement deux écrans majeurs devant lui : la propension au raccourci des politiciens africains, et l’empressement de la Cour pénale internationale (CPI) à se saisir de certains dossiers, en particulier lorsqu’il s’agit de l’Afrique.

I. Du goût au raccourci des politiciens africains

Les massacres de pauvres citoyens, sans armes, qui s’étaient juste rendus au stade du 28-Septembre pour exercer leurs libertés d’opinions, sont inacceptables et disqualifient en principe la junte de toute vélléité de maintien au pouvoir. Décidément, Dadis Camra n’est pas le Thomas Sankara guinéen que nous attendions, par le choc qualitatif des mentalités qu’il devrait provoquer, comme l’a au moins réussi la révolution burkinabè. Pour autant, les politiciens guinéens ne devraient pas non plus se servir des grossièretés politiques de la junte comme un raccourci pour la conquête du pouvoir. Ceci est une profonde injure au peuple guinéen, seul juge et détenteur de la légitimité suprême.

La seule voie acceptable, c’est de parvenir à l’organisation d’élections ouvertes et transparentes en faisant simplement confiance au peuple guinéen à qui il sera loisible de sanctionner Dadis Camara s’il venait à se présenter au scrutin. Malheureusement, l’approche de l’avenir de la Guinée passe désormais par celui du chef de la junte. Si Dadis Camara réalise que son avenir sera comme celui de Charles Taylor, il faut bien comprendre qu’il ne veuille pas se rendre à Canossa.

C’est pourquoi, et à notre avis, la médiation doit intégrer une mesure de taille : une loi d’amnistie pour les actes du 28 septembre. J’en entends qui crient déjà au scandale ! Mais qu’ils se rassurent, le chemin de la paix passe par là, ou il sera bouché. Blaise Compaoré devrait le réussir, avec l’accord de la communauté internationale qui ne lui facilite pas au demeurant la tâche.

II. La communauté internationale : trop d’empressement qui risque de prolonger le drame du peuple guinéen

L’on brandit déjà l’étendard de la Cour pénale internationale contre Dadis Camara, à un moment où l’avenir de la Guinée est entre ses mains. Quelle myopie de la part de ces institutions internationales, parfois totalement ignorantes des pesanteurs qui marquent la gouvernance en Afrique, quand elles s’empressent d’annoncer des mesures qui sont propres à aggraver les conflits dans les pays. Comment Dadis Camara abandonnera-t-il le pouvoir s’il réalise que son sort est à la CPI ?

Le peuple guinéen est assurément devant un choix cornélien : s’arc-bouter sur les principes au risque de s’engager dans une aventure dont personne ne saurait prévoir l’issue, ou considérer le massacre de citoyens innocents auxquels l’on a refusé le droit constitutionnel le plus élémentaire comme le tribut à payer pour redonner espoir à un peuple qui a tant souffert de ses dirigeants (Sékou Touré, Lassana Conté et aujourd’hui Dadis Camara).

A quand la Guinée ?

C’est aux Guinéens de répondre à cette question : peut-être au terme d’une journée nationale du pardon (comme on l’a fait ici au Burkina Faso), pour exorciser le mauvais sort qui semble frapper le peuple guinéen. Il en est ainsi, parce que les grands peuples ont parfois tiré leur grandeur et leur stabilité d’absurdités et de cruautés historiques inacceptables. Tant au plan individuel qu’à l’échelle d’un Etat, il y a parfois des élans de transcendance et de stoïcisme à réaliser : ils ont un prix qu’il faut payer. Le peuple guinéen est-il prêt dans cette démarche réconciliatrice avec sa propre histoire ?

L’avenir nous le dira

En attendant, l’orientation du Facilitateur, qui est des plus pertinentes, devrait probablement aller dans ce sens, sauf à s’inscrire dans une longue transition pour donner le temps au peuple guinéen de cicatriser ses plaies par une profonde introspection.

Justin K. Tionon : Administrateur des Postes, Chargé de mission au Conseil supérieur de la communication, Chevalier de l’Ordre du mérite

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 20 novembre 2009 à 10:01, par Paris Rawa En réponse à : Débat : “La pertinence de l’orientation du Facilitateur”

    Juste deux questions de principes essentiels :

    1- User de palabres dites africaines au mépris de la vérité et de la justice la plus élémentaire pour aboutir à ce que le bourreau qui tue sans hésiter continue à dominer le peuple qu’il terrorise ; est-ce cela une paix, une réconciliation, le pardon que l’on voudrait pour les peuples africains ?

    2- Est-ce que la souveraineté du peuple ne deviendrait pas une pure illusion (simple vue de l’esprit) si ce peuple en arrive (par sagesse pacifiste, par calcul prudent ou par désespoir et lassitude) à renoncer à s’insurger contre l’inacceptable, de peur que le dictateur devienne plus violent ?

  • Le 22 novembre 2009 à 22:40 En réponse à : Débat : “Le Président COMPAORE est en panne, qui peut l’aider ?”

    Bonjour Chers Amis Lecteurs du Fasonet,

    Il est indéniable que le Président Blaise COMPAORE a pris l’habitude de nous habituer aux plans de réconciliation notamment en Côte d’Ivoire où la situation va "péter" avant 2010 si le Président Coudou Laurent GBAGBO n’organise pas les élections et au Togo où le let motiv est le maintien de la continuité de la dynastie Eyadéma même après la mort du terroriste Ernest.
    Cependant, pour la situation en Guinée, je suis convaincu que le Président COMPAORE est en panne de solution.
    Si quelqu’un lit le Fasonet pour lui, voici le conseil gratuit que je lui donne : Demander au Président Dadis CAMARA de partir avant de revenir, sinon, c’est le spectre de feu le Général GUEYE qui le guette.
    Si Dadis CAMARA a le courage d’accepter une telle solution, il en sortira grandi et les institutions pénales internationales mettront de l’eau dans leur vin.
    Conclusion : Il appartient au facilitateur burkinabé d’intégrer cette donnée (à savoir la tendresse de la Communauté internationale. N’oublions pas qu’avec l’argent consacré à cette crise, on peut faire manger tant de nombreux guinées que de nombreux burkinabé pendant 3 mois. Baark Biiga, France.

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