Doit-il cette rectification communicationnelle à Blaise ? Peut-être. Car sans doute ce dernier lui aurait appris que moins un chef bavarde, plus il constitue l’ultime recours, parce que le jour où il sort de son mutisme, sa parole vaut son pesant de rempart. La communication quotidienne est laissée aux personnes chargées de la faire. Le facilitateur le sait bien, puisqu’une de ses forces réside dans ses silences, assourdissants.

Cette nouvelle posture de Dadis lui a été probablement conseillée par ses proches affidés que sont Frédéric Kolié, ministre de l’Administration et des Affaires politiques ; Alexandre Cécé Loua (Affaires étrangères) ; Kélétigui Faro (secrétaire général à la présidence) ; et, surtout Chérif Idrissa, ministre de la Communication à la présidence. Une attitude qu’il faut, du reste, saluer, car elle expose moins Dadis.

Cependant, et on s’en doutait, cette éclipse médiatique du premier magistrat guinéen préparait quelque chose. Subrepticement, on semblait concocter un marchepied ou plutôt un boulevard pour Dadis : voici que l’Union guinéenne pour la démocratie (UGD) sera bientôt portée sur fonts baptismaux. Ce sera le parti de l’homme du 23-Décembre, Dadis en personne. Même s’il est vrai que ce sont ses principaux lieutenants qui vont l’animer. Les tirs du capitaine Dadis se précisent.

Cette fois-ci semble la bonne, puisque, dans un passé récent, le Parti national pour le renouveau (PNR) avait eu les mêmes ambitions, lesquelles avaient fait flop.

Alors que les pourparlers débutent en principe aujourd’hui 19 novembre 2009, se profile donc à l’horizon cette formation politique du chef de l’Etat. Or la conquête du pouvoir est consubstantielle à la création d’un parti. Dadis aurait voulu affirmer haut et fort que « je me présenterai à la prochaine présidentielle » qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Qu’on n’oublie pas que son modèle est le président mauritanien Abdel Aziz, qui, lui aussi parvenu au pouvoir par un coup d’Etat, a été absous par les urnes !

De la pure provocation ? La nique qu’il veut faire aux Forces vives, qui demandent son départ ? Pas du tout, car, si certaines fortes personnalités du Forum des Forces vives ont toujours soutenu que Dadis n’a jamais affirmé expressément qu’il veut légaliser son pouvoir, la position du CNDD, elle, n’a jamais varié d’un iota sur la question du départ de son leader : « Ce ne sont pas les Forces vives qui ont installé Dadis au pouvoir ce ne sont pas à elles de réclamer son départ ». Cette antienne est serinée comme réponse à la revendication matricielle des FFFVG.

Le CNDD a-t-il saisi ce qui lui semblait une perche tendue par le facilitateur ? Blaise a en effet laissé entendre le 11 novembre, après réception du mémorandum du CNDD, que « la construction de la paix ne peut se faire dans l’exclusion de Guinéens ». Evidemment, un tel propos, lâché dans ces circonstances, donne lieu à toute sorte d’herméneutique (la science des interprétations) que même Paul Ricœur, le père de cette discipline, ne saurait épuiser.

Blaise voulait-il signifier que le processus en Guinée ne peut pas se faire sans Dadis ? Veut-il rappeler à ceux qui exigent la dissolution de la junte comme préalable à toute négociation qu’il faut bien qu’il y ait quelqu’un en face pour négocier ? Possible. Car on l’a vu dans le dossier togolais : au fil des négociations il avait fini par faire comprendre à l’opposition qu’il fallait qu’elle cesse de nier la légitimité de Faure pour pouvoir avancer dans les pourparlers.

Avec ce parti en gestation, Dadis réaffirme qu’il est un élément capital dans le puzzle guinéen. L’oublier serait une erreur. Et les Forces vives devront en tenir compte pour échafauder leur stratégie. Au moins avec cette donne, qui n’est pas tellement nouvelle, les choses se dessinent en Guinée.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga