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Accord d’ACCRA : Gbagbo, dos au mur ?

Publié le jeudi 5 août 2004 à 18h15min

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L’accord intervenu à Accra au Ghana entre les protagonistes de
la crise ivoirienne et censé réactiver les accords signés à la fin
de janvier 2003, en région parisienne, a-t-il, pour de bon, mis
les accords de Marcoussis sur les rails ? On l’aurait pensé si
les interprétations divergentes, voire les élucubrations de toutes
sortes de la classe politique ivoirienne n’avaient pas
accompagné ledit accord.

Sur les bords de la lagune Ebrié, tout
semble en effet laisser croire que chaque camp voit l’accord
d’Accra à travers le prisme de ses intérêts et ambitions
politiques. Charles Blé Goudé, leader des « jeunes patriotes »,
milice du président ivoirien, Laurent Gbagbo, n’a pas hésité à
dire que l’accord d’Accra risque de créer encore d’autres
polémiques, parce que imprécis. Et parmi les journaux ivoiriens
qui exprimaient un certain pessimisme sur le règlement de la
crise ivoirienne.

Il y a "Le courrier d’Abidjan", journal proche de
la présidence ivoirienne, qui titrait : « Le désaccord d’Accra III, un
texte qui dit tout et son contraire ». Quoi qu’on dise, le président
ivoirien vient de franchir un pas important, même s’il semble y a
avoir été forcé, en apposant à Accra, et ce, pour la première fois,
sa signature au bas d’un document où il s’engage à apporter
des réformes politiques, notamment sur les conditions
d’éligibilité à la présidence de la République. Cette fois, il n’a
pas subi la pression des "néocolonialistes", Accra III ayant été la
version « tropicalisée » de Marcoussis. Gbagbo ne pourra pas
dire qu’il y a eu puissances étrangères, ou arbitres étrangers.

Cette rencontre n’ayant rassemblé que des chefs d’Etat
africains, sous la férule du secrétaire général de l’ONU, Kofi
Annan.
Laurent Gbagbo va-t-il pour autant aller jusqu’au bout de sa
logique en respectant ses engagements ? C’est une ligne
rouge qu’il franchirait en tout cas, si cette fois-ci, il reniait ses
propres engagements.

D’abord parce que le président ghanéen
John Kufuor, qui n’entend plus passer son temps à recevoir les
frères ennemis ivoiriens sur ses terres, (occupé qu’il est à
préparer les échéances électorales futures), a averti qu’il n’y
aura plus d’Accra IV. Ensuite parce que ses pairs africains et
Kofi Annan ont opté de lui faire confiance pour la mise en œuvre
des dispositions arrêtées à Marcoussis devant conduire à des
élections libres, transparentes et ouvertes. Laurent Gbagbo a-t-il
le dos au mur ?

En tout état de cause, le président ivoirien devrait, avoir la
sagesse de ne plus se contredire. Sinon, il court le risque de
perdre toute estime aux yeux de ses pairs et finalement d’agacer
tout le monde, la communauté internationale y comprise.
Evidemment, cette logique n’est peut-être pas celle du président
ivoirien et de ses irréductibles partisans. A maintes reprises,
aussitôt revenu de grandes rencontres régionales comme
internationales consacrées à la crise ivoirienne lors
desquelles d’importantes résolutions avaient été prises,
Gbagbo a foulé au pied ses engagements et montré qu’il avait
plus d’un tour dans son sac. La présence d’une forte
délégation de patriotes à Accra, que Gbagbo a l’art
d’instrumentaliser, sera-t-elle le signe que le même scénario
sera réédité à Abidjan ?

Aussitôt l’accord signé à Accra, qui prévoit que le chef de l’Etat
doit user de tous ses pouvoirs constitutionnels pour faire
adopter un amendement à l’article 35 de la constitution, voilà
que la polémique sur la question de l’éligibilité resurgit. Pire,
alors que les partisans du président considèrent que les forces
rebelles devraient d’abord être désarmés avant que les
questions cruciales des accords de Marcoussis ne soient
abordées, les Forces nouvelles, quant à elles, tiennent d’abord
aux réformes politiques, sans lesquelles « aucun désarmement
ne pourra être effectif ».

Par ailleurs, même si la proposition
d’amendement de l’article 35 de la Constitution est déposée
devant le parlement, pour que les députés l’envoient devant le
peuple afin qu’il se prononce par voie référendaire, l’état de
déliquescence du pays et la partition de fait du territoire peut-il
permettre cette consultation ? En définitive, cette situation ne
profite-t-elle pas à Gbagbo ? Il ne saurait y avoir de référendum
sans paix.

En outre, ses pairs, en décidant de laisser Laurent Gbabgo
conduire le processus, sans doute dans le souci de ne pas
l’amener à se radicaliser, ont-ils fait le bon choix ?
Enfin, en Côte d’ivoire, une mission d’enquête de l’ONU vient de
découvrir trois charniers contenant au moins 99 corps,
consécutifs à des combats ayant opposé deux groupes rivaux
des Forces nouvelles à Korhogo. Si ce charnier avait été
découvert avant le sommet d’Accra, il représenterait pour
Gbagbo, des cadavres exquis.

C’est peut-être une chance pour
Accra III que cette découverte macabre survienne après le
sommet. Dans le même régistre, il faut saluer l’initiative des
sanctions que les Nations Unies prendraient en cas de non
application des accords d’Accra. De même, il faut se réjouir
qu’un comité restreint de chefs d’Etats ait été mis en place pour
suivre l’application des accords. Car la faiblesse de ce genre de
rencontres au sommet, reste le suivi sans lequel pourtant, tout
demeure nul et sans effet.

Le Pays

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