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Assemblée nationale : Au rapport, chers Honorables !

Publié le vendredi 6 novembre 2009 à 01h50min

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Comme tout le monde est censé le savoir, Blaise Compaoré, le chef de l’Etat burkinabè, remettra (très sportivement) son mandat en jeu en 2010. Dans la foulée, des élections législatives devraient (théoriquement) suivre. Question pour le peuple d’assurer au nouvel élu - ou à la nouvelle élue - une majorité parlementaire, pour lui permettre d’entamer sereinement la mise en œuvre de son projet de société.

Mais quelle est la nature exacte du régime burkinabè : « Hyperprésidentiel » ? « Très très présidentialiste » ? Ou « moins moins parlementaire » ? En attendant que les juristes sérieux trouvent la réponse à cette équation, sans polémique aucune, il serait bon de s’arrêter sur le bilan de nos parlementaires, à la veille de la présidentielle.
Ces élus (ils sont 111 depuis les dernières législatives de 2007) tentent, à leur façon, de résister au rouleau compresseur de Kosyam. Ce qui n’est pas chose aisée, il faut le reconnaître. Surtout dans un contexte marqué par la toute-puissance d’un exécutif qui semble n’avoir de limite que dans le plein exercice de son pouvoir. Quitte parfois à en imposer et éventuellement à en abuser.

Quel élu, fût-il de la majorité présidentielle ou de la mouvance, oserait tenir tête à l’homme fort de Ziniaré ? Particulièrement bien inspiré, Simon Compaoré, le maire de Ouagadougou, a accepté de se jeter à l’eau. Il est, dit-il, à son aise à l’hôtel de ville et aucun fou ne pourrait le convaincre de lorgner la présidence du Faso. Voilà qui est bien dit.
Chef de l’Etat, président du Conseil des ministres, chef suprême des Armées, président du Conseil supérieur de la magistrature, président du Conseil national de lutte contre le SIDA et les IST, docteur ès-crises, médiateur-facilitateur interplanétaire, Docteur Honoris causa des universités... En un mot, une carte de visite chargée pour le « PF ».
Dans ces conditions, le vote de la loi et le contrôle de l’action gouvernementale s’assimilent parfois à un exercice de pure forme. Protégé par son fusible, le chef du gouvernement, ce monarque républicain, fort de ses 22 ans de règne sans partage, peut dès lors savourer son irresponsabilité devant un parlement docile et tout acquis à sa cause.

En France, « Napoléon Sarkozy » l’a si bien compris qu’il a décidé d’aller lui-même discourir au Palais Bourbon. Blaise Compaoré en fera-t-il de même un jour ? Ce n’est pas impossible. De toutes les manières, il n’y aurait aucune honte à cela, puisque nos références administratives, juridiques et politiques sont héritées du modèle français.
Pour éviter de se tourner les pouces sur les fauteuils rembourrés de l’hémicycle, des députés burkinabè ont trouvé la parade : organiser des compétitions sportives dans leurs circonscriptions respectives. D’autres encore font dans l’élevage et dans l’agrobusiness, activités sur lesquelles il n’y aurait rien à redire, à part qu’elles ressemblent parfois à des opérations de marketing politique.

La finalité, on la connaît pourtant : témoigner au premier magistrat du « pays des Hommes intègres » de son propre attachement à ses idéaux de « progrès continu ». En plus de cela, ils espèrent redorer leur image passablement ternie par des accusations de prévarication et de scandales financiers. Régulièrement interrogés par la presse, nombre de citoyens n’hésitent pas à critiquer de manière virulente le train de vie des députés, en comparaison de leur apport dans le processus démocratique national.
On peut noter à ce propos que le relèvement substantiel de leurs indemnités de sessions parlementaires, l’assiettée servie à leurs tendres moitiés, l’affaire des prêts automobiles, le rapport charcuté de la commission d’enquête parlementaire sur les produits de grande consommation, le scandale des millions du président du Faso... ont contribué, et ce depuis 1992, à porter constamment les élus au-devant de la scène médiatique.

Ces derniers mois, l’institution dirigée de main de maître par Roch Marc Christian Kaboré a semblé vouloir recadrer le tir. C’est ainsi que l’on a assisté à des échanges particulièrement animés à propos de dossiers tels que le nomadisme politique, les réformes politiques et plus récemment encore la désignation du chef de file de l’opposition. A cela, l’on peut ajouter le bégaiement de certains membres du gouvernement face aux questions orales des députés. Seul devant la représentation parlementaire, plusieurs membres du gouvernement Tertius ont eu du mal à convaincre quant à leur maîtrise des dossiers.

Mais pour autant, personne n’a oublié l’étonnante volte-face du Congrès pour la démocratie et le Progrès (CDP) au lendemain des élections législatives de 2002. Lesquelles avaient ouvert grandement les portes du parlement à l’opposition. Au point que beaucoup recommençaient à rêver... Malheureusement pour ces derniers, les réformes qui avaient contribué de manière consensuelle à ce repositionnement stratégique ont été revisitées de manière unilatérale par le parti au pouvoir, au motif que le mode de scrutin le défavorisait. Résultat final, c’est une assemblée quasiment monocolore qui est en place depuis bientôt trois ans, avec des opposants noyés dans un rapport de « 1 contre 10 ». Autant dire de la figuration.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’attention de l’opinion est captivée, ces derniers jours, par la sortie médiatique de Mahama Sawadogo, le prédisent du groupe parlementaire de la majorité. Ce dernier a laissé entendre, en des termes qui ne souffrent l’ombre d’aucun doute, que l’article 37 de la Constitution va connaître à nouveau une chirurgie esthétique.

A. Traoré

Le Journal du Jeudi

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