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Sommet d’Accra III : Une participation active du Burkina Faso

Publié le lundi 2 août 2004 à 13h49min

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Montré du goigt au lendemain du déclenchement de la crise ivoirienne comme l’un des principaux "fauteurs de guerre", le Burkina Faso a su garder la hauteur d’esprit requise pour éviter une polémique dangereuse, tout en œuvrant concomitamment à la recherche de la paix en Côte d’Ivoire, pays frère et ami. De Bamako I à Accra III, Marcoussis, Bamako II, le Burkina Faso était présent sur la longue route du retour à la paix.

A Accra III, cette option pour la paix aura été couronnée, le président du Faso ayant été au centre du compromis politique intervenu entre les protagonistes de la crise ivoirienne.

Après avoir reçu tard dans la nuit du jeudi 29 juillet le leader du RDR, Alassane Ouattara, la journée du 30 juillet aura été particulièrement chargée pour le Chef de l’Etat. Entretien avec le leaders des Forces nouvelles (sur lesquels il jouit d’un magistère moral pour les avoir accordé l’asile politique pendant leur "errance") pour infléchir leur position, discussions avec le président Gbagbo pour certainement lui faire comprendre la gravité de l’heure et la nécessité de mettre de l’eau dans son vin, échanges avec Seydou Diarra pour le rassurer de son soutien, la diplomatie "souterraine" burkinabè a été active et efficace à Accra III.

Le président ivoirien lui ayant donné des gages de sa bonne foi à Bamako II, sur le respect des orientations données par la grande commission mixte ivoiro-burkinabè tenu les 15 et 16 juillet à Abidjan, Compaoré ne pouvait que hâter cette occurrence en aidant à la résolution des contradictions inter ivoiriennes. Car, faut-il le rappeler, le souci majeur du Burkina Faso tout au long de cette crise aura été le sort de nos compatriotes vivant en Côte d’Ivoire. Un souci qui aura grandement guidé la position de sagesse du pays face à certaines dérives du camp d’en face. Car, faut-il le rappeler, "on ne brûle pas une forêt où on a beaucoup de sauterelles".

Et, Dieu seul sait que les "sauterelles" burkinabè sont nombreuses dans la forêt ivoirienne. Voilà pourquoi le Faso s’en tenait à l’application stricte et entière des Accords de Linas-Marcoussis qui garantissent la sécurité physique et matérielle de ses ressortissants en Côte d’Ivoire. Une constance réaffirmée à Accra par Blaise Compaoré qui a souligné que les Accords de Marcoussis sont "un outil irremplaçable dans le cadre de la résolution de la crise ivoirienne".

Certains enjeux de la transition (notamment ceux de la "gouvernance de la transition") ayant été "clarifiés" à Accra III, le Burkina ne peut être que "satisfait" des conclusions du sommet. Un départ "nouveau avec beaucoup plus de visibilité dans l’application de Marcoussis", toute chose qui autorise à "la sérénité et à la confiance" dans l’avenir.

Boubakar SY


Le compromis politique

Sous l’égide des Nations-unies et le magistère des "poids lourds" de l’Union africaine, le Sommet d’Accra III, "étape décisive et essentielle" (Blaise Compaoré dixit) sur le chemin de la réconciliation en Côte d’Ivoire, s’est tenu les 29 et 30 juillet derniers. Les attentes n’auront pas été déçues suite au compromis politique qui a été obtenu entre les protagonistes de la crise. Cependant, seul le temps nous permettra de juger de la consistance de ce "deal" qui s’apparente beaucoup à un succédané de Marcoussis.

"C’est Marcoussis sous tropiques", s’est exclamé un confrère libérien avec lequel nous échangions sur les conclusions du Sommet d’Accra III, dans le hall du "Homowo Conférence Center" où se déroulaient les travaux. Un Marcoussis bis si tant est que lesdites conclusions reprennent dans le détail (en les adaptant à l’air du temps) les "orientations" données par la réunion interivoirienne de janvier 2003 à Marcoussis et à Kléber et "affinées" par le Sommet d’Accra II en novembre 2003.

Pour l’essentiel, il s’agissait dans l’esprit de ces Accords "d’assainir" les règles du jeu politique en Côte d’Ivoire, pour parvenir à la paix tant voulue par tous.

Un assainissement qui passait par l’abrogation des lois scélérates (sur l’éligibilité, la nationalité, le code foncier, le statut des étrangers, le droit et la liberté de la personne humaine...) lesquelles, conjuguées à une gestion nombriliste, voire clanique du pouvoir d’Etat après octobre 2000 avaient entraîné l’explosion sociale. Accra III y est parvenu en obtenant la révision de l’article 35 de la constitution ivoirienne (sur les conditions d’éligibilité) et l’adoption rapide des "lois marcoussissiennes" encore en souffrance. Et, fait majeur, le président Laurent Gbagbo a paraphé le communiqué final, ce qui l’engage personnellement à respecter l’échéancier fixé.

Dès lors, et la réintégration des ministres "déflatés" du gouvernement d’union nationale ayant été obtenue, celui-ci pourra se remettre au travail dès cette semaine comme convenu. Toute chose qui permettra d’entamer le désarmement et la réintégration de toutes les factions militaires au sein de l’armée nationale ivoirienne pour ceux qui le désirent.

Pourquoi Gbagbo a cédé

C’est dire que l’on aurait pu raccourcir le chemin de la paix en appliquant dès le départ Marcoussis. Principal comptable de cette "prolongation" de la douleur d’un peuple, le président ivoirien et les faucons de son camp qui se sont toujours réfugiés derrière la légalité constitutionnelle pour faire des misères à Marcoussis.

Sûr de sa force et ayant verrouillé le système par le biais des alliances claniques et des espèces sonnantes et trébuchantes, Gbagbo laissait pourrir la situation pour mieux en profiter. Et comme dans le même temps les Forces nouvelles étaient en proie à la division, le temps travaillait pour lui.

Deux erreurs de "jeunesse" auront cependant renversé la situation en amenant la communauté internationale à s’impliquer davantage et avec fermeté dans la résolution de la crise. Il s’agit des tragiques événements des 25 et 26 mars 2004 où le pouvoir avait fait donner du canon contre de paisibles manifestants de l’opposition et du "décagnotage" de trois ministres du gouvernement en mai 2004. Devant l’ampleur des massacres des 25 et 26 mars, l’ONU ne pouvait plus rester passive, sauf à vouloir être comptable de ceux-ci. Et puis en limogeant les trois ministres, Gbagbo paraissait comme le "principal obstacle" à la paix, car il mettait ainsi fin aux Accords de Marcoussis. Kofi Annan a donc tapé du poing sur la table à Accra, en indiquant que "les Nations-unies, la CEDEAO et l’UA s’engagent à soutenir les efforts des Ivoiriens pour mettre fin à la crise et pour restaurer la paix et la prospérité en Côte d’Ivoire".

Pour ce faire, "un chronogramme clair et précis" devra être établi pour le DDR (désarmement, démobilisation, réintégration). Cela "aidera" à la réunification de la Côte d’Ivoire.

Ce chronogramme devra aussi être utilisé pour "la remise en marche de l’administration et des services publics à travers tout le pays". Et Kofi Annan d’avertir que "partout où de besoin nous (l’ONU) interviendrons pour débloquer les situations conflictuelles". Son représentant spécial en Côte d’Ivoire le tiendra "informé" de l’évolution de la situation et, il en instruira le Conseil de sécurité. Kofi Annan terminera en appelant à la responsabilité de chaque leader ivoirien.

"Au final, le peuple ivoirien et la communauté internationale vous jugeront à l’aune de vos actions". Dès lors, le compromis politique ne pouvait qu’être obtenu, même si les discussions auront été âpres et l’atmosphère quelque peu polluée par la présence bruyante d’une poignée de "jeunes patriotes" tout le long des travaux.

Une présence qui doit renforcer la vigilance de tous les hommes de paix qui ont permis après Accra III, au peuple ivoirien de rêver à nouveau à des lendemains meilleurs.

Boubakar Sy
(Envoyé spécial à Acca)


Esprit es-tu là ?

Aussitôt les grandes conclusions du Sommet d’Accra III connues que des voix discordantes s’élèvent pour troubler le "chant de la paix" entonné par les leaders politiques ivoiriens à Accra. Certains milieux des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI) ont en effet déclaré qu’ils ne se sentaient pas "concernés" par la restructuration de l’armée telle que prévue par les Accords d’Accra III. Quand on sait, par ailleurs, qu’au cours du Sommet, les discussions auront été âpres entre les tenants de l’article 35 "nouveau" et ceux de la mouture ancienne (principalement le camp présidentiel), on peut se demander si les protagonistes de la scène politique ivoirienne qui ont les mêmes rêves, dorment sur le même lit.

En effet, l’article 35 aura contribué grandement à la fracture sociale et politique en Côte d’Ivoire, si tant est qu’il "ostracisait" Alassane Dramane Ouattara, dans lequel beaucoup d’Ivoiriens se reconnaissent. Avec les "femmes" du président Gbagbo qui ont clamé tout au long du Sommet que "Gbagbo est Ivoirien et ADO étranger", on s’aperçoit que "l’esprit ivoiritaire" règne toujours en maître à certains niveaux. Si le chef a été contraint de négocier la "capitulation" (au prix peut-être d’une amnistie générale pour tous les crimes commis), certains de ses oailles refusent toujours de partager le pouvoir. "Les autres ont bouffé pendant 40 ans. Maintenant que c’est notre tour de bouffer, ils nous em..." Voilà la philosophie de ces personnes souvent bien sous tous les rapports (suivez notre regard) et qui constituent le principal danger pour un avenir apaisé de la Côte d’Ivoire.

C’est ce dernier carré d’irréductibles que le président Gbagbo devra ramener à la raison pour donner des gages de sa bonne foi. Alors, seulement l’esprit de la réconciliation sera vraiment présent en Côte d’Ivoire.

B.S.

Sidwaya

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