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SECOND TOUR EN AFGHANISTAN : Une leçon pour l’Afrique

Publié le jeudi 22 octobre 2009 à 03h45min

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Deux mois après le scrutin présidentiel en Afghanistan, les résultats sont enfin tombés. La Commission électorale indépendante donne 49,67% des voix au président sortant, Hamid Karzaï. Il n’a donc pas la majorité pour gagner au premier tour. Mais au vu des résultats, cela s’est joué à quelques centaines de voix près. Voilà donc Karzaï contraint à un second tour, une épreuve dont il se serait bien passé n’eût été cette présence massive et désormais encombrante des observateurs des Nations unies. Dès lors, on comprend le temps mis pour arriver à cette décision d’organiser ce second tour. Les odeurs de fraude qui ont émaillé le scrutin ont fini par avoir raison de l’entêtement de Karzaï à passer en force dès le premier tour.

Ces alliés, les Américains surtout, ont mis tout leur poids dans la balance pour ne pas cautionner un hold up électoral qui, malgré tout, aurait servi leurs intérêts : Karzaï est leur homme, il est au pouvoir et coopère à l’élimination du terrorisme taliban. Le second tour aura lieu le 7 novembre prochain, et rien ne dit que son adversaire direct dont on n’a pas encore révélé le score ne va pas lui mener la vie dure.

De fait, en consentant sous l’effet de la pression des Américains à un second tour qui peut s’avérer périlleux pour son avenir politique, Hamid Karzaï évite à son pays le syndrome africain qui consiste pour un président sortant à organiser des élections et à les gagner absolument. Les dirigeants africains ont tellement peur du scrutin présidentiel à deux tours qu’ils sont prêts à tout pour les éviter, souvent par tous les moyens.

Déjà confronté à la résistance des Talibans, un passage en force, malgré les cas de fraude rapportés, aurait eu l’effet d’ouvrir un second front, politique cette fois, sous la direction de Abdullah Abdullah. C’est un cas de figure qui aurait le désavantage de renforcer l’instabilité dans un pays déjà soutenu à bout de bras par la communauté internationale. C’est une décision qui est donc à l’honneur de Karzaï, même si dans les faits, il ne fait que respecter les principes qui régissent le processus électoral. C’est ce qui manque cruellement à l’Afrique, des hommes de principe et de parole, honnêtes et patriotes.

Malgré tout, le second tour aura lieu. Mais déjà, les leçons sont à tirer. L’Afghanistan, pays en guerre, a réussi à organiser un scrutin présidentiel et où le président sortant est mis en ballottage. Une petite leçon de démocratie, même si elle est sous surveillance américaine, qui indique bien que la voix des urnes honore ceux qui se prêtent à ce jeu. C’est un message aux Talibans qui montre que le changement qu’ils souhaitent peut se faire par la voix des urnes à l’issue d’un débat démocratique, d’un corps-à-corps avec tout le pays pour vendre son programme de société. La violence n’a jusque-là pas permis à ceux-ci d’atteindre leur but. Sauront-ils seulement décrypter ce message, eux qui ont promis de perturber le scrutin ? Ces résultats sont également un avertissement pour Karzaï lui-même et son équipe. Le pays n’est pas totalement en phase avec ses options politique et militaire. Du moins, c’est ce que laissent entrevoir ces premiers résultats et les Américains ne veulent pas prendre le risque de légitimer une administration dont la légitimité est douteuse pour pacifier un pays déjà coupé en deux.

L’expérience afghane devrait inspirer l’Afrique. Mais s’en soucie-t-elle seulement ? Pour les dirigeants du continent noir, l’essentiel, c’est de gagner. Qu’importe la beauté de la victoire. En vérité, l’Afrique est encouragée dans sa ringardise par la fameuse communauté internationale composée essentiellement des pays du Nord, qui regardent la démocratie africaine à travers le prisme déformant de leurs intérêts matériels et géostratégiques. Ce que, en l’occurrence, Américains, Français et Britanniques exigent aujourd’hui de l’Afghanistan, ils devraient également le faire de l’Afrique, véritable sanctuaire des fraudes électorales.

Mais non, ils laissent faire, ils ne disent rien de tous ces hold-up électoraux, s’empressent d’adresser des félicitations parfois anticipées à tous ces anciens futurs présidents africains. Tout cela, parce que c’est l’Afrique, berceau de républiques bananières mais qui comptent beaucoup en termes de géopolitique, de géostratégie et de richesses matérielles. Conséquence : le retard en tous domaines du continent se perpétue au grand bonheur de tous ceux qui, en interne comme à l’externe, se nourrissent des fruits de cette arriération.

Par Abdoulaye TAO

Le Pays

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