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IDRISSA THIOMBIANO, DEPUTE, KOUPIENDIELI DE FADA : "Le Gulmu souffre d’une inertie politique"

Publié le vendredi 16 octobre 2009 à 04h31min

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Homme politique, il est 3e vice-président de l’Assemblée nationale, et doyen des députés. Chef coutumier, il est le Koupiendiéli, roi du Gulmu depuis 2002. Lui, c’est Ardiouma Idrissa Thiombiano qui partage donc l’énergie dont il dispose encore malgré le poids de l’âge, entre l’Hémicycle et la cour royale de Fada N’Gourma. Qui, mieux que « Sa majesté des honorables », pour parler des questions de développement de la région de l’Est ? Nous l’avons donc rencontré à ce propos et il déplore à travers les lignes qui suivent, le marasme économique et la somnolence politique d’une région de l’Est qui ne manque pourtant pas d’atouts pour sortir de sa torpeur.

"Le Pays" : Comment arrivez-vous à concilier vos fonctions de député à l’Assemblée nationale et de roi du Gulmu ?

Idrissa Thiombiano, depute, koupiendieli de fada : Le roi du Gulmu, tout comme le député, a pour responsabilité la gestion des hommes. Dans le premier cas, il s’agit du pouvoir traditionnel, dans le second cas, c’est le vote des lois. Entre les deux fonctions, il n’y a aucune incompatibilité. En tant que député et en tant que roi du Gulmu, je suis chargé d’assurer la paix sociale, l’ordre social dans le pays.

Depuis quand êtes-vous roi du Gulmu ?

Depuis le 20 décembre 2002.

Dans le Gulmu, vous portez le célèbre nom de Koupiendiéli. Quelle signification donne-t-on à cette appellation ?

Le Koupiendiéli signifie la maison en argent. Pas en billets de banque, mais en pièces métalliques, en pièces d’argent. Cela parce que le métal brille et les gens ont tendance à l’admirer. Même les ennemis admirent la maison en argent mais ne peuvent la dénier.

Quelles sont les limites de votre territoire en tant que roi ?

Mon pouvoir s’étend sur le Gulmu tout entier. Et cela représente toute la région administrative de l’Est, c’est-à-dire les provinces du Gourma, de la Tapoa, de la Kompianga, et de la Gnagna, plus deux communes rurales relevant de la région administrative du Centre-Est.

En tant que député, avez-vous actuellement des dossiers particuliers sous la main ?

A l’Assemblée, je gère les dossiers que gèrent tous les autres députés. Je ne suis pas sur un dossier particulier. Je dois peut-être préciser que je préside le Comité consultatif pour la communication. Et à ce titre, nous gérons présentement le dossier de la Semaine nationale de la Culture, Bobo 2010. Je travaille avec les membres de ce comité afin de voir à quel niveau va se situer la participation de l’Assemblée nationale à cet évènement.

De par vos fonctions, vous êtes un acteur privilégié du développement de la région de l’Est. Quels sont d’après vous les principaux obstacles à l’essor économique de cette partie du Burkina ?

En matière de développement, la première difficulté dans le Gulmu, c’est son paysannat. Les pratiques culturales des producteurs agricoles de la région de Fada sont jusqu’aujourd’hui restées très modestes. D’où le faible rendement pour cette région qui a pourtant d’énormes potentialités agricoles et pastorales. A cela s’ajoute malheureusement le fait que les producteurs ne sont pas suffisamment accompagnés par les techniciens. Conséquence : on n’a pas les races d’animaux qui s’adaptent à la région ; les spéculations dans le domaine de la production agricole sont très limitées et en rendement et en qualité. Cette situation freine sérieusement le développement d’une population rurale à 95% qui a même de la peine à assurer son autosuffisance alimentaire, alors qu’elle devrait pouvoir produire suffisamment de sorte à ravitailler les autres régions du Burkina et à réinvestir dans le social.

La région ne regorge pas non plus d’opérateurs économiques…

Pour être opérateur économique dans une localité, il vous faut avoir des potentialités correspondant à votre domaine d’activité économique. Le projet d’élevage qui avait pris corps dans la région et qui, malheureusement a périclité, aurait pu inciter les gens à s’investir dans l’industrie liée à l’élevage. Soit le tannage des peaux, soit l’alimentation basée sur la viande ou le lait. Mais il n’y a rien eu de tout cela. Nous avons seulement une petite laiterie qui ne fonctionne qu’à 10% de sa capacité.

Est-ce qu’il n’y a pas d’opérateurs économiques natifs de la région qui ont plutôt choisi de s’établir ailleurs ?

Je n’en connais que deux. Un qui a une brasserie, et l’autre une société de forage. Peut-être qu’il y en a d’autres qui ont choisi de ne pas se faire connaître.

A côté de ce marasme économique, la région de l’Est, sur le plan politique, est comme un long fleuve tranquille. Est-ce à dire que tout va très bien ou, au contraire, tout va très mal dans l’arène politique ?

Comme vous le dites, il n’y a pas de tension politique à Fada. Il y a plutôt une inertie politique due au fait que les principaux acteurs qui étaient censés faire bouger les choses ont malheureusement pris l’habitude de se contenter du quotidien. On se moque de l’avenir. C’est ce qui explique cette inertie. A titre d’exemple, lorsque vous lisez les différents journaux burkinabè, on y parle toujours des autres régions, et très rarement de l’Est. Il y a très rarement d’articles de journal, de reportages qui s’orientent vers l’Est. Parce qu’il n’y a pas grand-chose à dire sur cette région du fait qu’il ne s’y passe presque rien. C’est une situation qu’il nous faut absolument corriger.

Avez-vous déjà votre petite idée de comment faire pour susciter ce sursaut d’orgueil qui manque à la région ?

Je suis adulte comme les autres. Chacun de nous a certainement des idées à partager. Et je crois qu’il est important que l’on se mette ensemble pour partager les idées. Si chacun se complaît chez lui dans sa petite tranquillité, ce sera malheureusement tant pis pour la région et je déplore une telle situation. A titre d’exemple, j’ai eu à présider deux séminaires aux mois de septembre et octobre. Aucun élu de la région n’y était. Peut-être parce qu’ils n’avaient pas été invités, peut-être parce qu’ils n’étaient pas au courant, je n’en sais rien. De toutes façons, les idées que je suis allé défendre là-bas ne sont pas des idées pour défendre mes intérêts personnelles, mais plutôt des idées pour la culture globale du Gulmu. Je profite de l’occasion pour inviter les filles et les fils du Gulmu à réfléchir et à s’impliquer dans la vie de la région. Il est inutile de se refugier derrière un parti politique et ne sortir la tête que lorsque le parti se décide à financer une activité dans le cadre d’une campagne électorale. Avant et après la campagne et les élections, il y a la vie de tous les jours de la population qu’il ne faut pas oublier.

Vous êtes député ADF/RDA. Comment se porte votre parti dans le Gulmu ?

L’ADF/RDA n’est pas en bonne santé dans le Gulmu. On doit avoir le courage de l’avouer. Mais nous sommes en train d’entreprendre des actions ponctuelles en vue de réactiver les choses dans la perspective des échéances électorales à venir.

Quelle est votre responsabilité au niveau du parti ?

Je suis le troisième vice-président du parti au niveau national. C’est une fonction extrêmement importante, j’en suis conscient.

Propos recueillis par Paul-Miki ROAMBA

Le Pays

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