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Décentralisation au Burkina : Qui sème le « bling-bling » récolte le « beuk-beuk »

Publié le vendredi 9 octobre 2009 à 03h01min

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Au Burkina, le processus de décentralisation est passé à la vitesse supérieure depuis quelques années. Disons-le tout net, il est entré dans une phase hyperactive. Grâce notamment à la communalisation intégrale. Mais, une chose est de vouloir apporter la démocratie à la base, une autre est de pouvoir mettre tout le monde au même niveau de compréhension et d’engagement.

Les collectivités décentralisées rencontrent d’énormes difficultés dans leur fonctionnement. Elles souffrent, en premier, de l’éternelle question du manque de moyens matériels, humains et financiers. L’Etat, dans sa grande bonté, a, certes, promis de doter les différentes structures du minimum vital, question de leur permettre de se mettre en route. Le reste des charges devant revenir aux bénéficiaires, selon une formule bien consacrée. Mais en attendant, le constat est là : le soutien affiché ex cathedra ne suit pas toujours la trajectoire des attentes exprimées par les populations concernées.

A certains endroits, c’est le siège qui fait défaut à l’ensemble du conseil municipal, avec tout ce que cela comporte comme inconvénients. Du coup, le maire et ses conseillers sont obligés, en bons « côcôs », de squatter les locaux qu’on veut bien leur offrir. L’on imagine alors les désagréments qu’une telle situation peut causer, sur le plan de l’affirmation de l’autorité.
Et même lorsque le siège est enfin fonctionnel après une inauguration pompeuse, le chemin de croix ne s’arrête pas pour autant. Car il faut enfin pourvoir aux difficultés du moment, en mettant à profit un budget qui dépasse parfois à peine une bouchée de pain. Il faut aussi et surtout s’occuper des populations qui voient à travers le prisme (réducteur) de la décentralisation un hypothétique retour de l’Etat-providence. Il n’est pas rare de constater que les mairies des zones rurales et même urbaines sont très souvent les lieux privilégiés pour la distribution (gratuite) de vivres à des nécessiteux, ou de semences améliorées aux producteurs locaux. A l’appel du « Père Noël », tout le monde accourt pour recevoir la manne municipale. Dans ces conditions, il est inutile de feindre un quelconque sentiment de désappointement. Pas besoin de « j’accuse », tout le monde est coupable. Y compris ce couple infernal qui a pour noms pauvreté et analphabétisme.

A ce sujet, il est clair que le projet de loi visant à imposer aux maires du Burkina de résider désormais à plein temps dans leurs communes respectives ne va pas être facile à gérer par les élus. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si nombre d’entre eux se refusaient depuis longtemps à déménager de Ouagadougou pour s’installer auprès de leurs chers administrés. Bof, on les comprend quand même ! A Simon city, ils ont, pour certains, le boulot grassement rémunéré. Pour d’autres, c’est la bière glacée ainsi que les brochettes filiformes, savoureuses et prêtes à être croquées à belles dents. Pour dire vrai, Ouagadougou, c’est un peu le jardin d’Eden pour eux ! Mais bientôt, tout cela ne sera qu’un lointain souvenir, après les municipales de 2011. Car, en fait de péché originel, il faut reconnaître que nombre de maires et de conseils municipaux ont mangé le fruit défendu.

En effet, c’est dans le paradis de ses propres ambitions qu’une partie de ces notables de provinces a sombré dans l’ivresse du pouvoir, en accumulant faute sur faute. Dans plusieurs cas, c’est l’épineuse question de la (mauvaise) gestion des parcelles qui a été à la base des bisbilles entre d’un côté l’autorité municipale, et de l’autre, les populations. Sans oublier le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, l’autorité de tutelle, qui veille jalousement au grain.
Dans d’autres cas encore, ce sont des accusations d’abus de pouvoir, puis de malversations qui ont été publiquement révélées. Conséquence immédiate de cette mauvaise gestion, le couperet est régulièrement tombé sous la forme de sanctions. Des maires ont ainsi été déchus et des conseils municipaux dissous. Pour couronner le tout, des élections partielles ont été organisées dans les localités concernées. Même les grandes villes du Burkina à l’image de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso ne sont pas épargnées par cette crise de croissance.
Du haut de leur « longue » expérience, elles doivent faire face à la rudesse de l’apprentissage.

Dans l’arrondissement de Boulmiougou, par exemple, Séraphine Ouédraogo sait ce qu’elle doit à Simon Compaoré : si la bonne dame est encore à son poste, c’est bien grâce à la vigilance du maire de Ouagadougou. Celui-ci, on s’en souvient encore, a volé rapidement au secours de sa collaboratrice, alors que cette dernière était menacée de destitution par une frange hostile de son conseil municipal. Beau geste de solidarité, n’est-ce pas ? Sauf que « Superman » lui-même a été mis au pilori par le rapport de la Cour des comptes, suite à la réfection de l’Hôtel de ville de la capitale à coups de milliards de francs CFA.
A Sya, par contre, c’est la valse des maires qui suscite toujours autant d’indignations de la part des observateurs. Alors que le bourgmestre de la capitale table sur une stabilité de son pouvoir, ce n’est pas le cas dans la “capitale économique burkinabè” où les Bobolais en sont à leur 3e maire, sur fond de bagarres, voire de tragédie.

Le plus affligeant, dans cette affaire de tronches pas toujours bien faites, c’est le désordre qui entoure à chaque fois le changement de maire à la tête de la commune. Qu’on se souvienne : Salia Sanou, actuellement en poste à l’Hôtel de ville, a fait chasser Célestin Koussoubé qui, lui-même, a fait chasser Alfred Sanou. Et bonjour la pagaille !
Aujourd’hui, les deux derniers, ennemis d’hier, siègent (confortablement) ensemble à l’Assemblée nationale. A la différence que ces messieurs n’appartiennent plus au même parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), la formation présidentielle, puisque Koussoubé, en bon nomade politique, a trouvé refuge au sein de l’ADF-RDA.

A. Traoré

Journal du Jeudi

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Vos commentaires

  • Le 9 octobre 2009 à 12:09, par Polpot En réponse à : Décentralisation au Burkina : Qui sème le « bling-bling » récolte le « beuk-beuk »

    Belle analyse. Pas étonnant que le MATD demande que les futurs maires résident dans leur commune. C’est à juste titre puisque la dernière révision salariale et indemnitaire est venu mettre les élus dans des conditions plus que favorable et brimé les travailleurs. Cette injustice comise depuis bientôt 20 mois et toujours en attente de résolution est mise de côté au profit d’autres decrets. Il y aura sans doute un mouvement des agents vers d’autres structure à coup sûr lorsqu’il y aura des avancements qui sont bloqués depuis decembre 2007. En fait beaucoup ne sont pas au courant des lacunes de cette grille à part les catégories qui ont actuellement des pertes conséquentes allant de 35 000 à 10 000 FCFA sur leur salaire.

  • Le 9 octobre 2009 à 14:35, par Kôrô Yamyélé En réponse à : Décentralisation au Burkina : Qui sème le « bling-bling » récolte le « beuk-beuk »

    Je félicite le MATD d’avoir exigé que les maires résident dans les chef-lieux des communes. Seulement les conseillers municipaux comme régionaux doivent savoir que c’est un service public qu’ils rendent et non un lieu pour exprimer une chefferie traditionnelle. On remarque aussi que beaucoup de structures de la décentralisation sont pleines de fonctionnaires en retraite qui y reproduisent souvent les mauvais comportements acquis dans l’administration : courses aux frais de missions, perdiems, et autres avantages. Et c’est ce qui va tuer la décentralisation si on ne fait pas attention. Certains développent des fausses compétitions avec l’administration alors que leurs missions sont différentes (celà signifie qu’ils n’ont pas encore et jusque-là compris leurs rôles d’acteurs de la décentralisation). Voyez les petits projets financés pour développer les activités, beaucoup sont au nom des fonctionnaires en retraite : ce n’est pas mauvais, mais il faut rationaliser. Merci.

    Par Kôrô Yamyélé

    • Le 11 octobre 2009 à 03:38 En réponse à : Décentralisation au Burkina : Qui sème le « bling-bling » récolte le « beuk-beuk »

      Si une commune pense qu’ elle peut voter son maire qui va resider en suisse et faire leur bonheur, quel est le probleme du MATD ? Voila une bonne manier de decentraliser en centralisant ce qui va etre decentralise. C’est a croire que cette decentralisation est faite pour decharger les problemes sur les communes tout en gardant intacte l’ autorite centrale.

      LOP

  • Le 17 octobre 2009 à 13:28, par Boudwarba En réponse à : Décentralisation au Burkina : Qui sème le « bling-bling » récolte le « beuk-beuk »

    Vraiment je n’ai pas trouvé de message dans votre article que je me permets de résumer comme suit : - les communes n’ont pas de moyens et de siège parceque l’état ne tient pas ses promesses ;
    - les maires gèrent mal et sont sanctionné par l’état ;
    - les maires ne veulent pas résider dans les communes rurales ;
    - à Ouagadougou il y a stabilité des maires mais à Bobo il y a chaque fois des changements.
    Tout ça, si on enlève la poésie dont vous avez entourée l’écrit, est vrai. Mais alors qu’en dites vous que proposez vous ?
    J’ai l’impression que vous êtes restés à ses constats parce qu’il vous manque des informations sur la décentralisation. Je vous invite à approcher la CND ou à lire simplement.

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