LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Coopération suédoise au Burkina : Mauvaise gestion du bureau de l’Asdi à Ouagadougou

Publié le vendredi 9 octobre 2009 à 03h02min

PARTAGER :                          

C’est un secret de Polichinelle d’affirmer que les Suédois ne badinent pas avec les questions de corruption et de mauvaise gestion. Mais jusque-là, leur agence de coopération a été rarement prise à défaut. Du moins, au « pays des Hommes intègres ». Cela voudrait-il dire que la gestion était irréprochable ? Peut-être pas.

C’est probablement cela qu’a tenté de dévoiler notre confrère suédois, le quotidien “Dagens Nyheter”, dans sa livraison du 20 juillet 2009, en dénonçant ce qu’il considère comme des « négligences accumulées pendant plusieurs années » par la section de coopération au développement de l’ambassade de Suède au Burkina Faso. En fait, il s’agit d’un commentaire des résultats de l’audit interne qui a révélé une série de dysfonctionnements qui mettent en cause la gestion du bureau de l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (Asdi).
Le journal note que des « sous-traitants choisis par l’Asdi n’ont pas payé leurs impôts et leurs cotisations à la sécurité sociale ; un employé non autorisé a répondu à des lettres officielles avec son adresse courriel privée, des bons d’essence estimés à 20 000 couronnes suédoises, soit 1 279 257 F CFA ont été perdus... ». En plus de ces impairs, il est également signalé que « l’Asdi a perdu 118 000 couronnes suédoises (soit l’équivalent de 7 558 892 de F CFA) de TVA qu’elle n’a pas réclamée en retour au Burkina ».

Force est de constater que si ces reproches faits au bureau local de l’Asdi témoignent de manquements aux règles de gestion qui ne sont pas seulement propres au Royaume de Suède, ils constituent également des exigences auxquelles il faudrait sacrifier au Burkina. Le non-paiement d’impôts ainsi que le non-reversement de cotisations sociales dues sont, en effet, des manquements suffisamment graves pour ce bureau qui est censé non seulement défendre l’image de son pays, mais également donner l’exemple. Pour le contribuable suédois, il est inacceptable que les fonds alloués à cette organisation ne soient pas utilisés aux fins qui étaient convenu.

De la même façon, la perte de bons d’essence est le signe d’une négligence ou d’un manque de rigueur. Pour une structure qui bénéficie d’une considération aussi importante que l’Asdi, il s’agit là d’une légèreté inconcevable pour l’entendement commun. Comble de pagaille, lorsqu’« un employé non autorisé » se permet d’utiliser son adresse personnelle, et donc privée, pour répondre à une correspondance officielle, on a visiblement franchi le rubicond vers une gestion peu orthodoxe. Quand on sait que les Suédois sont très regardants sur ces détails aussi bien pour eux-mêmes que pour les partenaires qu’ils assistent techniquement et financièrement, il y avait de quoi provoquer un tollé. Comme pour confirmer toutes les permissivités qui lui sont reprochées, le bureau de l’Asdi n’aurait pas été fichu de demander le remboursement de la TVA qu’il ne devait normalement pas payer en tant qu’institution opérant sous le couvert de la coopération, et donc exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Vu du Burkina, ces griefs peuvent paraître peut-être exagérés. Mais ils témoignent de la vigilance des instances suédoises de contrôle. Dans le cas d’espèce, la communication des résultats de l’audit interne à un journal confirme, sans doute, un souci de transparence, mais aussi d’information du public, des citoyens suédois sur ce qui est fait de leur contribution au développement des pays du Sud. Très peu de partenaires au développement et pas des moindres accepteraient de se livrer à cet exercice de gouvernance. Et pourtant. Aussi longtemps que l’argent de l’aide au développement sera dépensé dans un flou artistique et ne fera l’objet d’aucun compte-rendu public aux citoyens des pays donateurs, il sera bien difficile de combattre la corruption et la mauvaise gestion qui se nichent également dans ces institutions censées irréprochables.

En titrant qu’il y a « Des insuffisances graves au bureau de l’Asdi au Burkina Faso », le quotidien suédois “Dagens Nyheter” jette un véritable pavé dans la mare. A en croire le contenu de l’article, celui-ci a été rédigé sur la base d’une déclaration de l’auditeur interne, William Stannervik, qui a martelé que « la gestion interne (du bureau de l’Asdi) a été insuffisante ». De quoi secouer non seulement le cocotier au niveau du ministère suédois de la Coopération et du bureau national de l’Asdi, mais aussi et surtout inviter le contribuable suédois à ouvrir l’œil et le bon.
C’est d’ailleurs par le biais d’une citoyenne suédoise soucieuse de faire connaître le contenu de cet article à l’opinion burkinabè que le Dromadaire a pu entrer en possession de cette information qui date déjà de près de 3 mois, mais qui mérite encore d’être connue ici au Faso. Ce d’autant plus que les citoyens burkinabè ont également un droit de contrôle en tant que bénéficiaires de l’aide suédoise au développement. Cette affaire est pédagogique à plus d’un titre.

Le commentaire du rapport d’audit interne par la presse suédoise participe du besoin d’imputabilité et de transparence que l’on peine encore à intégrer dans les réflexes de nos gouvernants. Il montre également une bonne collaboration entre les autorités chargées du contrôle interne et les médias. Il ne s’agit donc pas simplement d’étaler le linge sale sur la place du marché, mais de mettre le doigt sur un problème de gestion qui, s’il n’est pas corrigé, peut entamer la crédibilité de l’institution suédoise de coopération internationale au développement.
Le fait d’ébruiter cette affaire dans la presse a surtout l’avantage de montrer que la question de mauvaise gestion, aussi interne soit-elle, ne saurait être classée comme un « document top secret » ou encore un tabou. On devrait pouvoir parler ouvertement de toutes ces affaires, qu’elles éclaboussent aussi bien les structures nationales que leurs partenaires internationaux. Or, c’est justement l’accès aux sources officielles de ces genres d’information qui pose problème.

F. Quophy

Journal du Jeudi

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 9 octobre 2009 à 10:17, par SAMP En réponse à : Coopération suédoise au Burkina : Mauvaise gestion du bureau de l’Asdi à Ouagadougou

    Merci à JJ pour la parution de cet article. Je salue fortement cette initiative qui participe à la moralisation de la gestion des fonds publiques et des aides (destinés au public)et lutter contre la corruption qui gangraine ce pays des hommes "plutot" désintégrés.

    Pour ma part, je recommande des sanctions publiques pour les responsables de cette gestion tant au burkina que dans le pays donateur pour rappeler à l’ordre les autres institutions qui gèrent des fonds destinées aux populations qu’ils sont surveillés en permanence.

  • Le 9 octobre 2009 à 13:59, par Kôrô Yamyélé En réponse à : Coopération suédoise au Burkina : Mauvaise gestion du bureau de l’Asdi à Ouagadougou

    Moi Yamyélé, je félicite l’ASDI pour avoir déjà osé faire un audit interne. Ce n’est pas courant en tout cas dans les services de l’Etat. L’ASDI a donc eu la volonté de se regarder du dedans et elle est à féliciter : Bravo, mmmff...(bisou).

    Maintenant venons-en aux faits récriminés :

    - Des « sous-traitants choisis par l’Asdi n’ont pas payé leurs impôts et leurs cotisations à la sécurité sociale : Il appartient à ces sous-traitants de payer librement leurs impôts eux-mêmes et non à l’ASDI de les y contraindre. S’ils ne payent pas, c’est à l’Etat de constater et de les poursuivre. Tout au plus l’ASDI pourrait prélever le montant de l’impôt sur leurs honoraires et les faire remplir une fiche et qu’elle envoi aux impôts. Mais là aussi, est-ce que le service des impôts envoi toutes les informations utiles aux coopérations ici ? NON, je suis sûr. D’ailleurs, ce travail de collecte des impôts reviens à l’Etat et non à des tiers fussent-il un bureau de coopération. Que le service des impôts s’adresse donc à son client et non à l’ASDI dont le rôle n’est pas de collecter des impôts pour l’Etat ;

    - un employé non autorisé a répondu à des lettres officielles avec son adresse courriel privée : Est-ce qu’une réponse par mail est un courrier officiel ? Eh bien NON !!! Donc ces réponses n’ont aucune valeur juridique pour qu’on y attache tant d’importance. Est-ce qu’on a vérifié que cet agent non autorisé a une formation en administration ? Ce constat n’est pas valable comme argument pour accuser l’ASDI ;

    - des bons d’essence estimés à 20 000 couronnes suédoises, soit 1 279 257 F CFA ont été perdus... » : OK, ici on peut dire que c’est de la négligence. Mais le rôle de l’auditeur est aussi de situer les responsabilités et de déterminer à partir d’où on a perdu les traces de ces bons. Ce n’est pas d’affirmer et puis c’est tout ;

    - « l’Asdi a perdu 118 000 couronnes suédoises (soit l’équivalent de 7 558 892 de F CFA) de TVA qu’elle n’a pas réclamée en retour au Burkina » : Je rappelle que l’ASDI n’est pas un commercant, mais un bureau de coopération selon vous (ou une agence d’exécution d’un bureau de coopération selon moi ??). Si elle a signé des conventions de financement des projets avec le Ministère de l’Economie et des Finances, elle a droit en effet à des exonérations des droits de douanes et d’acheter hors taxe, hors douane, et si elle a aussi un document officiel d’établissement de son bureau ici et qui lui en donne droit aux exonérations. Cette règle s’applique à tous les coopérants qui y travaillent et aux projets. Mais si le chef de la coopération ignore cette disposition et on ne l’y tient pas informé, ou est la transparence dans le partenariat ??? Sait-il que même ses propres factures d’eau et d’électricité à domicile sont exonérées de la TVA ??? Je ne crois pas qu’il le sache vraiment, sinon ce serait plus haut que ce montant. En conclusion, il paye des taxes qu’il ne devrait pas payer dans ce cas. L’audit devrait se pencher sur toutes ces questions et non se limiter au seul bureau car l’histoire des taxes va plus loin, et touche même les coopérants en tant que individus. Il appartient au services concernés de restituer ces montants indûment retenus car la coopération n’avait sûrement pas la bonne information.

    Voilà mon opinion et je n’accuse pas gratuitement SVP. Merci.

    Par Kôrô Yamyélé

  • Le 11 octobre 2009 à 12:00, par DODO En réponse à : Coopération suédoise au Burkina : Mauvaise gestion du bureau de l’Asdi à Ouagadougou

    Yamyélé , tu as entièrement raison.
    Merci

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique