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BAHAN DAMOUDO, Secrétaire général du SYNTSHA/Houet : "La grève est suivie à plus de 99%"

Publié le vendredi 9 octobre 2009 à 03h00min

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Au deuxième jour de la grève totale lancée à l’hôpital Sanou Souro de Bobo Dioulasso, nous avons rencontré Bahan Damoudo, secrétaire général de la section Houet du SYNTSHA, le 7 octobre 2009, dans les locaux de la Bourse du travail de Bobo Dioulasso. A travers l’entretien qui suit, il revient sur les motivations qui ont conduit à l’adoption d’une telle position, le déroulement du mouvement, ainsi que bien d’autres aspects liés à la vie de l’hôpital Sanou Souro de Bobo.

"Le Pays" : Depuis mardi, votre syndicat a lancé un mot d’ordre de grève générale à l’hôpital Sanou Souro. Comment se déroule le mouvement jusque-là ?

Bahan Damoudo : D’abord, il faut que je rappelle les points de revendication, parce que souvent, si ce n’est pas fait, les gens ne comprennent pas. Il y a en fait deux points de revendication qui, pour nous, ont exactement la même valeur. Le premier concerne les émoluments des hospitalo-universitaires et le reversement des médecins dans la catégorie P. Ce problème d’émoluments traîne depuis un certain temps. Il y a un décret qui a été signé en 2008 et le ministre de la Santé a demandé aux différents hôpitaux qui ont ces hospitalo-universitaires, c’est-à-dire des gens qui donnent des prestations, à la fois à l’hôpital et à l’université et qui ne sont pas payés par l’hôpital, de leur trouver une espèce de compensation.

Tous les hôpitaux ont reçu ce mot d’ordre et au niveau de l’hôpital Sanou Souro, on nous avait promis de payer cela depuis le mois de juillet. Dans un premier temps, tel n’a pas été le cas. Après, c’était août qui avait été promis, là non plus, rien n’a été fait. Et même en septembre, cela a été promis et c’est toujours le statu quo. Dans cet intervalle, notre section a écrit une lettre ouverte au ministre de la Santé pour lui dire toutes les difficultés que nous avons avec ces problèmes d’émoluments et de reversements. Nous n’avons eu aucune réaction. En ce qui concerne le deuxième point, il porte sur le dysfonctionnement de l’hôpital qui est un problème très important qui nous tient à cœur. Je crois qu’il n’est un secret pour personne ici à Bobo que le CHUSS se trouve dans un dénuement total. Du laboratoire au bloc opératoire en passant par la radiologie, c’est la débrouille. Voilà trois secteurs essentiels pour le fonctionnement d’un hôpital, qui sont quasiment non opérationnels. Or, sans ces services, il est impossible pour un praticien de poser un diagnostic correct et de suivre correctement un traitement. Depuis pratiquement 6 mois, il n’y a pas une possibilité pour un chirurgien d’opérer un malade, même programmé depuis un mois. Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui dans cet hôpital ?

On admet le patient, on estime qu’il doit faire des examens, on lui fait payer ce qu’on appelle le forfait labo ou radio, qui est de 6000 F CFA (ce qui n’est pas rien quand on sait le pouvoir d’achat des populations), et lorsqu’il se présente au laboratoire, on lui dit qu’on ne peut faire l’examen et qu’il faut aller au privé. Dans le privé, il doit encore payer et l’hôpital ne lui rembourse rien. Nous disons que même si cela n’est pas de l’arnaque, ça y ressemble. Au niveau de la radio, c’est la même galère ; voici un appareil qui a été acheté et 6 mois après il fallait déjà le réparer. Aujourd’hui l’on est à plus de 38 millions de F CFA de réparations. Tout cela est un travail de bricolage qu’on ne peut plus tolérer dans un hôpital. On ne crée pas un hôpital pour faire du bricolage car il s’agit de la vie des personnes. Pour en arriver à votre question, je dois dire que la grève se déroule très bien. Nous pensons que le mouvement est très bien suivi, parce que si on considère la première journée, sur environ 500 que nous sommes, en tant que agents de la Fonction publique, car il faut peut-être préciser que c’est une grève qui ne concerne que les agents de la Fonction publique, il y a seulement 4 qui n’ont pas suivi la grève. Donc on n’est même pas à 1% de briseurs de grève. C’est dire donc que la grève est suivie à plus de 99%.

D’aucuns pensent que vous êtes allés trop fort en optant pour une grève totale qui pénalise plus les malades. Avez-vous vraiment mûri la réflexion avant d’adopter une telle position ?

La réflexion a été très bien mûrie parce que, comme je l’ai dit précédemment, il y a déjà le fonctionnement même des services qui pose un gros problème. A ce niveau déjà, nous estimons que c’est un minimum que nous sommes en train de faire. Habituellement, lorsque nous allions en grève, du temps où les services fonctionnaient bien, on mettait en place le service d’urgence pour éviter que quelqu’un perde la vie pendant cette période. Mais dès l’instant où on ne peut même plus faire ce minimum, que voulez-vous qu’on fasse ? Nous pensons qu’il est mieux d’attirer l’attention sur la situation d’une manière conséquente afin que le problème soit résolu une bonne fois. Je pense que c’est en cela que réside le salut véritable des malades.

Il vous est reproché d’user de méthodes antidémocratiques pour contraindre certains travailleurs à suivre le mot d’ordre. Que répondez-vous à une telle critique ?

Je ne crois pas qu’il y ait eu de telles pratiques. Obliger quelqu’un veut dire que vous allez manu militari et vous le tirez de son service pour partir. Cela n’est pas possible. Nous avons toujours dit que la grève est une question de conscience individuelle. Si quelqu’un estime qu’il trouve son compte dans le mot d’ordre de grève, il va en grève. Celui qui estime que cela ne lui convient pas va travailler. La preuve est que comme je l’ai dit, il y a 4 qui ont travaillé. Pourquoi ne les a-t-on pas chassés ? C’est vous dire qu’on n’a fait la force à personne.

La directrice générale de l’hôpital trouve que le contexte national marqué par le sinistre de Ouagadougou aurait dû vous inspirer pour différer ce mouvement étant donné que le ministère est submergé par ces urgences. Qu’en pensez-vous ?

La situation nationale, on la connaît. Et les gens ont tous contribué plus ou moins, chacun à sa manière. Mais cela ne peut pas être utilisé comme prétexte pour ne pas résoudre des problèmes qui ont été posés depuis longtemps. Pour un hôpital comme celui-ci, qui couvre toute la région de l’Ouest du pays, et qui se trouve dans une situation aussi lamentable, en cas de catastrophe, le sinistre sera encore plus grave que celui de Ouagadougou dont on parle tant.

La directrice de l’hôpital pense aussi que des efforts ont été faits, avec notamment le payement des reversements en septembre dernier et aussi quelques équipements qui ont été acquis. Comment jugez-vous tout cela ?

Nous n’avons pas nié qu’elle ait fait des efforts. Les deux autoclaves du bloc ont effectivement été réparés, même si l’un est retombé en panne quelque temps après. Nous disons que ce qu’il faut pour cet hôpital, c’est du matériel tout neuf car les efforts sont le plus souvent anéantis pas la vétusté du matériel. Il y a du matériel, notamment un autoclave, qui a été commandé, à ce qu’on dit, mais cela n’est pas encore livré. Nous attendons depuis des mois. On ne peut pas compter sur quelque chose qu’on n’a pas encore reçu. Il y a aussi quelques matériels qu’on est en train de livrer depuis que nous avons lancé notre mot d’ordre. Nous disons que tout cela c’est bien mais insuffisant. Des consommables tels les fils de suture, les produits pour endormir et autres manquent. Donc, c’est un problème qu’il faut régler de manière complète et non pas par portions.

A ce stade des choses, qu’est-ce qu’il faut pour reprendre le travail ?

Je l’ai dit, nous avons juste deux points de revendication qui ont la même importance pour nous. Si le matériel est livré et que le personnel qui doit l’utiliser n’est pas motivé, il y a problème. De même, si le personnel est motivé et qu’il n’a pas le nécessaire pour travailler, c’est toujours le même problème. Nous l’avons bien mentionné dans notre préavis, si au bout des 72 heures, nous n’avons pas satisfaction, les travailleurs se donneront les moyens de poursuivre la lutte par d’autres voies. Donc, pour le moment nous en sommes à la grève totale, parce que c’est ce que la situation exige. Après on verra.

Propos recueillis par Ladji BAMA

le Pays

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