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PRIX NOBEL SCIENTIFIQUES : L’Afrique, éternelle oubliée

Publié le vendredi 9 octobre 2009 à 03h00min

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Le prix Nobel est une récompense de portée internationale. Selon les dernières volontés d’Alfred Nobel, ce chimiste suédois inventeur de la dynamite, qui a donné son nom aux Prix, les Nobel sont décernés ’’chaque année à des personnes qui ont rendu de grands services à l’humanité, permettant une amélioration ou un progrès considérable dans le domaine des savoirs et de la culture dans cinq disciplines différentes : paix ou diplomatie, littérature, chimie, physiologie ou médécine et physique’’.

La nationalité ou l’origine des candidats ne joue aucun rôle dans l’attribution des prix. Néanmoins, en considérant la liste des différents bénéficiaires par pays, on se rend bien compte de l’absence remarquée des Africains parmi les lauréats des disciplines scientifiques. Installé aux USA, Max Theiler, premier lauréat sud-africain en 1951 du prix Nobel de physiologie ou de médécine, pour son vaccin contre la fièvre jaune, est l’exception qui confirme la règle. D’autres Africains prix Nobel ? Il en existe. Albert Luthuli, Anwar El-Sadat, Desmond Tutu, Frédérik De Klerk ou Nelson Mandela ont eu le prix Nobel de la Paix. Wole Soyinka et Naguib Mahfuz ont, quant à eux, été lauréats du Nobel de la Littérature.

Pourquoi les Africains brillent-ils curieusement par leur absence de la liste des lauréats dans les disciplines scientifiques ? Pourquoi ne gagnons-nous pas les prix de médécine, de physique ou de chimie ? Pouvons-nous rivaliser avec les Français, les Américains ou les Anglais, trio de tête des différents lauréats des prix Nobel ? Même si certains peuvent formuler des critiques à l’endroit du comité qui décerne les prix, évoquant parfois des raisons politiques, il faut bien reconnaître que la plupart des lauréats méritent bien leur distinction. Tout est d’abord question de volonté : une volonté politique et une volonté de réussir, puis une question de moyens : financiers et matériels notamment. Les Américains investissent des milliards de dollars dans la recherche et mettent à la disposition des chercheurs les moyens dont ceux-ci ont besoin pour travailler dans des conditions idéales. Il n’est donc pas étonnant que cette année ils aient raflé presque tous les prix. Les raisons de leurs succès ne sont donc pas mystérieuses.

On ne peut pas dire qu’en Afrique la recherche soit vraiment une priorité parmi les priorités. L’éducation est à la base de la recherche et du développement. Quand on ausculte le systhème éducatif de la plupart des pays d’Afrique, on ne peut qu’être attristé : les taux d’alphabétisation sont toujours faibles ; les salles de classes, pléthoriques ; les enseignants sont mal payés ; les universités sont le plus souvent en proie à des grèves qui n’en finissent point. Le niveau d’éducation ne peut donc que faiblir. Dans ce contexte, on ne doit pas s’étonner que la recherche soit à la traîne sur le continent. Certes, nous avons des chercheurs qui trouvent. Cependant, leurs inventions, parfois éphémères, restent locales. Elles ne profitent pas toujours à la nation encore moins à l’humanité tout entière. Ce ne sont pas les conditions archaïques dans lesquelles nos chercheurs travaillent qui peuvent leur valoir la reconnaissance internationale. Ceux-ci s’échinent dans de minables laboratoires, centres et instituts où ils manquent de tout. Difficile donc de faire de la recherche sans moyens financiers et matériels. Pourtant, ce ne sont pas leurs capacités qui sont mises en cause.

Nos chercheurs gagneraient peut-être à mettre en commun leurs faibles moyens ou créer des pools de recherche transfrontaliers. Par-dessus tout, les dirigeants africains devraient avoir la volonté politique de booster la recherche ; ce qui est loin d’être le cas. La recherche est ausi une préoccupation sur le long terme ; c’est le cadet des soucis des dirigeants. Au contraire, ils sont plus soucieux de se péréniser au pouvoir et ne manquent pas d’initiatives dans ce sens. Ils préfèrent ainsi dépenser beaucoup d’argent dans l’armement plutôt que d’investir dans des secteurs porteurs d’avenir comme l’éducation. Il ne faut donc pas s’étonner non plus que les chercheurs africains émigrent, appâtés par les conditions de travail qui leur sont servis en Occident. Du reste, nombreux sont les lauréats des prix Nobel, Européens ou Américains, qui ont la double nationalité ou qui se sont naturalisés. Qu’on ne soit d’ailleurs pas surpris que le Malien Cheick Modibo Diarra, qui travaille à la NASA, acquiert un jour la nationalité américaine, s’il ne l’a pas déjà.

La recherche est aussi une question de prestige et de notoriété. Etre lauréat d’un prix Nobel assure une promotion à l’échelle planétaire, une renommée internationale et une aisance financière. La recherche permet également à un pays de prendre des longueurs d’avance sur les autres. Cela justifie, en partie, la superpuissance des Etats-Unis et leur domination technologique sur les autres. Les Africains ne sont donc pas encore prêts pour remporter de sitôt des prix Nobel scientifiques. Ce serait un bon début si nos dirigeants pouvaient prendre conscience de cette situation, dès maintenant.

Par Boureima OUEDRAOGO SONRE

le Pays

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Vos commentaires

  • Le 9 octobre 2009 à 12:10, par Mamadou Lamine SANOGO En réponse à : PRIX NOBEL SCIENTIFIQUES : L’Afrique, éternelle oubliée

    La réalité de la recherche est plus triste que ce que vous imaginez, du moins dans notre pays. En effet, il faut aller dans le budget de l’Etat pour voir les lignes attribuées à la recherche et plus particulièrement au CNRST. C’est à pleurer alors que nous avons tout de même un plan stratégique de la recherche qui est très bien monté et qui fait la fierté des cercles de recherche au plan mondial. Mais en la matière, personne ne viendra vous démarrer votre plan si l’on ne sent pas votre Etat derrière vous. La raison est très simple, on sait que tant que les Etats ne s’investissent pas dans quelque chose, ils ne font aucun effort pour sa réussite. Le plus grave, c’est les finances. Je ne vais pas m’attarder sur les conditions salariales et autres traitements car au pays des hommes intègres, on a des valeurs et il ne faut pas passer le temps à pleurer sur ce que tout le monde sait. Mais le budget alloué à la recherche, les conditions d’accès et de décaissement méritent tout de même qu’on réfléchisse un peu. Lors qu’on me dit qu’un département avec 10 chercheurs à temps plein a moins de 2 millions de budget, c’est à se demander ce que veut l’Etat. Chaque chercheur aura en principe un budget de 200 000 francs l’année pour faire quoi ? De même, l’argent, s’il y en a est débloqué en avril et les engagements s’arrêtent en septembre après une coupure budgétaire en juin. En conclusion, 80 % des chercheurs ne perçoivent même pas les 200 000 affectés à leur laboratoire de recherche. Et pourtant, les chercheurs publient et sont bien appréciés dans leur monde. C’est bien à ce niveau qu’il faut les féliciter d’avoir trouvé une voie originale. 99% des chercheurs sérieux, je veux dire ceux qui publient, sont en relation de travail direct avec des laboratoires situés de l’autre côté de la mer et c’est bien pour cela le Professeur Ki-Zerbo disait que 80% de la recherche consacrée à l’Afrique se passe hors du continent. A ce niveau, le cherche ne sait même plus ce que veut son pays car pour sa carrière, il est obligé de s’insérer dans des programmes des grands laboratoires. A l’arrivée, ce sont eux qui profitent des résultats des travaux de nos chercheurs et les enregistrent à leur palmarès.
    Lors que l’Assemblée Nationale d’un pays comme le Burkina Faso décide, par exemple de faire voter une loi pour interdire les manipulations génétiques, les recherches sur les cellules souches, les … c’est à rire. Le chercheur qui travaille sur l’ADN des gènes modifiés ne se souci même pas de cela car il sait que vous ne savez pas.
    Conclusion, je crois qu’il est temps l’organisation des Etats généraux sur la recherche en Afrique de l’Ouest car ces genres de problèmes ne peuvent pas avoir de solutions nationales. Le Cames et l’UEMOA peuvent s’impliquer activement dans cette réflexion qui ne devra pas être une grande messe. C’est à ce prix que nous aurons des bases solides pour démarrer une recherche de qualité en Afrique, une recherche au service de l’Afrique et de la communauté scientifique mondiale.

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