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Ordures ménagères à Ouagadougou : Des précollecteurs crient à la concurrence déloyale

Publié le jeudi 8 octobre 2009 à 06h23min

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La ville de Ouagadougou est en proie à des pollutions diverses dues à plusieurs facteurs. Il n’est pas rare de voir des tas d’immondices qui trônent à proximité des habitats, dégageant des odeurs pestilentielles qui rendent infernale la vie des citoyens. Des bacs à ordures déposés un peu partout dans la ville permettaient l’évacuation des déchets. Et depuis 2005, plus rien. Où sont-ils rentrés ?

Les autorités municipales ont toujours rêvé de faire de Ouagadougou une belle cité, une ville propre. Plusieurs initiatives ont été prises à cet effet, pour rendre le cadre des citoyens sain et enchanteur. Ces efforts consentis par la mairie lui a valu de nombreuses distinctions.

Malgré ces énormes sacrifices en matière d’assainissement, la capitale burkinabè ploie toujours sous le joug des ordures, mettant ainsi à rude épreuve les initiatives des responsables municipaux. Le directeur de la propreté de la commune de Ouagadougou, Sidi Mahamadou Cissé déclarait dans les colonnes du journal “Le Pays” du mardi 25 août 2009 que : “Ouagadougou génère 800 tonnes d’ordures par jour”. Toute chose qui rappelle que la commune a du pain sur la planche. A travers les grandes artères de la ville, des bacs à ordures étaient déposés, permettant l’évacuation des déchets produits par les ménages. Mais depuis 2005, ces bacs ont disparu de leurs lieux habituels. M. Cissé explique : “La ville dispose d’un schéma-directeur de gestion des déchets dont la mise en œuvre est effective depuis le 15 avril 2005. Nous avons restructuré les filières des déchets en retirant les bacs à ordures qui étaient disséminés un peu partout dans les grandes artères de la ville et en procédant au redéploiement de ces mêmes bacs dans des centres de collecte. Par la suite, ils sont conduits dans des centres de traitement et de valorisation de ces mêmes déchets dont l’aménagement nous a coûté 3 milliards 500 millions de F CFA”.

Et pour la mise en œuvre de ces schémas directeurs, la commune de Ouagadougou s’est attachée les services de certains particuliers pour lui venir en aide dans la collecte des ordures ménagères, à travers un appel d’offres. C’est ainsi que la ville de Ouagadougou a été subdivisée en douze zones de collecte, lesquelles ont été attribuées à des Groupements d’intérêt économique (GIE) composés essentiellement d’associations. Celles-ci assurent la collecte des déchets auprès des ménages et se font payer directement par ces mêmes ménages selon le principe pollueur-payeur prôné par le code de l’environnement du Burkina Faso et selon le principe de subsidiarité prôné par le code général des collectivités locales. Les GIE qui collettent les ordures ménagères les déposent dans les centres de transit intermédiaire et une fois que les bacs sont pleins, les camions de la mairie se chargent de les enlever pour les acheminer vers les centres de traitement et de valorisation. Là-bas, un traitement approprié est appliqué aux déchets.

1000 F CFA, une somme exorbitante pour les ménages

Ils sont soit enfouis, soit valorisés sous forme de composte et une autre partie est valorisée sous forme de poubelles en plastique. La commune de Ouagadougou, en confiant la collecte des ordures ménagères à des associations, répond ainsi au souci du gouvernement de transférer certaines compétences aux collectivités locales. Cela contribue également à résorber un tant soit peu, la question du chômage dans la ville.
Ils sont une quinzaine de Groupements d’intérêt économique (GIE) comprenant 60 à 70 associations adjudicataires des zones de collecte des déchets solides à travailler dans la commune de Ouagadougou. La Société d’entretien, de nettoyage et de désinfection (SENDES) est une des entreprises qui intervient dans la collecte des ordures ménagères. Ce GIE compte 35 membres dont 25 s’occupent exclusivement du ramassage des déchets et les salaires sont compris entre 30 000 et 150 000 F CFA.

Souleymane Kaboré qui en est le promoteur trouve que l’abonnement à 1000 F par mois et par ménage ne leur permet pas de rentabiliser leurs investissements puisqu’ils font la collecte avec des tracteurs. Pendant ce temps, les ménages soutiennent que cette somme est exorbitante. “1000 F CFA par mois, c’est trop. S’ils peuvent réduire même à 500 F, ça va nous arranger”, a déclaré Clémentine Ouédraogo, habitante du secteur n°8. Contrairement à SENDES, l’Association pour la protection de l’environnement (APE) qui compte en son sein dix associations, n’a comme moyens de collecte, en tout et pour tout, des charrettes et des ânes pilotés essentiellement par des femmes. Le salaire à ce niveau, confie la présidente Safiatou Sylla, est fonction de la rentabilité de chaque association. Néanmoins, il varie entre 10 000 et 25 000 F CFA. Dans l’arrondissement de Sig-noghin où l’APE est adjudicataire, les ménages ne payent que 500 F CFA par mois. Malgré cela, les plaintes ne manquent pas car des ménages refusent de s’acquitter correctement de leurs obligations. “Pour certains, il n’y a pas de problèmes. Par contre, chez d’autres, ils peuvent faire 3 à 4 mois sans payer”, a déploré Mme Sylla. Le prix de l’abonnement varie selon la fréquence des enlèvements. Les ménages auprès desquels les ordures sont ramassées 2 ou 3 fois par semaine payent entre 2000 et 25 000 F par mois.

L’un des reproches faits aussi aux entreprises de collecte est d’accuser souvent des retards dans l’enlèvement des ordures. M. Kaboré explique : “Chaque secteur est subdivisé en blocs et nous travaillons avec des machines. Souvent, il y a des pannes techniques et quand il pleut, on ne peut pas ramasser les ordures sous la pluie. Sans oublier les embourbements dus à l’Etat défectueux des voies où on peut mettre facilement deux heures pour extraire un tracteur”. Certains ménages n’entendent pas ça de cette oreille. Pour eux, les précollecteurs sont seulement prompts quand il s’agit du recouvrement des fonds. “Chez nous, les ramasseurs d’ordures peuvent faire deux semaines sans passer. J’ai décidé d’arrêter mon abonnement et c’est mon fils qui ramasse maintenant les déchets avec une charrette”, a laissé entendre une autre habitante du secteur n°8 qui a requis l’anonymat. A la question de savoir quelle est la destination des ordures ramassées par son fils, cette dame dit ne rien savoir. René Kabré, lui, est domicilié à Sig-Noghin. Selon lui, des gens interdisent qu’on jette les ordures dans le bac (sa cour est située à proximité d’un centre de collecte). Les femmes de l’APE lui ont demandé de s’abonner mais il leur a répondu qu’il envoie ses déchets à l’aide d’une charrette dans son champ pour le fertiliser.

Une randonnée dans la ville de Ouagadougou permet de se convaincre que la bataille contre la prolifération des dépotoirs sauvages est loin d’être gagnée. Des immondices, on en trouve partout, le long des murs et des voies ferrées, aux différents carrefours, dans les réserves administratives etc. Dans cette situation, les ménages sont pointés du doigt. “Il y a des ménages qui sont restés réfractaires et l’incivisme aidant, ils refusent de s’abonner. Ce sont eux qui sont à la base de la constitution des dépotoirs sauvages dans les réserves administratives ou aux abords des barrages”, a fustigé M. Cissé. Selon les responsables de l’APE, des indélicats déversent nuitamment leurs ordures le long des rails et dans l’espace du monument aux martyrs. Des dépôts qui jouxtaient également le mur du lycée municipal de l’arrondissement de Sig-Noghin, avaient été éliminés par les femmes de l’APE, mais ils se sont vite reconstitués quelques jours après. Pour pallier ces indélicatesses, des mesures dissuasives ont été prises et la police municipale a déjà saisi du matériel ayant servi au transport d’ordures dans des endroits non indiqués.

Une concurrence déloyale

L’un des problèmes majeurs rencontrés par les GIE est la concurrence déloyale pratiqué par les informels, c’est-à-dire des charretiers qui n’ont pas officiellement eu le marché, mais tiennent à collecter les ordures. “Quand un ménage refuse de payer, on veut bien arrêter le contrat, mais si on le fait, il y a les informels qui passent après nous pour enlever les déchets à des prix dérisoires”, a regretté Mme Sylla. M. Kaboré embouche la même trompette d’alarme lorsqu’il affirme que cette concurrence déloyale constitue pour eux une menace sérieuse.
Ces affirmations sont corroborées par la direction de la propriété. “Il y a une concurrence déloyale pratiqué par les informels qui va à l’encontre des GIE officiellement adjudicataires des zones de collecte. Ils retirent anormalement leur clientèle” a martelé M. Cissé. Des difficultés dans la gestion des ordures ménagères, il en existe aussi bien du côté des ménages, des GIE que de la commune.

La plupart des ménages se plaignent du vol de leurs matériels faisant office de poubelles. Ces objets qui sont soit des barriques, soit des seaux ou autres plats sont déposés à la devanture des cours en attendant que leur contenu soit vidé par les précollecteurs. Le hic, ces poubelles disparaissent curieusement, laissant les propriétaires dans l’amertume. C’est pour éviter ces désagréments que nombre de ménages préfèrent garder leurs poubelles dans les cours. Mais seulement, la garde des poubelles à l’intérieur des concessions ne facilite pas la tâche aux précollecteurs. “Il y a certains ménages dont les portes sont toujours fermées ; chez d’autres, les poubelles ne sont pas visibles et pour avoir accès aux ordures, il faut faire des tours”, a noté Mme Sylla. Certains ménages sont aussi reprochés de mélanger à leurs ordures, des cailloux ou du sable, ce qui rend l’enlèvement difficile.
Autres difficultés rencontrées par les GIE dans leurs activités, ce sont les perturbations dans la circulation. Malgré tout, les précollecteurs sont déterminés à accompagner la commune dans sa mission d’assainissement de la ville. “La mairie sait qu’à elle seule, elle ne peut rien faire. Nous sommes donc complémentaires”, a conclu M. Kaboré.

Mady KABRE (Stagiaire)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 8 octobre 2009 à 17:48 En réponse à : Ordures ménagères à Ouagadougou : Des précollecteurs crient à la concurrence déloyale

    Très bon article sur la triste réalité des ordures à Ouaga.
    Tant qu’une partie de la population n’est pas abonnée pour l’enlèvement des ordures, on n’y arrivera pas.Car, il y a beaucoup d’incivisme. Certains sont sans doute des cas sociaux mais la majorité veule éviter de payer 500 ou 1.000 F/mois alors qu’ils ont la capacité de le faire. Tous ces récalcitrants oublient que les maladies à soigner liées aux ordures vont leur coûter au bas mot 2 à 3 fois plus mais préfère économiser 500 F pour boire une bière.
    Une des pistes possibles, est de le rendre obligatoire pour toute concession habitée ; un peu comme la taxe de résidence (l’abonnement pourrait très bien varier selon le standing de la maison).
    En conclusion, cette réalité des ordures est à l’image de l’incivisme de l’occupation des zones inondables par la population et qui a amené la catastrophe du 1er septembre avec plus de 100.000 sans abris et de l’incapacité de l’état à gérer et faire appliquer les textes en vigueur
    Il faut que les GIE puissent s’appuyer sur les services de la commune comme les policiers municipaux pour faire payer à ceux qui ne veulent pas payer. Aller au niveau des dépôts sauvages pour prendre les récalcitrants et les amender, visiter les concessions alentours pour voir qui est ou non abonné...
    Bref, il faut sensibiliser mais il faut aussi être ferme contre les cas d’incivisme des citoyens. Balancer ces ordures n’importe où est un cas patent. Donc, faites appliquer le principe pollueur-payeur à tous !

  • Le 8 octobre 2009 à 20:18 En réponse à : Ordures ménagères à Ouagadougou : Des précollecteurs crient à la concurrence déloyale

    très bonne analyse de la situation. Il faudrait que les autorités municipales aillent au bout de la logique de réorganisation de la collecte des ordures par des mesures d’accompagnement des efforts déployés par les GIE pour assainir la ville.
    Je soutiens le point de vue du lecteur quant à des mesures répressives pour décourager les acteurs informels et les ménages non coopératifs.
    Cependant, les GIE devraient aussi travailler à améliorer la fréqeunce des collecte pour ne pas décourager les bons payeurs et à revoir la tarification à la baisse en fonction des standings des concessions. En effet, socialement, il serait intéressant d’indexer les tarifs au niveau de vie dans une logique d’action solidaire comme pour la taxe de résidence ou comme les biens sociaux en général.
    Bon courage à un stagiaire qui a fait un travail de recherche à encourager.

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