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CONCASSEUSES DE GRANITE : Difficile de gagner sa pitance quotidienne

Publié le jeudi 1er octobre 2009 à 05h59min

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Le granite est une roche dure, cristalline, couramment utilisée dans la construction de bâtiments. Mais son obtention n’est pas chose aisée. Toutefois, par manque d’emploi, certaines femmes s’y consacrent afin de gagner leur pitance quotidienne. Sur l’axe Koudougou-Sabou, l’activité draîne du monde. Nous y avons fait un tour pour en savoir davantage sur l’activité, ses risques, ses difficultés mais aussi sur les ressources qu’elle génère.

Le manque d’emploi et la pauvreté sont, sans contexte, les raisons principales qui amènent les sexagénaires à concasser le granite pour subvenir à leurs besoins. Selon Mme Rasmata Kiemtoré, le concassage du granite est une activité difficile qui comporte d’énormes risques. ‘’Dans notre activité, on enregistre fréquemment des blessures. On a même enregistré un décès l’année dernière. On s’adonne à l’activité de concassage par pauvreté’", déclare-t-elle.

A l’en croire, l’activité n’est plus rentable comme par le passé car le tas qui se vendait à 2500 F CFA, se négocie actuellement à 1000 F CFA compte tenu de la conjoncture économique. Cette chute de prix décourage les concasseuses mais elles n’y peuvent rien contre. Mme Kiemtoré a invité les autorités à soutenir les concasseuses afin qu’elles puissent scolariser et s’occuper convenablement de leurs enfants. Alizèta Guissou, une autre concasseuse, déclare exercer l’activité depuis 15 ans de cela. Comme Mme Kiemtoré, elle a aussi souligné les risques liés à l’activité. ‘’Mon époux est très âgé et ne peut plus travailler pour subvenir aux besoins de la famille. Voilà pourquoi je pratique cette activité qui me permet de payer les frais de scolarité de mes enfants et les vivres pour la famille", ajoute Mme Guissou. Son vœu est que les autorités soutiennent les concasseuses car elles endurent beaucoup de souffrances dans leur activité qui devient de moins en moins rentable. Si l’époux de Alizèta Guissou est très âgé, celui de Solange Zongo, une autre concasseuse, n’a pas d’activité rémunératrice. C’est la raison qui l’amène d’ailleurs à concasser le granite pour gagner un peu d’argent afin de pouvoir nourrir ses enfants, fait-elle savoir. Et cela fait 16 ans qu’elle est dans le concassage.

Une activité peu rentable

"Au début, l’activité était rentable car on pouvait vendre un tas à 3 000 F CFA. Mais de nos jours, le même tas est souvent cédé aux acheteurs à 1000 F CFA alors que l’activité cause beaucoup de maladies. Le peu d’argent qu’on gagne maintenant est souvent englouti par les frais d’ordonnances médicales", a indiqué Mme Zongo. Malgré tout, les femmes ne baissent pas les bras. Loin s’en faut. Elles sont déterminées à poursuivre l’activité qui pour l’instant, leur offre la possibilité de répondre tant bien que mal aux besoins de leurs familles. Mme Zongo a souhaité que l’Etat burkinabè crée des emplois pour les jeunes afin de soulager leurs parents. Les concasseuses ne vivent pas les mêmes réalités mais elles ont un dénominateur commun qui est la pauvreté. Selon Habib Zongo, c’est pour faire face problèmes familiaux qu’elle concasse le granite. L’activité est, certes, harassante, mais peut-on croiser les bras face aux cris des enfants affamés ?", se demande-t-elle. Du haut de ses 16 ans d’activité, Mme Zongo affirme que le concassage rapporte peu. Elle trouve que les ressources générées ne lui permettent pas de subvenir convenablement aux besoins de sa famille. Cela du fait qu’elle entraîne des maladies dont leur prise en charge occasionne beaucoup de frais. Mme Zongo a souhaité que les autorités leur viennent en aide surtout avec du matériel de protection pour qu’elles puissent éviter certaines maladies liées à l’activité.

Une activité périlleuse

S’il y a une chose sur laquelle les concasseuses sont unanimes, c’est bien la survenue courante des maladies au cours de l’activité. Pour Madeleine Guissou pour qui l’activité n’a plus de secret car l’ayant exercée pendant 18 ans, les maux d’yeux, la toux et les blessures courantes aux doigts sont le lot de souffrances quotidiennes auxquelles font face les concasseuses. Cela est dû en partie au fait qu’elles ne disposent pas de matériel de protection tels que des masques, des gants, etc. "Mais comme aucune perspective d’emploi ne s’offre à nous, nous sommes obligées de braver les risques pour pouvoir gagner notre pain quotidien", confie-t-elle. Elle a aussi souligné qu’avec la rentrée scolaire, elles doivent redoubler d’efforts dans le travail afin de pouvoir scolariser leurs enfants. "Nous souffrons beaucoup. Quand on regagne le domicile le soir après le travail, on n’arrive souvent pas à dormir car tout le corps nous fait mal. Je n’ai plus de force pour travailler.

Si les autorités pouvaient nous soutenir avec un peu d’argent, on pourrait exercer d’autres activités génératrices de revenus pour mieux s’occuper de nos petits-enfants", a indiqué Mme Guissou. Elle a relevé que le granite devient de plus en plus rare au niveau du site alors qu’il est difficile d’aller sur d’autres sous peine de subir des représailles de la part des propriétaires terriens dont certains n’hésitent pas à les lapider. De son côté, Mme Ramata Siemdé dit avoir commencé l’activité il y a 13 ans de cela. Elle se rend sur le site chaque jour autour de 5 h du matin et ne regagne son domicile qu’après 17 h. La soixantaine bien sonnée, Mme Siemdé trouve que l’activité devient de plus en plus périlleuse car il faut rentrer dans de profondes excavations pour pouvoir faire sortir quelques morceaux de granite. Ce qui n’est pas chose aisée pour une personne de son âge. L’obtention de la pitance quotidienne et la scolarisation des enfants sont les principales raisons qui amènent Mme Siemdé à s’adonner au concassage. "Si les autorités pouvaient nous aider avec des vivres, ce serait bien car on ne gagne pas grand-chose dans l’activité" a conclu Mme Siemdé.

Gagner sa vie honnêtement est un véritable sacerdoce pour les concasseuses. Malgré l’âge avancé de la plupart d’entre elles, chacune veut se servir de ses dix doigts pour subvenir aux besoins de sa famille. C’est cette volonté qui a conduit Julienne Kagambèga dans les excavations du site de granite. A l’entendre, certains de ses petits-fils sont à l’école alors qu’elle n’a pas les moyens pour assurer leur repas quotidien. Avec les fortes précipitations enregistrées, certains champs ont été inondés. Ce qui signifie que les récoltes ne seront pas bonnes à certains endroits. Il ne reste donc plus qu’à se tourner vers le granite pour espérer gagner un peu de ressources pour éviter que les enfants ne dorment le ventre creux, a laissé entendre Mme Kagambèga. Quant aux maladies liées à l’activité, elle se dit en être consciente mais estime qu’elle n’a pas le choix car elle doit nécessairement trouver de quoi nourrir ses petits-fils. Son vœu est que l’on lui vienne en aide afin qu’elle puisse non seulement scolariser ses petits-fils mais surtout faire face à leurs besoins sur les plans alimentaire et sanitaire.

Si certaines ont 18 ans d’ancienneté dans l’activité, d’autres, par contre, n’ont que 3 ans d’exercice. C’est le cas de Korotimi Yaméogo. Elle affirme avoir eu des blessures à plusieurs reprises qui lui ont failli coûter la vie. Comme ses camarades, elle ne dispose pas de matériel de protection. Mais, contrairement aux autres femmes, Mme Yaméogo juge l’activité rentable malgré la chute vertigineuse du tarif de vente du tas. " L’argent que je gagne dans la vente du granite arrive à couvrir les besoins de ma famille. Elle est rentable mais elle comporte beaucoup de risques. Nous avons failli perdre l’une de nos camarades le vendredi 25 septembre 2009. Elle a voulu casser quelques morceaux de granite et elle est tombée dans une des excavations. N’eût été mon intervention, elle allait y rester", fait-elle savoir. A son avis, l’obtention du granite au niveau du site devient difficile car il commence à se raréfier. "Si on pouvait nous trouver d’autres emplois, ce serait soulageant", a souhaité Mme Yaméogo.

Si l’Etat pouvait ...

Les concasseuses jugent bas le prix d’un tas de granite. Mais les acheteurs sont d’avis contraire. Selon Pierre Yaméogo, les concasseuses font preuve de bravoure. Mais les prix qu’elles proposent (1500 F CFA) sont peu élevés. Malgré tout l’acheteur Yaméogo a souhaité qu’on baisse encore le prix du tas et le fixer à 1 000 ou 1 250 F CFA car cela leur éviterait d’être en porte-à-faux avec leurs patrons qui ne leur donnent que 35000 F CFA pour le plein de la benne. "Nos mamans souffrent beaucoup dans leur tâche pour pouvoir scolariser et nourrir leurs enfants. Si l’Etat burkinabè pouvait voler à leur secours, ce serait bien, a souhaité M. Yaméogo.

Dabadi ZOUMBARA

Le Pays

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