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Retour de Côte d’Ivoire : Un tronçon infernal, des rebelles enquiquineurs

Publié le mardi 29 septembre 2009 à 04h26min

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Mon précédent voyage en Côte d’Ivoire par la route remonte au mois d’août 2000, où j’étais allé couvrir la convention du PDCI à Yamoussoukro. Dans la capitale politique ivoirienne, la famille des houphouëtistes devait investir son candidat à la présidentielle de 2000, qui avait alors vu la victoire de Laurent Gbagbo face au général Robert Guei. Neuf ans après, j’y étais de nouveau par la même voie, mais, cette fois, à Abidjan, avec un groupe de journalistes à la faveur du match retour Eléphants # Etalons comptant pour la 4e journée des éliminatoires CAN et Mondial 2010. Maintenant que la défaite a été digérée, je vous invite à vivre notre aventure à travers ce carnet de voyage, avec en sus une histoire hilarante.

Un pangolin qu’on se méfiera de manger désormais. L’attrait de l’aventure, c’est aussi ces rebelles en armes qui ont établi des barrages à l’entrée de chaque village et ville de leur zone. Dans le nord du pays, ils règnent en maîtres et gagnent beaucoup d’argent à en juger en tout cas par le nombre de chauffeurs qui ne peuvent passer sans cracher dans la gamelle. Tout ça, c’est le résultat du coup d’Etat manqué du 19 septembre 2002. Outre les contrôles intempestifs, la route s’est considérablement dégradée dans cette région et provoque des accidents terribles.

Parmi le petit groupe de dix-sept (17) journalistes qui devait se rendre à Abidjan pour ce match Côte d’Ivoire # Burkina Faso du 5 septembre 2009, je figurais en bonne place, m’étant inscrit au préalable.

Le départ a été fixé dans la nuit du mercredi au jeudi, et le point de ralliement était la RTB. A l’heure dite (0 heure), on n’a pas enregistré de retardataire, et c’est à bord d’un véhicule du Comité national olympique et des sports burkinabè (CNOSB) que nous avons quitté Ouagadougou, avec toutefois quinze minutes de retard sur l’heure initiale.

Le ciel était étoilé, et à cette heure de la nuit, des gens étaient toujours en ville ; des noctambules comme on en trouve dans toutes les grandes villes africaines. Après le déluge du 1er septembre, ceux dont les maisons n’ont pas cédé sous la poussée des eaux pouvaient se permettre d’être hors de chez eux.

La circulation est fluide, et nous sortons de la ville pour emprunter la nationale 1. Le chauffeur du ministère des Sports et des Loisirs, Joseph Kaboré, qui a pris ses dispositions pour le voyage, roulait presque à 100 à l’heure. C’est vers 4 heures du matin qu’il rallia Bobo, où nous attendait un autre confrère, Yaya Tamboura de la RTB (ouest).

A Banfora, nous faisons escale juste pour un petit déjeuner et nous nous remettons en route. Au poste de police de Yendéré, l’ordre de mission que Joseph présente à des agents nous libère la voie.

Après Niangoloko, un département du Burkina situé dans la province de la Comoé, nous voilà à la Léraba, le premier poste de police sur le territoire ivoirien. Nous présentons notre sauf-conduit ; mais, au moment de partir, un homme en tenue militaire nous demande de laisser quelque chose. Vous avez bien compris, quelque chose qui n’est autre que de l’argent.

D’autres militaires sont à quelques mètres de nous et arrêtent des véhicules. Celui qui nous a accostés insiste parce que c’est « matin », et il est en carême comme certains de ses compagnons d’armes. Le chauffeur sort de sa poche une pièce de 500 FCFA qu’il lui tend ; le sésame qui ouvre la barrière et nous permet de poursuivre notre chemin.

Ebahi, je me demande si cela ne va pas être de même pendant tout le trajet. Nous mettons le cap sur Ouangolodougou.

- L’agouti (1)

Depuis que nous avons quitté Yendéré, le premier changement que j’ai constaté, c’est le paysage. J’adore la nature. Assis à l’avant avec Antoine Bationo, mon confrère des éditions Le Pays, je contemple le paysage. La végétation est luxuriante, et sur les bas-côtés de la route, on voit des troupeaux de bœufs paître. La fraîcheur de l’air me fait du bien. Est-ce la même chose pour ces chiens et moutons couchés tranquillement sur la chaussée, sans aucune peur ?

Nous atteignons Ouangolo avant 11 heures ; comme à la Léraba, il faut encore faire quelque chose. Mais les hommes du Premier ministre Soro Guillaume n’insistèrent pas là-dessus quand nous leur fîmes comprendre qu’on ne savait pas ce qui nous attendait à Abidjan.
- « Vous pouvez partir, mais ne nous oubliez pas au retour », lance l’un d’eux, le sourire en coin. Le véhicule s’éloigne. Joseph roule à vive allure en direction de Ferkessédougou.

Mais à peine a-t-il fait quelques kilomètres qu’il est contraint de ralentir. La route est impraticable, avec, par endroits, des nids-de-poule. Notre commissaire aurait plutôt parlé de gîtes de dindons. Le véhicule, à un moment, fit une embardée sur une bosse de la voie. On ne peut faire de la vitesse sur ce tronçon, dangereux pour les automobilistes.

Moi qui croyais qu’on l’avait réhabilité après mon dernier voyage dus me résoudre à la triste réalité : elle est devenue pire qu’avant. La distance de 43 km, nous dûmes la parcourir en plus de deux heures. Enfin Ferké ! Alors qu’on croyait que c’en était fini de notre calvaire, nous dûmes subir encore la même situation entre cette ville et Katiola (145 km). Nous galérons encore jusqu’à Bouaké.

A l’entrée de cette bourgade, le fief des ex-Forces nouvelles, des militaires nous font signe de nous arrêter. Nous obtempérons. Au vu du véhicule, sur lequel on pouvait lire lisiblement « Comité national olympique et des Sports burkinabè » (CNOSB), ils imaginèrent tout de suite où on allait. Le contrôle prit alors le temps d’un bonjour et nous voilà alors en ville.

Là, nous faisons halte. Il était plus de 14 heures. Quand on fait un petit calcul, on se rend compte que Joseph a vraiment appuyé sur le champignon. C’est dans un maquis, en plein centre-ville, que les uns et les autres vont se restaurer. A la table de certains journalistes, la fameuse viande d’agouti et la grosse bouteille de bière communément appelée « Drogba », du nom du célèbre footballeur ivoirien.

La journée du 3 septembre 2009 fut sans aucun doute bonne pour la restauratrice, qui a écoulé tous ses agoutis de même que les autres viandes sauvages. Chacun ayant mangé avec appétit, je ne vous le dis pas, excepté trois personnes, qui observaient le jeûne religieux, nous quittons les lieux.

De vrais seigneurs dans les zones

A la sortie de la ville, encore des contrôles ; et, je vous le dis, on a comme l’impression que Bouaké est en état d’alerte. Par-ci, par-là, des camions à semi-remorque chargés de marchandises de toutes sortes sont stationnés. Dieu seul sait combien les conducteurs de ces mastodontes auront à débourser pour pouvoir passer au regard de notre petite expérience. Quant à nous, notre chance, c’est notre ordre de mission, qui fait autorité.

Chemin faisant, je ne pus m’empêcher de penser que les événements du 19 septembre 2002 font le bonheur de la branche armée des ex-Forces Nouvelles, l’ordre légal étant inexistant :

on se rappelle les casses des succursales de la BCEAO à Bouaké en 2004, qui auraient rapporté des dizaines de millions de CFA à la rébellion, selon certaines langues ! Aujourd’hui, bien que le pays soit sur le chemin de la normalisation en attendant l’élection présidentielle, ce qui se passe dans le Nord arrange certainement bien des gens.

Les rackets continuent de plus belle, et à cela s’ajoute le fait que les rebelles, en armes, sont de véritables seigneurs dans les zones qu’ils contrôlent, où ils disposent d’un pouvoir absolu. On comprend alors aisément qu’ils traînent à désarmer. Désarmer, voilà un verbe qu’on feint d’ignorer dans les zones occupées, puisque ce serait là renoncer à des avantages et sauter dans l’inconnu, l’incertitude…

En quittant cette moitié du territoire, qui est toujours sous contrôle de l’ex-rébellion, le véhicule continue tranquillement sa route. La voie est rétrécie, et les hautes herbes obligent le maître du volant à ne pas trop accélérer, surtout que des voitures débouchent à tout moment en sens inverse. La route présente de nombreuses montées et descentes.

Les accidents de la circulation ne manquent pas ici et, comme pour corroborer ce qui nous avait été rapporté, nous avons vu, à notre passage, des camions à semi-remorques couchés dans la nature.

A Yamoussoukro, je vois de loin la basilique notre-Dame-de-la-Paix, un magnifique édifice religieux construit sur près de 130 hectares. Copiée sur le modèle de la basilique de Rome, elle a coûté près de 300 millions de dollars selon les estimations et a été inaugurée par le pape Jean-Paul II le 10 septembre 1990. C’était sous le président Houphouët-Boigny.

J’ai eu la chance de la visiter lors d’un pèlerinage avec une association. Je me rappelle qu’à l’entrée de l’édifice se trouvent deux grandes statues de la Vierge Marie. Les allées sont ornées de marbre, de fleurs et d’arbustes. Il y a également deux salles d’expositions à l’intérieur de la basilique, des vitraux de Jésus Christ et de ses apôtres ainsi que celui du bélier ivoirien.

Elle peut accueillir jusqu’à deux cent mille personnes. Je suis dans la ville natale du premier président de la Côte d’Ivoire, feu Félix Houphouët-Boigny. Même de loin, on sent que sa résidence n’a pas été altérée par le temps et elle semble bien entretenue, avec ses murs propres et des cocotiers qui s’élèvent à une certaine hauteur.

C’est à l’intérieur, quelque part, dans un des caveaux de famille, que repose le père de l’indépendance ivoirienne, lequel a marqué l’histoire politique de son pays comme les Maurice Yaméogo de Haute-Volta, Hamani Diori du Niger, Hubert Maga du Bénin, Sylvanus Olympio du Togo, Modibo Kéita du Mali, Léopold Sedar Senghor du Sénégal, etc.

Un regard plein de nostalgie

Après Toumodi, située à 198 km d’Abidjan et à quelques encablures du corridor de la GESCO, il était désormais plus facile de circuler quand nous avons commencé à amorcer l’autoroute. Des plantations de palmiers, d’ananas, d’hévéas et de coprah défilent devant nous. Dans le véhicule, des journalistes sont émerveillés et parlent en bien du président Houphouët, qui a beaucoup fait pour son pays.

Un grand bâtisseur qui a compris, à l’aube des indépendances, que le succès de ce pays reposait sur l’agriculture. Nous croisons des femmes qui reviennent des champs, qui avec un régime de bananes, qui avec des ignames. « Si on meurt de faim dans ce pays, c’est qu’on ne veut rien faire. Ici la terre est généreuse et on a presque tout », fait remarquer un confrère.

A Adjamé, un quartier d’Abidjan-Nord, trois de nos compagnons de route descendent pour rejoindre soit leur famille, soit des connaissances. Le soir descend. C’est avec un regard plein de nostalgie que je revois le boulevard Nangui Abrogoua, toujours animé et grouillant de monde. Les carrefours, les abords des feux tricolores, les chaussées, les trottoirs et les passerelles piétonnes sont occupés anarchiquement par des commerçants et des vendeurs ambulants.

Dans cette foule grouillante, certainement que des pickpockets ne manquent pas. Un bouchon de circulation obstrue le passage. Joseph, qui ne connaît pas la ville, emprunte une des voies réservées uniquement aux bus de la Sotra (Société des transports abidjanais).

Certes, ce n’est pas normal, mais c’est la seule façon pour nous de ne pas être bloqué pendant des heures. De plus, qu’on nous traite de « Gaou » ne nous émouvra pour le moindre sou. Mais nous n’échappons pas à cette galère, car il faut aller au rythme des bus, sans chercher à les doubler.

En le faisant, nous risquons de croiser en effet un de ces mastodontes venant en face, et si un accident arrive, cela nous serait préjudiciable. C’est du reste ce que j’ai conseillé au chauffeur, qui a dû se rendre compte qu’Abidjan n’est pas Ouagadougou.

Sur cette voie de Nangui-Abrogoua, on voit des tas d’immondices. Une épouvantable odeur de putréfaction s’y dégage et vous parvient jusqu’au nez. Les poubelles sont débordées et à y regarder de près, ces ordures sont là depuis longtemps.

Ce que nous voyons est inconcevable et on se demande où sont passés les élus municipaux de cette commune d’Adjamé, qui connaît de graves problèmes d’insalubrité. Vont-ils laisser ces ordures polluer l’environnement avant de réagir ? Abidjan, comme on l’entend souvent de la bouche même des Ivoiriens, est sale, mais personne ne s’en préoccupe.

L’hôtel Touraco

Le véhicule, entre-temps, a quitté cet endroit qui ne fait pas honneur à la commune. Après plusieurs détours, une fois arrivé au plateau, le centre administratif et commercial d’Abidjan surnommé, le « Petit Manhattan », nous prenons le pont Houphouët-Boigny.

Il était déjà nuit. La lagune scintillait et des bateaux-bus partaient vers des destinations qui nous sont inconnues. Des fonctionnaires, des élèves et des ouvriers les empruntent chaque jour. Un transport fluvial sur la lagune, c’est vraiment magnifique.

Le grand moulin se voit de loin, et dans les environs, il y a le port autonome d’Abidjan, que les opérateurs économiques burkinabè connaissent très bien. C’est le poumon de l’économie ivoirienne, qui avait pris un coup pendant la crise.

De temps en temps, j’indique à Joseph la direction à prendre. Personne dans le véhicule ne sait où on va exactement. J’étais le guide de la petite délégation, et c’est vers 19 heures que le véhicule arrive au lieu où j’ai l’habitude de descendre quand je suis en mission à Abidjan : l’hôtel le Touraco, situé à Koumassi. Chacun s’y loge selon ses moyens, et on y récupère comme on peut après ce long voyage, riche en péripéties. La journée du 4 septembre est consacrée aux accréditations pour le match Eléphants # Etalons.

Dans l’après-midi, nous nous rendons au stade de la haute fréquence de la RTI (un terrain de foot) où nous disputons un match amical contre la presse ivoirienne. Cette rencontre se solde par 3 buts à 1 en faveur des journalistes burkinabè. Je vous en avais fait l’écho dans notre édition du mardi 15 septembre 2009.

Le soir, les hommes de médias des deux pays se retrouvent à la Gorge d’Or, en bordure de la lagune, pour une grande réception, offerte par Orange, le sponsor officiel des Eléphants.

Samedi 5 septembre ; c’est le jour du match tant attendu entre la Côte d’Ivoire et le Burkina au stade Félix Houphouët-Boigny. Le résultat, on le connaît, mais il n’y a pas lieu de se décourager. Notre participation à la CAN en Angola est encore possible, il faut donc se serrer les coudes pour atteindre l’objectif.

Mamadou et la courroie

Après notre défaite sur les bords de la lagune Ebrié, on n’avait plus rien à faire dans le pays du président Laurent Gbagbo. Le dimanche 6 septembre, nous quittons donc l’hôtel à 10 h 15 pour retourner d’où nous sommes venus, à l’exception de trois compatriotes ( ou confrères), restés pour des affaires personnelles.

De Koumassi à Adjamé, avant d’atteindre l’autoroute, aucun bouchon. C’est dimanche, jour de repos, et les croyants sont dans les temples et les églises. L’heure choisie pour quitter la ville est propice, et il ne fallait pas hésiter. Après une cinquantaine de kilomètres, le chauffeur, qui était en pleine forme, constate que la Mercedes Benz n’avance plus correctement. Il stationne, descend et revient nous annoncer qu’il a une panne de moteur : la courroie a cédé. Comble de malheur, elle est même tombée en cours de route.

Un gendarme, qui passait dans les parages, rebrousse chemin et nous demande ce qui se passe. Après les explications de Joseph, il plaisante en disant que si les Etalons avaient battu les Eléphants, il nous aurait abandonnés sur-le-champ. Puis il nous informe qu’il y a un village derrière nous, et qu’on peut y dénicher un mécano. Et nous voilà à pousser notre car jusqu’à MBrou, le village en question.

Nous laissons Joseph avec le dépanneur et nous traversons la route. Non loin de là, des femmes vendent des graines, des bananes et d’autres choses. Certains en profitent pour acheter du maïs. Notre chauffeur nous rejoint quelque temps après et nous fait savoir que le mécanicien est parti à Abidjan pour acheter une nouvelle courroie. Il devait être 12 heures. Le temps passe et notre « sauveur » n’arrive toujours pas.

Son apprenti nous assure qu’il viendra bientôt. Selon lui, ce n’est pas un jour ouvrable et son patron serait certainement en train de chercher la fameuse courroie que nous attendons tous. Mais nous apprendrons par des jeunes du village que le mécanicien, qui se prénomme Mamadou, est un homme porté sur la boisson et qu’il a dû trouver un maquis en ville pour trinquer. Stupeur : nous commençons à nous dévisager comme si nous ne nous étions jamais vus auparavant.

« Pourvu que ce mécanicien ne revienne pas demain », lançai-je à Wilson Ruben de la radio Savane FM, qui pouffa de rire.

Le pangolin

Fatigué de tourner en rond, j’allai m’asseoir sur le banc d’un kiosque. D’autres vinrent vers moi en ne cessant de maugréer contre ce technicien, qui était en train de nous faire perdre un temps fou. N’ayant pas bien dormi la nuit dernière pour avoir rédigé mon article vers 2 heures du matin (je suis un adepte du travail nocturne), je fais un petit somme. Tiré de mon sommeil léger, je suis appelé de côté par Ruben, qui me fait savoir qu’il a acheté un pangolin flambé non loin de là où nous étions.

Il m’indique le lieu, je m’y rendis. Je ne sais comment, j’étais suivi par Salif Guigma de la radio Horizon FM. Après une petite marche, dans un « banguidrome », je découvris Ruben attablé avec deux autres confrères. Sur leur table, plus de cinq bouteilles vides et des mouches qui tournoient. Je goûtai un peu au nectar, mais l’endroit ne me plaisait guère.

Je sortis de l’apatam, et derrière, des flammes attirèrent mon attention. Je ne m’en suis pas approché, mais je devine que c’est le pangolin qui était en train d’y être boucané. Quelqu’un ne cessait de le retourner et je me convainquis que c’était un connaisseur. Salif et moi prenons de l’attieké avec du poisson dans les environs du « banguidrome ». L’attente a été longue à Mbrou, où l’angoisse était perceptible.

C’est au moment où les musulmans s’apprêtaient à « casser » le carême (peu avant 18 heures) que nous vîmes notre sauveur providentiel descendre d’une « Toyota », un car de transport. Des confrères l’entourèrent immédiatement, cherchant à savoir pourquoi ce retard. Alors, Mamadou se fâche et explique qu’il a tourné dans tout Abidjan avant d’avoir la courroie.

Il menace même de nous la laisser monter. A le regarder, on sent qu’il est passablement éméché, mais ce n’est pas le moment de lui faire des remontrances. Un journaliste en principe ne sait rien faire d’autre qu’écrire ou parler. La nuit approche. J’interviens pour flatter les sens du mécanicien en lui disant qu’il a raison, et qu’on a oublié que c’est dimanche, après notre défaite la veille.

Mamadou sourit malicieusement et se met à la tâche à l’aide d’une torche. La nuit est tombée, puisqu’il a traîné avant de venir à bout de la difficulté à laquelle il était confronté. Mais, à un certain moment, on doutait de ses capacités à monter la courroie, qu’il a placée et replacée à maintes reprises. Puis il purge le radiateur et demande au chauffeur de mettre le moteur en marche. Celui-ci tourne à plein régime, et après un petit tour, tout va apparemment bien.

On oublie tout de suite le désagrément causé par le retard, et on professe à l’égard du mécanicien une admiration, qu’il mérite.

La main-d’œuvre réglée, nous quittons Mbrou vers 20 heures. Va-t-on rouler toute la nuit ? A cette question Joseph répond qu’il est rompu de fatigue. Sur ce point, il n’y a pas à discuter, et on décide de passer la nuit dans la première ville que nous atteindrons. C’est à Toumodi, à 22 heures. Nous demandons à savoir où on peut trouver de quoi manger.

Un passant, à qui je me suis adressé, nous indique la rue Princesse. On n’eut aucune peine à retrouver, le lieu puisqu’il existe des maquis un peu partout. La musique que nous entendons, c’est du coupé-décaler. Nombre de jeunes raffolent de ce concept. On fait le tour de la rue, et chacun fait son choix de mets : poissons braisés accompagnés d’attiéké, riz aux pattes de porc, etc.

Après quoi, nous voilà aux Colombes, l’hôtel qui nous a accueillis pour la nuit. Mais les 6000 FCFA qu’il faut débourser, au lieu de 10 000 FCFA après négociation, des confrères les trouvèrent élevés pour leur bourse. Certains choisirent donc de s’assoupir dans les fauteuils de la réception pendant que d’autres optèrent carrément pour le véhicule. Ah ! Avec ces jeunes gens, on verra tout.

L’horreur des accidents

Lundi 7 septembre 2009. Nous quittons l’hôtel à 7 h 15. A la sortie de Toumodi, des confrères se plaignent de ballonnements. Peu de temps après, on entend parler de diarrhée ; c’est la viande du fameux pangolin accompagné de paprika, piment dit doux, qui commence à faire ses effets. A Yamoussoukro, on s’arrête pour prendre le déjeuner.

Les mangeurs de pangolin ont disparu. Vous l’avez deviné, ils sont partis à la recherche d’un petit coin. Une fois à Bouaké, c’est la même chose et le même retard est constaté. Certains, pour nous faire croire que leur mal est parti, ont prétexté qu’ils faisaient des achats.

Comme à l’aller, l’état de la route Bouaké-Katiola-Tafiré-Ferké-Ouangolo fut encore un calvaire pour nous. Nous avons vu, à 10 km de la dernière ville citée, un camion à semi-remorque étalé près de la chaussée. Tout autour, des produits de beauté carbonisés sur la chaussée.

Des filles et des enfants fouillent dans l’espoir de tomber sur des produits qui ont peut-être échappé au feu. Selon le propriétaire du camion, Aboubacar Sylla, l’accident est survenu le 5 septembre et il en a été alerté depuis Bamako. Le Malien explique que les tambours chauffaient et que les pneus ont fini par prendre feu.

C’est par le rétroviseur que son chauffeur aurait vu la fumée, et il a réussi, avec son apprenti, à sortir rapidement du camion. Le préjudice subi est énorme, puisque, selon lui, ce sont des produits d’une valeur de 350 millions de FCFA qu’Aboubacar a perdus. Malgré cette situation, il n’avait pas l’air désolé. Il nous a confié qu’il a une assurance et que le camion serait retapé dans son garage au Ghana.

« Dans quelques mois, si je vous montre ce même camion, vous ne me croirez pas », nous a-t-il laissé entendre. Je vous l’ai dit, la voie est mauvaise dans le Nord ; et avant que nous n’arrivions en ce lieu, il y a eu un autre camion à semi-remorque accidenté le 6 septembre. La tête de l’engin s’était détachée du châssis pour se retrouver de l’autre côté de la chaussée.

Des sacs de vivres étaient déversés dans la nature. L’endroit étant éloigné d’un village, un rebelle était assis sur un tronc d’arbre pour surveiller les lieux. Avec probablement une contrepartie en temps opportun.

Quand notre Mercedes Benz arriva au premier poste frontalier du Burkina, je chassai de mon esprit l’horreur de ces accidents. Mais ce qui occupait entièrement ma pensée, ce sont ces rebelles, dont la plupart sont des jeunes.

Sont-ils des militaires de profession ? Chercher à le savoir signifie qu’il faut se rendre dans le QG des ex-Forces Nouvelles à Bouaké, sur l’ex-site de l’ADRAO. Pendant ce voyage, j’ai vu aussi dans un village une 4x4 flambant neuve sous un manguier. Appartient-elle à un gourou de la rébellion ? Je le pense intérieurement.

Mardi 8 septembre 2009. Il est 2 heures du matin quand Joseph gare au point de ralliement. On se quitte dans la gaieté. Le lendemain, je me revois encore en train de partir pour Abidjan par la route. N’ayant pas projeté au départ d’écrire ce carnet de voyage, les choses se sont imposées à moi, et je me suis décidé à donner une relation de notre voyage en Eburnie.

Justin Daboné

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 29 septembre 2009 à 13:22 En réponse à : Retour de Côte d’Ivoire : Un tronçon infernal, des rebelles enquiquineurs

    Vous m’avez fait voyager à travers la lecture de votre article. Toutes mes félicitations !!

  • Le 29 septembre 2009 à 15:07, par beton En réponse à : Retour de Côte d’Ivoire : Un tronçon infernal, des rebelles enquiquineurs

    mes elicitations M.le journaliste français soutenu,e une très bonne connaissance du terrain.
    vous devez penser a écrire des romans

  • Le 29 septembre 2009 à 17:50, par Diarradougou En réponse à : Retour de Côte d’Ivoire : Un tronçon infernal, des rebelles enquiquineurs

    Cher ami,

    J’ai fait a peu de choses pres le meme voyage que vous, avec la meme duree d’absence de cote d’ivoire, 2000-2009 ! J’y etais en aout dernier. J’aurais pu fair le meme papier. Tant nos impressions se recoupent.

    Mais, a la difference de votre mission officielle, je partais en voyage prive, dans les cars de transport en commun. Aussi, mon constat est qu’autant dans la zone rebelle que celle gouvernemetale, le pays est en coupe reglee pour ranconner copieusement tous les voyageurs.

    Cette economie de guerre explique bien pourquoi les elections ne sont pas pour demain. Et on peut etre parfaitement songeur quant a l’avenir de ce pays, avec toutes ces mauvaises habitudes de raquete desormais enracinees dans les trefonds des agents publics, et de defense et securite.

    Merci encore.

    PS : Votre article revele egalement, soit dit en pasant, dans quel denument vivent les ""grattes-papier" de ce pays, peut etre a l’instar de tous les salaries..... Etre incapable de payer une facture d’hotel de 6000 F CFA, meme si c’est de l’imprevu ....!!!!! Inimaginable ...!!!!!

  • Le 29 septembre 2009 à 18:27 En réponse à : Retour de Côte d’Ivoire : Un tronçon infernal, des rebelles enquiquineurs

    Hei ! toi qui observe et qui pose trop de question là, tu n’as pas remarqué que la plus part aux corridores surtout à Bouaké sont des Burrrrr, suurtout des mochis"mossi". Faut dir kè.
    meksi ! Une de leures citations preferées"patoron a dit toul monde de donné 200"

  • Le 29 septembre 2009 à 19:07, par LE VOLTAIQUE En réponse à : Retour de Côte d’Ivoire : Un tronçon infernal, des rebelles enquiquineurs

    Bien ecrit.Quel grand plaisir a vous lire Mr Le Journaliste.J’ai revisite certains de mes deplacements effectues dans la sous region:Dakar/Kayes ;Kayes/Bamako et Ouaga/Abidjan.Quelle galere..Merci

  • Le 29 septembre 2009 à 20:20 En réponse à : Retour de Côte d’Ivoire : Un tronçon infernal, des rebelles enquiquineurs

    moi je n’aime pas lire mais cet article a réussi a me captiver jusqu’à la fin.
    Très bon travail Mr. le journaliste

  • Le 29 septembre 2009 à 21:09 En réponse à : Retour de Côte d’Ivoire : Un tronçon infernal, des rebelles enquiquineurs

    SACRE DABONE ! j’AI TELLEMENT RI.Mamadou le mecano est bon. Ca doit etre un Gbin.

    Dagara Doow

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