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MINISTERE DES INFRASTRUCTURES ET DU DESENCLAVEMENT : "170 000 F CFA par contractuel licencié"

Publié le mardi 29 septembre 2009 à 04h25min

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Ce groupe de contractuels du MID ménacés de licenciement donne sa lecture de la situation et fait des propositions comme esquisse de solution au problème.

M. le Directeur de Publication DU journal "Le Pays", Nous ne saurions commencer le présent écrit sans vous adresser à vous et à votre équipe nos remerciements au nom de tous nos camarades contractuels du ministère des Infrastructures et du désenclavement pour votre soutien constant en termes de couverture médiatique de nos différentes manifestations pour le recouvrement de notre dignité et de nos droits légitimes de travailleurs bafoués.

Permettez-nous avant d’entrer dans le vif de notre écrit d’attirer votre attention sur une erreur qui s’est glissée dans la rubrique "Pot-pourri" de votre parution du vendredi 4 septembre dernier. En effet, vous écriviez que le motif du projet de licenciement des contractuels du ministère des Infrastructures et du désenclavement serait la découverte d’une situation de faux diplôme dont se serait rendu coupable un des contractuels du ministère. Il convient ici de préciser que l’agent responsable de ce cas de faux en question qui est sous les verrous présentement, n’est pas un contractuel du ministère mais plutôt un contractuel de l’Etat, donc recruté par la Fonction publique. Et même s’il était contractuel du ministère, pourrait-on reprocher à un groupe de plusieurs centaines de personnes les agissements illégaux d’une seule, fusse-t-elle fonctionnaire ou agent contractuel ?

Ceci étant, nous venons à travers cet écrit, prendre l’opinion publique burkinabè à témoin du drame sans précédent qu’on s’apprête à faire vivre aux contractuels du ministère des Infrastructures et du désenclavement. Les agents contractuels que nous sommes, ont été recrutés depuis les années 1994 pour pallier un déficit criard de personnel dans lequel était plongé le ministère suite à l’adoption par le Burkina Faso du Programme d’ajustement structurel au cours des années 90. Ces agents constitués en grande partie de chauffeurs, d’opératrices de saisie, d’agents de liaison, mais également d’autres types d’emplois ont été recrutés pour faire face aux besoins pressants du service et avec l’accord des plus hautes autorités et même de certains bailleurs de fonds pour permettre au ministère d’exécuter convenablement ses missions de désenclavement du Burkina Faso.

Aujourd’hui, sans pouvoir remettre en cause les compétences de ces agents, ni le rôle capital joué par ceux-ci sur les nombreux chantiers de construction et d’entretien de nos infrastructures routières, nos autorités de tutelle ont décidé du licenciement collectif de tous ces agents au motif que le ministère des Finances refuse de prendre en compte la masse salariale annuelle de ces derniers estimée à environ 220 millions de francs CFA. Pour une fois, il faut qu’une solution définitive et juste soit trouvée pour résoudre ce problème car les agents du ministère, en particulier les contractuels, ont assez souffert des perpétuels changements institutionnels qui ont cours dans ce ministère depuis les années 90. On entend çà et là des gens raconter des contre-vérités que le problème que nous vivons aujourd’hui est dû à des recrutements pléthoriques et anarchiques opérés au sein du ministère. Sans verser dans cette polémique béate, nous tenons à informer l’opinion publique que la véritable cause de cette situation est le projet du ministère de créer des agences routières qui se chargeront désormais de l’exécution d’une bonne partie de ses attributions traditionnelles.

"Jetés comme des oranges pressées"

A l’heure actuelle, à la lumière des propos du Directeur des Ressources humaines du MID et du Directeur général des routes lors de l’AG du 7 août dernier, des interviews du SG du ministère dans les journaux et des différentes rencontres avec le syndicat, il ressort que les autorités n’envisagent d’autres solutions à ce problème que la mise au chômage pure et simple de ces 266 contractuels du ministère pour ensuite procéder cette fois en collaboration avec la Fonction publique au recrutement de nouveaux agents.

Même s’ils ne le disent pas ouvertement, il ressort nettement que le fait de licencier ces agents pour ensuite procéder à des recrutements ouverts non seulement pour les agences en création et pour le ministère est une façon délibérée de se débarrasser de ces personnes dont on en a disposé à souhait pour l’exécution des missions du ministère et qu’on veut jeter maintenant à la poubelle aujourd’hui comme des oranges dont on a fini de se servir de leur jus.

Hormis le fait que beaucoup de ces agents ne pourront plus jamais postuler à un quelconque emploi de la Fonction publique parce que frappés par la limite d’âge de 37 ans, il n’est pas non moins évident que ceux non frappés par cette limite d’âge puissent retrouver leurs postes parce que beaucoup moins compétitifs théoriquement parlant avec les plus jeunes en quête d’un premier emploi, même si de façon pratique ils maîtrisent mieux l’emploi en question. Ont-ils pensé un tant soi peu à ce qu’il pourrait advenir de ces travailleurs que nous sommes, une fois ce projet mis à exécution ? Ce qui est véritablement choquant, c’est que les droits qu’on s’apprête à payer à ces 266 agents ont été estimés à peine à 45 millions de nos francs, soit en moyenne environ cent soixante-dix mille (170 000) F CFA par personne. Comment croient-ils qu’on puisse envisager une éventuelle réinsertion dans la vie économique et sociale au soir du 31 décembre avec pareille pitance après tant d’années de services rendus à la nation (certains parmi nous ont près d’une vingtaine d’années de service), quand on sait que la plupart d’entre nous avons des prêts en banque dont l’échéance pour certains va jusqu’en 2012 ?

Cela nous amène en tant que fils de ce pays nous aussi à nous interroger notamment sur les considérations suivantes :
- au nom de quels principes notre Administration peut-elle se permettre de mettre au chômage des centaines de ses fils, à qui l’on ne reproche absolument rien en termes de compétence et de qualité du travail et qui ont mis leurs forces de travail à la construction de notre chère patrie pour ensuite en recruter d’autres ?
- nos autorités de tutelle ont-elles mesuré les conséquences qu’une pareille mesure entraînerait au plan humain, social et même sur la réalisation des missions à elles confiées ?

- n’y a-t-il pas d’autres alternatives plus respectueuses des droits et de la dignité de ces pauvres travailleurs que nous sommes ?

- quel est cet avantage, aussi petit soit-il que notre patrie pourrait tirer en sacrifiant plus de 266 chefs de familles au profit du recrutement de nouveaux agents certainement beaucoup moins compétitifs que les premiers et avec des charges familiales et sociales incomparables ?
- l’Administration peut-elle exiger des entreprises privées le respect des droits de leurs travailleurs, si elle- même ne constitue pas un modèle en la matière ?

Pour notre part, nous estimons qu’à tout point de vue, pareille mesure n’est avantageuse ni pour l’Etat, ni pour la société a contrario pour les agents en question.

Au plan social et humain, un simple ‘’flash back’’ sur ce que les agents de ce même ministère ont vécu dans les années 90 après la prise d’une décision semblable (de nombreux suicides, dislocation de familles, délinquance) permettra aux autorités de mesurer le drame auquel elles s’apprêtent à faire vivre aux travailleurs que nous sommes, si elles s’obstinent à mettre en œuvre ce projet. Elles le porteront sur leur conscience et ce pour longtemps. Au plan économique, cette mesure va nécessairement occasionner un manque à gagner important pour l’Etat. Non seulement on assistera au retrait du marché de la consommation des centaines de ménages, ce qui est déjà économiquement catastrophique.

"Pourquoi pas un redéploiement à la Fonction publique ?"

En ce qui concerne la politique de désenclavement du ministère, elle ne peut qu’inévitablement prendre un coup du fait du déficit momentané de personnel pour les différents projets de construction et d’entretien de routes, mais ensuite le remplacement de ces agents déjà expérimentés par de nouveaux constituera un gâchis au plan financier et en temps, puisqu’il va falloir d’abord les former afin que ceux-ci deviennent pleinement opérationnels.

Les conséquences au plan juridique seront tout aussi considérables, en ce sens que le ministère devra prévoir dans son plan d’activités à venir de répondre à de nombreuses sollicitations de la justice et s’apprêter à dédommager ces travailleurs pour le préjudice à eux causés (précarité de l’emploi, fausses promesses, licenciement abusif). Il faudrait qu’il sache que les prérogatives de puissance publique n’excipent pas l’Etat de sa responsabilité dès lors que les actes posés à l’encontre des individus leur causent de graves préjudices moraux et matériels.

Dans un souci de préservation de l’intérêt général de la nation burkinabè qui sur tous les plans sort perdante si des solutions idoines ne sont pas trouvées à ce problème et dans la légitime reconnaissance de la nation au mérite de ces travailleurs que nous sommes qui avons pour certains depuis près d’une vingtaine d’années contribué à hisser notre pays parmi les pays africains ayant les réseaux routiers classés les plus denses dans la sous-région. Comme esquisse de solution à ce problème, nous pensons que l’Administration pourrait bien envisager notre intégration à la Fonction publique et procéder par la suite au redéploiement du surplus d’agents dans les autres ministères en manque de personnel.

C’est pourquoi nous interpellons ici à travers cet écrit, tous les citoyens burkinabè, à quelque niveau que ce soit, en particulier Son Excellence Monsieur le Président du Faso qui préconise la valorisation du capital humain dans son programme de développement solidaire pour une société d’espérance et l’ensemble de son gouvernement à s’impliquer véritablement, en faisant montre de cet élan de patriotisme et d’humanisme qu’il a toujours su manifester à l’endroit de ses compatriotes en détresse à l’image des sinistrés du 1er septembre 2009. Ce n’est qu’à ce prix qu’il donnera un souffle de vie nouveau à ces 266 agents que nous sommes, très durement éprouvés depuis l’annonce du projet de notre licenciement collectif.

Un groupe de contractuels du ministère des Infrastructures et du désenclavement

Le Pays

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