Déjà, dans les états-majors du Parti démocratique sénégalais (PDS), le parti au pouvoir, des comités pour inciter l’actuel occupant du fauteuil à se porter candidat se mettent progressivement en place ; et la sortie du porte-parole du PDS, Babacar Gaye, en dit long sur leur ferme volonté de parvenir à leurs fins. Gorgui, qui voulait mettre sur orbite son fils, Karim, s’est-il ravisé qu’au sein de la jungle politique du Sénégal celui-ci n’avait qu’un poids de duvet et qu’y jeter donc son rejeton serait trop risqué, car synonyme de l’envoyer à l’abattoir ?

C’est vrai que Karim, qui a été battu à plate couture dans son propre arrondissement du point E à Dakar lors des dernières municipales, a encore beaucoup à apprendre de la politique, celle sénégalaise surtout. Le seul garçon d’Abdoulaye et de Viviane Wade pourrait être candidat à une présidentielle, mais pas à celle de 2012. Tout bon banquier qu’il est, il n’a encore apparemment pas la carure d’un gestionnaire d’Etat. Et pour être magistrat suprême, cela compte pour de l’or en barre. Qu’à cela ne tienne ! Il dirigera un superministère pour mieux se forger une carapace de grand commis de l’Etat.

En attendant, c’est le père qui sera, pour la deuxième fois consécutive, candidat à la présidentielle, après son élection de 2000. Pour le moment, on en est aux supputations certes, mais si, dans les tout prochains jours, cette candidature était officiellement confirmée, elle n’aurait rien de surprenant, sauf d’être un peu gênante.

En effet, en 2012, le président Wade aura 86 ans, et donc 93 ans à la fin de son mandat s’il était réélu. Et tout porte à croire que s’il se résout à se porter candidat, il recevra de nouveau l’onction des électeurs, car, depuis qu’il s’est emparé des manettes du pouvoir, il a méthodiquement réduit à sa plus simple expression tout ce qu’on pouvait appeler opposition. Une fois de plus, l’ex-célèbre opposant sénégalais va faire un fracassante entrée dans le livre Guinness des records, en restant aux commandes du bateau battant pavillon Sénégal à 86 ans.

Cela serait d’autant plus incongru qu’il dirigerait un pays où l’écrasante majorité de la population est constituée de jeunes de moins de 35 ans. Un gouffre générationnel. Certes, Senghor et son successeur, Diouf, ses prédécesseurs donc, se sont tapé chacun une bonne vingtaine d’années à la tête du Sénégal ; alors, Wade, qui a augmenté la durée du mandat présidentiel de 5 à 7 ans, veut-il faire, lui aussi, deux décennies pour égaler ses devanciers en termes de longévité à la tête de l’Etat ?

Véritablement, même si tel était son désir, son grand âge y serait un handicap de poids. Et, par ailleurs, les risques de revers peuvent être sans appel pour le pape du Sopi. Cela est d’autant plus vrai que le juriste et économiste Abdoulaye Wade semble n’avoir pas suffisamment assimilé les belles leçons dispensées par le visionnaire Léopold S. Senghor.

Parlant d’expérience, le premier président du Sénégal disait en effet à qui voulait l’entendre qu’un chef d’Etat doit savoir partir à temps, à travers sa célèbre formule, en Wolof, « il ne faut pas racler l’écuelle du pouvoir ». Et cette sagesse de Senghor est plus que d’actualité par ces temps qui courent, où l’idée d’une probable candidature du président Wade est agitée à tout vent au Sénégal par des courtisans qui ne font que clamer haut et fort la sourde volonté de leur maître.

Par Boureima Diallo

L’Observateur Paalga