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Mariage : Cote d’amour élevée pour les filles diplômées

Publié le mardi 15 septembre 2009 à 04h09min

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Contrairement à certaines idées reçues, les hommes de Beni au nord de Goma cherchent de plus en plus à épouser des femmes instruites car elles peuvent mieux contribuer au budget familial et éduquer les enfants. Mais dans ces mariages, l’attrait de l’argent remplace parfois l’amour...

A l’entrée de la cour de la commune de Bungulu à Béni, 350 km au nord de Goma, l’ambiance est festive ce dernier mercredi de juillet. Plus aucun espace libre à cet endroit où une procession de chanteuses en uniforme, accompagne un couple de nouveaux mariés qu’attend impatiemment devant son bureau un agent de l’état civil. Dans l’assistance, une femme lance un cri : "Nous vous amenons une coupe en or, une universitaire !". La mariée est en effet une diplômée, ce qui pour sa famille est un énorme motif de fierté.

Dans cette ville d’environ 600 mille habitants, depuis deux voire trois ans, les hommes instruits préfèrent de plus en plus épouser des femmes aussi instruites. Attaché de presse, Apollinaire Malyawatu s’est marié à Beni début 2009 à une diplômée en sciences politiques et administratives de l’Université catholique de Graben à Butembo. Il justifie son choix par le souci de voir ses futurs enfants bénéficier d’une bonne éducation au foyer. "J’ai compris qu’il me fallait une femme qui a étudié comme moi. Avec Charline, l’éducation de mes enfants sera assurée", affirme Apollinaire, qui a fait des études en communication et sciences de l’information. Bon nombre de jeunes qui se préparent au mariage pensent de la sorte, car les hommes espèrent que les femmes qui ont un diplôme compléteront utilement le budget du ménage si elles ont un bon travail.

Chiffres en hausse

Dans les quatre bureaux de l’état civil de Beni, les registres des mariages célébrés au premier semestre 2009, renseignent que les mariés sont à majorité des couples instruits. "Depuis ma nomination en septembre 2008 à la tête de ma juridiction, j’ai déjà célébré plus de 50 mariages. Aucun de ces couples n’est analphabète", témoigne Solange Mufunza, bourgmestre de Beu, au sud de Beni. Même son de cloche du côté de Ruwenzori où Modeste Bakwanawa, lui aussi bourgmestre, confirme avoir observé ces dernières années une augmentation du nombre des mariages unissant des couples intellectuels.

Dans certaines institutions et universités de la place, des jeunes étudiantes sont d’ailleurs très courtisées par des prétendants en quête de femme à épouser. M. K., de l’Université officielle de Ruwenzori, fait la fine bouche. "Actuellement, je suis sollicitée par deux fonctionnaires, affirme-t-elle. Tous les deux me promettent la vie conjugale. Mais j’essaie d’observer le meilleur de mon goût et le gentil qui va arracher mon cœur". Auparavant, de nombreux aspirants au mariage étaient plutôt réticents envers les filles instruites. Les parents interdisaient souvent à leurs fils de prendre pour femmes celles qui ont poussé loin leurs études académiques, craignant qu’elles ne soient trop rebelles à l’égard de leur mari. "Avant les années 1990, la culture d’épouser une femme étudiante n’était pas d’actualité. Les gens pensaient que ce genre d’épouses pourrait dominer leurs époux dans le foyer", explique une sexagénaire, activiste au sein d’une ONG des droits de la femme. Actuellement, avec l’émancipation de la femme ainsi que l’adoption de la Constitution qui consacre la parité entre homme et femme, les choses semblent changer. Ce n’est pas tout. La baisse du pouvoir d’achat des maris qui détenaient souvent le cordon de la bourse des familles a poussé ceux-ci à évoluer dans leur conception de la vie en couple.

Mariage de raison ?

En RD-Congo, l’Etat fixe un SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti) à 3 $ par jour. Un bien maigre montant qui ne permet pas à un seul partenaire de tenir seul les charges familiales. C’est ainsi que la plupart hommes préfèrent se marier à des femmes diplômées qui travaillent et qui peuvent partager les charges du foyer. Davantage de femmes assument du reste des postes de responsabilité à Beni. "Dans plusieurs entreprises privées, des fonctions de caissière, de secrétaire et parfois celle de chef de protocole ne sont plus confiées aux seuls hommes. En plus avec le principe de gender, à compétences égales, les candidatures féminines bousculent celles des hommes sur le marché de l’emploi", atteste Sulemani Kavutirwaki, président de l’Union nationale des travailleurs du Congo.

Cependant, des ONG soulèvent quelques inquiétudes face à ces nouvelles unions qui s’apparentent souvent à des mariages d’argent. Elles appellent les parents à bien étudier les gens qui sollicitent la main de leurs filles. Matatu Kavira, animatrice d’une émission des femmes à la radio Muungano raconte une scène qui s’est déroulée au quartier Benengule, au nord-est de la ville, juste une semaine après les noces. "J’ai vu un couple se séparer quelques jours après leur alliance. L’homme pensait que tout le salaire de la femme lui reviendrait de plein droit. Mais sa conjointe lui a fait savoir qu’elle affectait ses appointements à ses parents afin d’aider à la scolarisation de ses jeunes frères". Les médias locaux relayent certaines émissions de femmes qui dénoncent ce genre de mariage. L’ONG Solidarité de femmes pour la paix intégrale condamne chaque jeudi de 20 h à 20h 30 les hommes qui veulent prendre les femmes "comme leurs esclaves".

Jacques Kikuni KOKONYANGE (SYFIA)

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