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AFFAIRE LUBNA AHMED AL-HUSSEIN : Rébellion pour un pantalon

Publié le mercredi 9 septembre 2009 à 04h32min

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Lubna Ahmed al-Hussein

Un moine sans son habit cesse-t-il d’en être un, ou en perd-il les qualités essentielles ? Pour avoir porté un pantalon en public, Lubna Ahmed al-Hussein et 12 autres femmes furent arrêtées le 3 juillet 2009 dans un quartier de Khartoum, la capitale du Soudan. Contrairement aux 10 d’entre elles qui ont été soumises à une amende et qui ont reçu des coups de fouet, la journaliste et employée de l’Organisation des Nations unies (ONU), et deux autres décident d’aller jusqu’au procès qui s’est tenu le 7 septembre dernier. Certes, les autorités soudanaises n’ont fait qu’appliquer l’article 152 du code pénal du pays qui dispose que quiconque "commet un acte indécent, un acte qui viole la moralité publique ou porte des vêtements indécents" est passible de 40 coups de fouet.

Il n’en demeure cependant pas moins qu’en maintenant la condamnation des prévenues, faisant ainsi fi de la pression internationale, la justice soudanaise ajoute au tableau déjà sombre de la situation de la femme africaine, une ombre laide.

Même s’il est indéniable que le corps de l’autre moitié du ciel a une particularité qui mérite qu’il ne soit pas publiquement exhibé, force est de reconnaître que la Constitution soudanaise, en matière de préservation des bonnes moeurs, brille par un flou qui est loin de favoriser un traitement équitable des citoyens. En effet, comme l’a relevé Amnesty international qui exhorte le gouvernement soudanais à retirer la loi contestée du code, celle-ci ne précise pas ce qui est indécent et ce qui ne l’est pas, laissant ainsi libre cours à l’arbitraire des policiers et desjuges. Car, non seulement le pantalon que portait la jeune femme était large, mais aussi il était dissimulé sous une tunique, ce qui écarte toute intention manifeste de choquer la pudeur. Et la discrimination dont sont victimes les femmes soudanaises est si flagrante et aux antipodes des droits humains, que le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a avoué être profondément préoccupé par la situation.

Mais qu’a fait réellement la communauté internationale pour voler au secours des suppliciées ? Au nom, sans doute, du principe de la non-ingérence dans les affaires des Etats, elle s’est livrée aux éternels, timides et donc infructueux appels à la clémence. Leurs intérêts politico-économiques les y contraignent-ils ? Cela a peut-être eu pour effet d’avoir amené le juge à substituer aux sévisses corporelles, une amende de 500 livres. La fonctionnaire onusienne, qui s’est dit prête à affronter jusqu’au Conseil constitutionnel, après avoir renoncé à l’immunité diplomatique que lui conférait son travail, malgré les supplications de son avocat et de ses proches, a catégoriquement refusé de payer une quelconque amende. Son objectif final étant le retrait pur et simple de l’article de loi incriminé. Bien qu’ayant été libérée le lendemain de son jugement expéditif, l’Association des journalistes soudanais ayant payé contre son gré l’amende à laquelle elle avait été condamnée, la militante promet de faire appel tout en continuant son combat. Plus que mue par des raisons politiques ou médiatiques, la détermination dont fait montre Lubna Ahmed al-Hussein dans son combat visant à mettre fin à une pratique dont sont victimes des centaines de femmes chaque année dans sa patrie, prouve à souhait qu’elle est une femme de principe et de caractère dont l’exemple doit faire école en Afrique. A l’image de la centaine de femmes qui se sont ralliées à sa cause à travers des manifestations violemment réprimées, la gent féminine doit aller au-delà des discours pour passer à la lutte active. C’est à ce prix qu’elle pourra mériter son pantalon, si tant est qu’elle y tient, comme l’a démontré al-Hussein.

Par Honoré OUEDRAOGO

Le Pays

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