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Fronde des militaires et gendarmes retraités : De l’eau dans le gaz chez Yéro-la-bagarre

Publié le lundi 7 septembre 2009 à 03h21min

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On croyait réglée la guéguerre entre le front des militaires et gendarmes retraités et le ministère de la Défense. Que nenni. Malgré les déclarations de bonnes intentions du cabinet du sinistre de la Défonce, Yéro-la-bagarre, les disputes persistent.
En leur refusant le droit de « manifester sur la voie publique » le 27 août dernier, la mairie de Ouagadougou a mis de l’huile sur le feu du torchon qui brûle entre l’administration militaire et les “anciens”.

Ces derniers seraient sortis le matin de ce jour-là pour, disent-ils, faire un cross. A leur grand étonnement, ils ont été accueillis à leur lieu de rassemblement par une équipe de gendarmes armés qui les sommaient de dégager la voie. Leurs interlocuteurs n’ayant pas obtempéré, les pandores n’ont pas hésité à appuyer sur la gâchette. Les bombes lacrymogènes ont eu raison du cross matinal. Les retraités ont dû prendre leurs jambes à leur cou et se sont dispersés contre leur gré.

Ils ont logiquement voulu dénoncer ce traitement en tentant d’ameuter l’opinion nationale par la presse, mais il n’y avait point de journalistes invités à leur manif’. Certains de leurs responsables se sont déplacés eux-mêmes au siège de certains organes de presse pour crier leur colère. Mais comme ils ne s’y attendaient probablement pas, cette information assez sensible a été traitée avec beaucoup de prudence par les confrères. Visiblement, aucun canard ne voulait que les codos mangent leur piment dans sa bouche. Qui est fou !

Du côté du ministère de la Défense, on apprendra que c’est par erreur que les services de la mairie ont accordé une autorisation d’organiser le cross à l’association des militaires et gendarmes frondeurs. Celle-ci aurait été prise pour la très officielle association des anciens combattants et anciens militaires. On imagine bien que le jogging ne devrait pas être du goût de l’autorité militaire qui voit là un alibi des retraités pour se rappeler au souvenir de l’opinion et s’offrir ainsi un coup de pub gratuit.

Mais si l’on en croit les informations distillées préalablement ici et là par le cabinet de Yéro-la-bagarre, ceux-ci seraient rentrés dans les rangs et auraient renoncé à toutes sortes de manif’ revendicative. Seraient-ils redevenus suspects au point d’être persona non grata ? Pourquoi la hiérarchie est-elle redevenue susceptible à leur endroit ?
Comme on peut le deviner, il y a véritablement anguille sous roche. L’association des militaires et gendarmes retraités semble décidée à ne pas se laisser oublier. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a toujours fait paniquer les hommes de Yéro-la-bagarre. Du moins, ces derniers ont apparemment du mal à maîtriser leurs sautes d’humeur. Les mesures gouvernementales qui ont consisté à dégager 3 000 postes pour réemployer ceux qui le veulent encore ne semble pas avoir calmé les velléités revendicatives. On se rappelle que ces vétérans s’étaient organisés au sein d’une organisation dénommée Alliance des retraités militaires (Aremi) en mars 2008.

Dans leur fronde contre l’administration militaire, ils réclamaient justement une rallonge de l’âge de départ à la retraite, une prime de départ et la prise en compte de la durée totale de la carrière comme base de calcul de la pension. Contre toute attente, ils ont choisi de laver ce linge sale sur la place publique en organisant une marche qui avait été qualifiée, en son temps, d’illégale. C’est à l’issue de cette rébellion que la fameuse proposition de réemploi leur a été faite. On suppose que c’est dans ce cadre que certains d’entre eux se sont retrouvés dans le contingent que l’Etat vient d’envoyer tout dernièrement au Darfour.
Mais l’arbre cache apparemment la forêt. Des frondeurs organisés au sein de la section de Bobo-Dioulasso avaient déjà déterré la hache de guerre le 11 juillet dernier en remettant sur le tapis les revendications relatives au décret présidentiel portant primes de départ à la retraite, les 17% de retenues opérées sur les revenus des gendarmes ainsi que le mode de calcul du temps de carrière. En fait, ils sont revenus sur les points de revendication qui ne semblent pas avoir été pris en compte par le gouvernement.

Comme il fallait s’y attendre, cette réouverture de la boîte de pandore ne devait pas tarder à contaminer les autres foyers dans le pays. Ouagadougou étant considérée comme l’épicentre de ce volcan qui couve depuis octobre 2007, le ministère de la Défense veillait certainement au grain. Le moindre mouvement des militaires et gendarmes retraités devait être surveillé de près. Ceci expliquerait la réponse de non-recevoir à l’organisation du cross du 27 août. Yéro-la-bagarre et ses hommes n’étant pas des enfants de chœur, ils n’ont probablement pas voulu prendre le risque de voir les vétérans les envahir. Ils ont réussi leur coup, puisqu’ils sont arrivés à convaincre la mairie de Ouagadougou de retirer l’autorisation qu’elle aurait accordée par « méprise ». Soit. Mais le problème que posent ces retraités est-il résolu pour autant ? Rien n’est moins sûr.
Si le ministre de la Défense avait martelé en décembre 2007, au cours d’une question orale à l’Assemblée nationale, que « ces revendications n’avaient aucune base légale et que par conséquent l’Etat ne pouvait pas y accéder », force est de constater que deux années après cette réponse, la pilule n’a toujours pas passé.

Même sans un cadre légal, les militaires et gendarmes retraités sont à l’affût de toutes les occasions pour se faire entendre. L’incarcération, pendant 20 jours à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco) d’un de leurs leaders, le sergent Clément Ouédraogo, ne semble pas avoir émoussé leur détermination. Ils tiennent à se faire entendre, et pour cause. Il a fallu que la gendarmerie use de gaz lacrymogènes pour les faire renoncer au semblant de cross qu’ils voulaient organiser à Simonville. On imagine qu’ils ont battu en retraite, mais qu’ils n’ont pas renoncé à la lutte. Du moins pas encore officiellement. Que va faire maintenant le sinistre de la Défonce ? Faites vos jeux, rien ne va plus.
Après les vétérans du Liberia à qui la justice a fini par donner gain de cause en espèces sonnantes et trébuchantes, il sera bien difficile de convaincre les frondeurs actuels de l’irrecevabilité de leurs revendications. Du reste, il s’agit d’un dossier pendant et gênant pour l’administration militaire. De quoi troubler le sommeil de Yéro-la-bagarre en cette rentrée scolaire et gouvernementale.

F. Quophy

Journal du Jeudi

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