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VEHICULES "FONDS ROUGES" : Détournement ou confiscation et pillage de l’Etat

Publié le mardi 1er septembre 2009 à 01h52min

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Peut-on mettre fin à l’utilisation des véhicules et des biens de l’Etat en dehors des heures de services par des personnes qui n’en ont pas le droit ? Question ouverte à laquelle il est difficile de répondre par un oui ou un non. Nous allons raisonner à partir d’exemples concrets que beaucoup rencontrent tous les jours, dans leurs services ou ailleurs.

Nous sommes dans une structure, un service déconcentré ou si vous voulez un démembrement de l’Administration publique. Le service est dépourvu de moyens, mais compte tenu de l’importance de ses activités, une ONG accepte de la doter d’un véhicule tout terrain. Tous les agents applaudissent. Avec ce 4x4 que l’ONG se propose d’approvisionner en carburant lors des missions en dehors de Ouagadougou, ils vont booster leurs performances, positiver tous les bilans.

La jubilation du personnel fut de très courte durée. La voiture livrée et un chauffeur trouvé, le patron ou la patronne en chef du service s’en est proprement approprié. Il ou elle en a fait son véhicule de fonction. On ne le voit plus dans sa voiture personnelle. Pour aller en mission dans les provinces, les agents doivent s’y rendre ave les transports en commun. C’est l’abattement et le mécontentement total aujourd’hui au sein de ce service. Les activités sont au ralenti. Voilà comment des responsables handicapent le fonctionnement des services à la tête desquels ils ont été placés. Dans cette situation, s’agit-il d’un détournement de véhicule de son objet véritable ou d’une confiscation pure et simple ? Quelle décision doit prendre la hiérarchie ? Un autre exemple qui concerne la gestion du carburant dans de nombreux services de l’Administration publique. Il y a une multitude de directions ou de services dont les agents travaillent en permanence hors de leurs bureaux. On dit qu’ils sont sur le terrain. Pour s’y rendre , il y a deux possibilités : soit le fonctionnaire utilise son propre moyen de locomotion, soit le service se charge de le véhiculer jusqu’à son lieu de travail. Dans l’un ou l’autre cas, du carburant est prévu pour ce faire.

Il est arrivé dans une importante structure déconcentrée de l’Etat que le Directeur des affaires administratives et financières déclare à des agents que la dotation est épuisée ou qu’il n’a pas reçu de dotation en carburant. En conséquence, il leur demande de se débrouiller. Pendant ce temps, des travailleurs de son service l’ont aperçu à une station de service détachant de nombreux bons pour remplir le réservoir de son propre véhicule, distribuant des bons à des visiteurs. S’agit-il dans ce cas de figure d’un détournement, d’un abus d’autorité, ou d’un vol pur et simple ? Que doit faire la hiérarchie ? Que pense la Cour des Comptes de ces deux exemples ? Doit-elle sanctionner ? Le troisième cas dont nous voulons parler est de moins en moins fréquent. Mais il existe tout de même. C’est le cas des grands commis de l’Etat qui envoient des agents payés par le Budget national travailler dans leurs chantiers (chantiers de construction, champs) ou pour être gardien chez un des leurs si ce n’est chez leurs maîtresses. Bien sûr que dans ce cas, les intéressés reçoivent, en plus de leur salaire, de substantiels cadeaux, de quoi acheter leur silence. Cette pratique est courante dans les sociétés d’Etat notamment. L’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat et la Cour des Comptes auront de grandes difficultés pour prendre un directeur général en flagrant délit. La pratique se voit de moins en moins, mais elle existe bel et bien.

Les employés fictifs et ceux qui sont sous-payés ont été et sont des méthodes de détournement des deniers publics. Comme le précédent exemple, ces façons de « bouffer » gratuitement l’argent public est courant dans les entreprises qui ont une autonomie de gestion. Le Directeur général ou le Directeur des services financiers, les deux ensemble dans une parfaite complicité, embauchent leurs parents ou proches parents pour le compte de l’entreprise, en leur faisant comprendre qu’ils sont à leur compte propre. A la fin de chaque mois, ils empochent le salaire de "leurs protégés" et leur donnent des miettes. Ces genres d’employés logent et mangent chez eux. C’est ainsi que de nombreux services sont encombrés par des personnes dont on ignore exactement leurs postes de travail. Ces personnes jouent un rôle très nocif dans les entreprises par les rapports qu’ils font quotidiennement à leurs parents responsables. Généralement, ils rapportent ce qu’ils n’ont ni vu, ni entendu pour se faire une cote auprès de ceux qui les emploient. Ils font la délation pure et simple et cela parfois sur le dos d’honnêtes travailleurs. Dans les entreprises où ce procédé est courant, une fois qu’ils sont démasqués par les autres, ils deviennent des pestiférés. On arrête de parler quand ils arrivent dans un groupe.

Ces procédés ne rentrent-ils pas dans le cadre de la surfacturation ? Que va penser la hiérarchie si le pot aux roses venait à être découvert ? Que peuvent faire l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat et la Cour des comptes si elles venaient à découvrir ces pratiques de vol de l’argent du contribuable ? Nous préconisons que les coupables soient chassés de leurs postes ; qu’ils partent avec leur cohorte de délateurs et d’employés fictifs. Nous pensons pour notre part que c’est pour éviter ces genres de situations qu’il est de plus en plus difficile de trouver de place de bénévole dans les services publics. Mais la pratique continue sous des formes raffinées grâce auxquelles on gonfle les effectifs des entreprises par des recrutements de parents et d’amis. Certains de ces employés ont pour fonction attitrée d’aller consulter les charlatans et les marabouts pour le compte de leurs employeurs.

Comme on le voit, il y a mille et une manières pour s’approprier en toute impunité l’argent de l’Etat. Elles vont des plus artisanales qui consistent à puiser dans les caisses dont on a la responsabilité, aux plus fines que sont les surfacturations, les confiscations des biens de l’Etat pour son propre usage personnel, au mandatement d’employés fictifs. Pour les initiés, il y a mille voies pour "dîner" les deniers publics sans courir aucun risque d’être démasqué. Toutes les occasions sont bonnes pour spolier l’Etat de ses biens avec à la bouche ces propos : "C’est l’argent de l’Etat, il n’appartient à personne".

Talato Sîîd Saya

L"Indépendant

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